Carrefour Belgium revient sur une année difficile mais ambitieuse. La transition alimentaire et la transformation numérique resteront les priorités de 2019 et le premier magasin bio du retailer verra bientôt le jour. L’arrivée de Jumbo n’influencera pas la stratégie.
Le pic de fin d’année
Juste avant le début des fêtes de fin d’année qui sont cruciales, nous rencontrons le dirigeant de Carrefour Belgique dans l’hypermarché de Mont-Saint-Jean (Waterloo) qui vient d’être rénové. Le magasin est prêt pour le grand rush de fin de d’année, même si le défi logistique ne cesse de croître chaque année : « Les clients prennent leurs décisions d’achat de plus en plus tard. Ils ne font plus de provisions, mais attendent de faire leurs courses au dernier moment. Cela crée un pic énorme juste avant les fêtes de fin d’année. Non seulement dans les hypermarchés, mais également dans les magasins Market, Express ainsi qu’en ligne. »
Nous apprenons que le magasin rénové réalise d’excellents résultats. « Nous avons réduit notre offre non alimentaire, en nous concentrant sur nos trois points forts : la culture, les petits articles électroniques et les articles saisonniers. L’attention accrue que nous portons aux produits frais est un succès, avec l’un des plus grands rayons poissonnerie avec personnel du pays, une grande boucherie, davantage de fruits et légumes en vrac … . La restauration couvre également un espace plus vaste : un coin café en collaboration avec Rombouts, un comptoir à sandwichs, des potages frais, des woks, des pizzas, des sushis… ». Les self-scans et les caisses en libre-service remportent un succès remarquable : près d’un client sur trois les utilise dans le magasin. C’est beaucoup plus que prévu. Depuis, 11 hypermarchés ont été équipés de cette technologie et tous les 40 points de vente seront également prêts d’ici fin juin.
Une approche omnicanale orientée vers le client
« 2018 a été une année difficile mais ambitieuse », se souvient Geoffroy Gersdoff. « Le plan de transformation était bien plus qu’un plan social. Nous avons dû ajuster l’ensemble de notre organisation, tant dans les magasins qu’au siège social où nous n’avons plus qu’une équipe marketing au lieu de trois, une équipe expansion au lieu de deux… Il était également important que les premiers résultats soient perceptibles dès 2018. Ce qui est le cas : prenez des projets comme ShipTo, les self-scans, les actions relatives aux Diables Rouges, Act for Food… Les employés et les clients comprennent mieux le positionnement de Carrefour. »
Au cœur de ce nouveau procédé, on retrouve une approche omnicanale orientée vers le client qui va au-delà d’une simple alliance entre le offline et le online. « Nous ne pensons plus en termes d’unités d’affaires différentes, nous recherchons une synergie entre nos enseignes et nos solutions e-commerce. Nous examinons notre part de marché et notre rentabilité par région. Prenez Waterloo où nous gérons un hypermarché, quatre points de vente Market, huit magasins Express ainsi que nos services online. Les clients choisissent un point de vente en fonction de leurs besoins. »
Cette approche régionale permet au retailer de découvrir à la fois les points blancs et les chevauchements entre magasins. « A Bruges, nous avions deux hypermarchés dont la répartition des rôles n’était pas claire, nous en avons donc converti un en Market. C’est ce qu’on appelle la pensée ‘customer centric’. Quels sont les services souhaités par nos clients ? Avons-nous déjà un rayon poissonnerie avec personnel dans cette zone, ou une boucherie ? Nous impliquons également nos partenaires franchisés. Nous testons même la publicité à travers les enseignes. Les clients de nos hypermarchés voient par exemple sur leur bon de caisse un message leur annonçant un festival de vin dans les magasins Market. Le vendredi, nous indiquons que les magasins Express de la région sont ouverts le dimanche. Dorénavant, nous concentrons nos efforts sur une seule marque dont Carrefour est le nom de famille, et Hyper, Market, Express et Drive.be sont les prénoms. »
Le déploiement de ShipTo
Carrefour fait face au même défi que les autres retailers : où concentrer ses investissements ? En magasin ou en ligne ? « Nous devons trouver un équilibre. En ce qui concerne l’e-commerce, nous nous focalisons sur l’alimentation qui représente 80% du chiffre d’affaires. ShipTo, notre service de livraison à vélo, en est un bel exemple : l’application fonctionne comme un marché, c’est un véritable ‘shopping assistant’ avec livraison dans les 90 minutes. Il s’agit d’un usp très puissant et unique. C’est une façon intelligente et simple d’utiliser l’e-commerce. Après avoir testé le service à Knokke et à Tomorrowland, nous avons implémenté ShipTo dans dix magasins bruxellois. Les résultats sont positifs : le panier moyen est plus important que ce que nous avions prévu, il contient plus que les simples produits de dépannage. Au cours du premier semestre 2019, nous continuerons donc à déployer ce service à Bruxelles. D’autres villes suivront. »
Il est également frappant de constater que Carrefour mise de plus en plus sur le bio. « Il s’agit d’une parfaite adéquation entre la demande du client et ce que nous pouvons lui offrir. Peu de labels sont aussi reconnaissables et claires pour le consommateur que le bio. Nous avons ajusté notre gamme et revu les planogrammes. Nous offrons davantage de produits en vrac et plus de produits de marque Carrefour Bio. Aujourd’hui, nous nous considérons comme un véritable magasin bio avec près de 4.000 références bio répartis dans tous les rayons. Grâce à la centralisation des stocks dans nos centres de distribution, l’ensemble de la gamme est désormais disponible pour tous les magasins.
