S’il ne sera pas facile aux entreprises actives dans le foodretail de battre les records de 2020, il est un fait que la pandémie a accéléré certaines des tendances qui seront déterminantes pour le secteur cette année et au cours des années à venir. Une analyse.
1. La santé avant tout
En période d’épidémie, la santé évidemment la priorité. Le virus a rappelé au consommateur l’importance de la santé, les kilos en plus accumulés pendant le confinement ont fait le reste. L’obésité est en effet un facteur de risque supplémentaire en cas de contamination et la préservation du système immunitaire est apparue comme une évidence. Les ventes de fruits et légumes frais, des boissons saines (et de produits laitiers), de produits bio, de boissons sans alcool, de compléments alimentaires et de vitamines en ont bénéficié.
Il s’agit d’une tendance à long terme. Pour les marques et les retailers, il faudra avant tout rester crédible : en matière de santé, les fausses allégations peuvent revenir leur revenir dans le visage comme un boomerang. Foodmaker propose un message clair avec le hashtag #vedgeversus virus, Delhaize la joue malin avec le Nutri-Score, un producteur comme Bonduelle voit ses ventes de légumineuses exploser.
2. Le véganisme n’est pas une mode passagère
Ces légumineuses sont d’ailleurs d’excellents substituts à la viande. Et en plus d’être bonnes pour la santé, elles sont également durables. L’empreinte écologique des produits d’origine animale incite de plus en plus de consommateurs à consommer davantage d’aliments d’origine végétale. Certains vont jusqu’à brandir l’argument (quelque peu douteux) selon lequel un tel virus n’aurait pas pu se propager si tout le monde était végan.
Le véganisme est une niche intéressante, réduite mais en plein essor : des consommateurs jeunes, conscients, prêts à dépenser et à changer de magasin ou de marque. La tendance se dessine d’ailleurs dans de nombreuses catégories de produits – elle n’est certainement pas confinée aux substituts à la viande et aux produits laitiers. Logique, dans cet environnement, que même les grandes multinationales s’engagent dans la brèche : Unilever et Nestlé, entre autres, jouent pleinement cette carte, tout comme Delhaize et Albert Heijn.
3. Le supermarché devient traiteur
On peut espérer que les restaurants rouvriront un jour leurs portes, et les supermarchés risquent alors de devoir leur rendre une partie de leur belle croissance de 2020. Mais de la même manière que l’horeca s’est réinventé avec les plats à emporter (autre tendance vouée à durer), les rayons traiteur vont continuer à prendre de l’importance dans les supermarchés. L’impressionnante croissance de HelloFresh n’a pas échappé à la grande distribution. Si nécessaire, les supermarchés joueront eux-mêmes aux restaurants comme le groupe Colruyt avec sa cuisine fantôme.
Le consommateur veut de la variété, de l’inspiration et de la commodité sous les formes les plus diverses : du prêt à cuire, du prêt à réchauffer ou du prêt à manger (éventuellement sur place). Des kits de repas pratiques accompagnés d’idées de recettes aux ingrédients, en passant par un salad-bar pour l’aspect sain, des plats préparés, des pizzas fraîches ou des sushis. C’est frappant : la majeure partie de ces articles se vendent sous marque de distributeur. Le modèle du center store qui propose des produits industriels de grandes multinationales va-t-il perdre de sa superbe à terme ? De quoi donner à réfléchir aux grandes marques…
4. La transparence est indispensable
De la même manière qu’ils s’inquiètent de « ce que contient le vaccin », les consommateurs veulent plus que jamais savoir ce qu’ils consomment. Les applications qui informent les consommateurs sur les allergènes, les ingrédients, l’origine, le mode de culture, les conditions de travail, etc. se multiplient. Producteurs et retailers doivent non seulement jouer cartes sur table, mais aussi remettre de l’ordre dans leurs données.
Des labels pour les produits respectueux des animaux apparaissent, le commerce équitable continue à se développer et les retailers mettent en valeur leurs partenaires locaux. Au risque parfois de flirter avec le protectionnisme, comme en France avec l’action « balance ton origine » qui fait pression sur les producteurs pour qu’ils n’utilisent que des produits agricoles français. Quoi qu’il en soit, l’honnêteté est toujours récompensée : Tony’s Chocolonely, par exemple, « s’efforce » de proposer un chocolat éthique, mais admet volontiers qu’il reste du pain sur la planche.
5. L’e-commerce explose
Le confinement a mis à l’épreuve les performances logistiques des services de livraison. Les systèmes n’étaient pas prévus pour cette explosion de la demande. Mais il est désormais clair que le consommateur est prêt. Il n’y a plus d’excuses. Ahold Delhaize a annoncé des investissements massifs, Carrefour lance un projet pilote visant à accroître la productivité et la rentabilité de ses activités en ligne, le groupe Colruyt mettra en service un nouveau centre d’e-distribution cette année.
Le temps presse, car d’autres acteurs lorgnent ce marché : des « pure players » qui livrent directement chez le consommateur et ne traînent pas le lourd fardeau immobilier d’un portefeuille de magasins obsolètes. Ils comptent sur la technologie et l’essor de leurs activités pour atteindre – un jour – la rentabilité. Picnic conquiert les Pays-Bas et l’Allemagne avec une approche distinctive. Ocado propose un modèle économique différent : l’entreprise vend sa technologie de pointe à des détaillants traditionnels comme Marks & Spencer au Royaume-Uni ou Kroger aux États-Unis. De nouveaux clients vont-ils suivre ?
6. La fidélité adopte le numérique
La petite remise standard pour toute personne qui demande une carte de fidélité en plastique, c’est du passé. La formule n’est pas vraiment intéressante pour l’acheteur, encore moins pour le retailer. L’avenir appartient à l’utilisation intelligente des données, aux offres personnalisées. Et les applications gagnent en convivialité. Delhaize et Lidl, entre autres, offrent des avantages spéciaux aux clients qui partagent davantage de données sur leurs achats dans l’application.
Au risque d’irriter. Les clients qui ne possèdent pas de smartphone ou ne veulent pas partager leurs données se sentent lésés. La question de la vie privée est délicate. Mais tant que les retailers respectent les lignes directrices du GDPR, il est difficile de leur reprocher quoi que ce soit. Il paraît donc logique que les applications et les actions de fidélisation ciblées continuent à gagner du terrain. Ce qui laisse bien sûr de la place à un retailer « basique » qui promet simplement à ses clients des prix bas sans faire appel au marketing numérique. Une sorte d’Aldi, par exemple.
7. Consolidation à venir
L’année 2020 a été calme sur le front des fusions et acquisitions. Il y avait d’autres priorités. Faut-il s’attendre à un mouvement de rattrapage ? Si les incertitudes économiques maintiennent les investisseurs à l’écart du non-food, le food-retail constitue une exception. Les chaînes de supermarchés ont enregistré de très bons résultats l’année dernière et ont fait largement honneur à leur statut de secteur « essentiel ». Ce sont des valeurs sûres.
Plusieurs grands acteurs disposent également des fonds nécessaires pour procéder à des acquisitions et réaliser des économies d’échelle. Le marché européen reste en fin de compte très fragmenté. Carrefour a déjà annoncé son intention de jouer un rôle dans une nouvelle consolidation du secteur – pensez à la récente acquisition de Bio C’ Bon. Il est aussi possible que des food-retailers traditionnels s’intéressent aux acteurs en ligne et leur précieux savoir-faire numérique. Des synergies y sont à portée de main.