Aujourd’hui Amazon fête ses 25 ans. En un quart de siècle ‘le bébé devenu grand’ de Jeff Bezos a non seulement définitivement changé le visage du retail, mais a également posé son empreinte indélébile sur l’économie mondiale. Va-t-on vers un clivage du monde en une équipe Est et une équipe Ouest ?
Le mot le plus prononcé
Dire qu’aujourd’hui Amazon est incontournable, est un euphémisme. Dans nos contacts quotidiens avec les retailers et les fabricants de marques ‘Amazon’ est devenu le mot le plus prononcé. Ce qui a démarré comme la base du commerce moderne et de la digitalisation, auparavant impensable, de certains secteurs (Livres? Impossible! Vêtements? Jamais!, Alimentation? Vraiment?) se rapproche dangereusement du rêve ultime de Jeff Bezos : ‘The Everything Store’.
Mais il apparaît surtout qu’Amazon est bien plus qu’un simple retailer, comme en témoigne la nouvelle édition en néerlandais du livre ‘Amazon’ de Natalie Berg et Miya Knights. Les auteurs de cet ouvrage prévoient que d’ici 2021 la majeure partie du chiffre d’affaires d’Amazon ne proviendra pas de produits, mais de services, à savoir le cloud computing (AWS), les affiliations Prime, la publicité, voire même les services financiers (encore à venir).
Actuellement la division AWS génère déjà la totalité du bénéfice du géant de Seattle. Même les autorités américaines se procurent des services cloud chez Amazon. La NASA, la démonstration par excellence de la puissance nationale, est elle aussi cliente. Tout comme Netflix et une multitude de retailers concurrents.
Percée dans le food d’ici 2025
Dans le chiffre d’affaires global d’Amazon la part du retail se réduit. Mais au lieu que cela soit un soulagement, c’est plutôt une chose pénible pour les retailers : dans la ‘machine Amazon’, qui entraîne ou pulvérise tout sur son passage, le retail n’est qu’une pièce parmi d’autres dans la mécanique. Et ce alors que l’acteur représente pas moins de la moitié du e-commerce aux Etats-Unis. En Allemagne 94% des e-acheteurs auraient déjà effectué un achat chez Amazon.
Lorsque Jeff Bezos a fondé Amazon, « son intention n’était pas d’ouvrir une librairie », a dit un jour le CTO de l’entreprise, avec une pointe de mépris pour le retail, nous semble-t-il. Pourtant, selon Berg et Knights, d’ici 2025 Amazon fera sa percée dans le secteur food, enfonçant ainsi la dernière porte fermée. Le food qui d’ailleurs est un pivot pour tous les autres achats.
Des concurrents déloyaux pour un concurrent déloyal ?
« Amazon a accès à un capital meilleur marché que n’importe quelle autre entreprise dans l’histoire contemporaine. Amazon peut donc emprunter de l’argent à des conditions plus avantageuses que la Chine par exemple », écrivent les deux auteurs. Mais ironiquement, c’est là justement que les seuls vrais concurrents d’Amazon ont vu le jour, et ce grâce à l’argent des autorités chinoises.
Dans le monde polarisé d’aujourd’hui l’Ouest et l’Est sont opposés l’un à l’autre, avec Amazon, Alibaba et Tencent dans les rôles principaux. Ils jouent aux géants, avec pour enjeu non plus l’atterrissage sur la lune, mais la course au cloud. Chaque pas franchi d’un côté de l’océan est sitôt suivi de l’autre côté de l’océan.
Quelques exemples parmi d’autres : Alibaba croit au ‘New Retail’, la combinaison de l’online avec les magasins physique ; Amazon rachète la chaîne de supermarchés Whole Foods. JD.com – partenaire de Tencent – ouvre un magasin sans personnel ; Amazon lance son concept sans caisse Amazon Go. Amazon lance Prime Day ; Alibaba génère un énorme chiffre d’affaires à l’occasion du ’11.11 Global Shopping Festival’ annuel. Le divertissement online et les payements sont les points forts de Tencent ; Amazon mise sur le streaming vidéo et les services financiers. De part et d’autre des drones autonomes, des robots volants et des assistants artificiellement intelligents sont testés dans des laboratoires et des zones d’essai.
Economie mondiale
Finalement c’est l’Etat chinois versus Amazon, étant donné que le gouvernement chinois soutient la croissance de ‘ses’ géants technologiques par tous les moyens possibles : investissements, subsides, voire même la ‘discrimination’ d’entreprises étrangères. Ainsi Facebook y est interdit, tandis que WeChat de Tencent est utilisé pour payer des tickets de train et des amendes. YouTube y est limité, alors que la version d’Alibaba Youku y est accueillie à bras ouverts. Une grande part du chiffre d’affaires d’Alibaba proviendrait de différentes instances gouvernementales chinoises, qui utilisent massivement les plateformes du rival d’Amazon pour des transactions internes. Tout comme les autorités américaines utilisent les services cloud d’Amazon, somme toute.
Amazon par contre est nettement moins soutenu que ses homologues chinois. Le président américain Trump a déjà laissé entendre à plusieurs reprises qu’il n’était pas fan de la puissante multinationale. L’entreprise ne cadre pas dans son discours de nationalisme et de protectionnisme économique. Amazon, le concurrent ‘déloyal’ de tant d’autres, serait-il lui-même confronté à une concurrence déloyale ? La guerre commerciale sino-américaine semble être un prétexte. Et qu’en est-il de l’Europe ? Elle se trouve coincée entre les deux, au sens propre comme au figuré.
Ce n’est donc pas une question d’entreprise, mais une question d’économie mondiale. Amazon est bien plus qu’une entreprise : le géant américain est l’un des plus grands acteurs de l’économie mondiale actuelle et en cette époque de polarisation politique l’un des acteurs les plus marquants sur la scène politique mondiale. Le but final est le pouvoir, la domination mondiale. Un objectif que l’on ne peut atteindre avec de gros bénéfices ou des dividendes élevés pour les actionnaires, mais bien avec des données et la fidélisation des clients.
What Amazon Can’t Do (WACD)
Qu’il s’agisse d’Amazon, Alibaba ou Tencent, leurs intentions sont les mêmes : attirer le consommateur dans leur toile. Cette toile est un écosystème complet et global, qui peut pourvoir à tous les besoins. Et comme dans toute guerre, froide ou non, il s’agit de trouver des alliés. Le monde est en train de se scinder en deux équipes : ‘team America’ et ‘team China’.
Une réalisation incroyable pour une entreprise qui existe depuis 25 ans seulement. Bon anniversaire donc à Amazon, The Everything Store ! N’hésitez pas à vous plonger dans l’histoire de ce miracle économique. Que vous soyez ami ou ennemi d’Amazon, la connaissance est la base de tout. La connaissance est l’arme du futur : le géant américain, orienté données, ne le sait que trop bien. Mais n’oubliez pas toutefois de vous focaliser sur ce que l’acteur mondial ne peut faire, What Amazon Can’t Do (WACD) : c’est là qu’il y a des opportunités à saisir et heureusement elles sont nombreuses. Choisissez donc vos armes et sachez que : Retail is back to attack !