Une forte croissance du bio
C’est la première action de l’ambitieux projet Act for Food, et non sans raison : proposer la marque bio la moins chère de Belgique. Est-ce que Carrefour est capable d’appuyer cette affirmation ? « Nous comparons les prix d’un panier de produits bio avec ceux de nos concurrents tels que Bio-Planet, Delhaize, Färm… Mais nous respectons tous les acteurs de la filière bio, nous ne voulons pas appauvrir nos agriculteurs. Nous nous efforçons également d’offrir davantage de produits bios d’origine belge. Ce n’est pas facile, car la production est insuffisante. A l’heure actuelle, nous soutenons 50 agriculteurs conventionnels dans leur conversion vers le bio. Il nous a fallu cinq ans pour pouvoir offrir du lait bio belge durant toute l’année. »
Ces efforts portent leurs fruits. « Au cours des neuf premiers mois, notre croissance en produits bio a atteint le double de celle du marché belge. A l’heure actuelle, nous progressons entre trois à cinq fois plus vite. » Et qu’en est-il de la formule de magasin bio annoncée par Carrefour ? « Le premier point de vente ouvrira ses portes vers la fin du premier trimestre 2019. Le plus important était de développer un modèle commercial clair. C’est ce que nous avons fait. Ce magasin sera bien plus qu’un simple point de vente bio. L’emplacement a également été choisi. Nous allons vivre une nouvelle aventure. » Act for Food n’est d’ailleurs pas une campagne marketing, souligne Geoffroy Gersdorff. « Aujourd’hui par exemple, chaque responsable de catégorie travaille dur pour tenir nos engagements en matière de déchets d’emballage. »
Une stratégie multi-formats à part entière
Et les chiffres ? « La part de marché combinée des magasins Express et Market est en hausse. Nous devons continuer à réinventer les hypermarchés. Mais je ne réfléchis pas en termes de parts de marché : la part de marché ne paie pas mes factures. Ce qui importe, c’est de renforcer notre position dans toutes les régions et de poursuivre une croissance rentable. Si vous réfléchissez en termes de portée par région, ce n’est pas un désastre de constater que la commodité augmente et que les hypermarchés éprouvent davantage de difficultés. »
Qu’apportera l’année 2019 ? « Les mêmes évolutions se perpétuent : nous poursuivons sur la voie de la transition alimentaire et de la transformation numérique. Et grâce à notre approche régionale, nous continuons d’ouvrir des magasins Express et Market aux endroits où nous apercevons des points blancs. » Le retailer ne s’inquiète pas de l’arrivée de Jumbo en Belgique : « Nous avons notre propre stratégie. Nous ne copions personne et nous ne changerons pas notre approche en fonction des concurrents existants ou nouveaux. La copie est toujours moins bonne que l’original. Nous avons tout ce qui est nécessaire pour attirer une large clientèle, nos clients ont suffisamment de raisons pour venir dans nos hypermarchés, nos magasins Market, nos magasins de proximité Express ou notre webshop. Nous sommes le seul retailer en Belgique à disposer d’une stratégie multi-formats à part entière. Le plan de transformation nous prépare pour l’avenir. Nous avons fondamentalement changé de perspective : tout démarre du client et non du siège social. C’est le client qui décide. »