« Les jeunes générations veulent savoir d’où vient leur alimentation », explique le chef Damien Taylor. La transparence devient un prérequis, en particulier dans un monde où l’IA est omniprésente. Le blockchain pourrait même révolutionner le retail et la restauration, comme l’illustre parfaitement Chefchain.
Le burger blockchain de la Région flamande
« Nous encourageons les consommateurs à manger responsable, mais nous ne leur disons pas ce qu’ils mangent. » Damien Taylor était chef quand il a commencé à se demander d’où provenaient les millions d’ingrédients qu’il achetait chaque année. Pour éviter toute fraude alimentaire, mais aussi pour répondre à une demande d’authenticité et un désir de connaître l’empreinte de ce que nous mangeons – pour ne citer que quelques préoccupations.
Considérant que « ce qu’on fait avec les cryptomonnaies devrait aussi être possible avec la nourriture », il s’est associé à l’informaticien Maurizio Garzelli pour fonder Chefchain il y a environ un an et demi. Si le concept existait déjà dans l’industrie agroalimentaire, ils voulaient étendre cette transparence au chef et au client. Leur devise : des consommateurs bien informés peuvent faire leur choix en toute connaissance de cause.
Leur premier exploit : le Blockchain Burger, un hamburger dont l’origine des seize ingrédients est parfaitement traçable à l’aide d’un code QR. Damien Taylor : « En réalité, un hamburger est un produit extrêmement complexe. Mais des tomates à la farine du pain en passant par la viande – le plus important –, d’où viennent tous ses ingrédients ? Si on peut tracer un hamburger, on peut tracer n’importe quoi. »
Lors du RetailDetail Congress, il présentera une solution blockchain dans laquelle le retail, en particulier, croit déjà. « Je suis impressionné par l’importance qu’accordent des chaînes de supermarchés comme Albert Heijn et Tesco à la transparence dans l’alimentation : elles veulent rendre leurs chaînes d’approvisionnement réellement traçables », poursuit Damien Taylor. À peine le congrès fini, il se rendra d’ailleurs à Genk, où Chefchain lancera un véritable burger blockchain pour la Région flamande.
Scanner les codes QR au restaurant
L’étude de marché menée par Chefchain aux Pays-Bas montre que les jeunes consommateurs, en particulier, s’intéressent vraiment de l’origine de leurs aliments. Les entreprises capables de prouver la provenance de leur produit ou de ses ingrédients peuvent ainsi en tirer profit : les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour ces informations. « Ce constat nous a donné l’impulsion nécessaire pour aller de l’avant. Nous savions que nous étions sur la bonne voie. »
« Dans dix à quinze ans, il sera très courant de scanner un code QR dans un magasin ou un restaurant pour connaître la provenance exacte des carottes de son potage. Quand vous achetez un poulet au supermarché, vous devriez pouvoir savoir où il a caqueté. En tant que consommateur, j’estime que c’est la moindre des choses. »
« Je suis convaincu que les entreprises capables de jouer la carte de l’ouverture finiront par s’imposer », poursuit Damien Taylor. Non seulement parce que les consommateurs l’attendent, mais aussi parce qu’elles y sont contraintes. D’ici trois ou quatre ans, une loi européenne imposera de connaître l’origine de son produit. « Je ne vais pas mentir, nous avons constaté qu’il était parfois difficile d’obtenir des informations. Nous travaillons actuellement pour une entreprise qui vend des hamburgers végétariens, le fournisseur de ses substituts de viande ne sait même pas d’où viennent toutes les céréales qu’il utilise. Il n’y a pourtant aucune raison pour qu’un fournisseur ne connaisse pas l’origine de ses matières premières. »
L’IA, l’éléphant dans la pièce
Le blockchain ne va pas changer le monde, affirme Damion Taylor, mais il peut fournir des informations qui apporteront des changements vraiment importants. « J’ai participé à un projet sur les pièces d’avion. Quand vous montez à bord d’un avion, vous voulez évidemment être sûr qu’une petite pièce ne va pas se retrouver dans le réacteur et provoquer un crash. Vous voulez au moins savoir que tous les éléments proviennent d’un producteur fiable et leur date de péremption n’est pas dépassée. »
Cela signifie fondamentalement que la compagnie aérienne n’a plus à se préoccuper de ce sujet. « La responsabilité incombe au fournisseur, et si celui-ci s’approvisionne auprès d’une entreprise, c’est à elle de montrer ses informations. C’est donc une question de confiance et de transparence. Désormais, une copie numérique infalsifiable a remplacé le registre papier. Aucune de ces informations ne se trouve dans un silo, tout le monde y a accès. C’est ce qui est fantastique dans le blockchain : chacun est propriétaire de ses données. Vous savez qui l’a saisie, donc qui est responsable. Du point de vue de la sécurité, c’est une excellente nouvelle. »
Mais n’est-il pas compréhensible que les entreprises préfèrent ne pas éparpiller leurs données aux quatre vents ? « Plus vous pouvez contrôler, plus il y aura de contrôle. Sans oublier l’éléphant dans la pièce : l’IA. Si vous voulez découvrir quelque chose maintenant, waow ! Elle cherche à des endroits auxquels vous n’auriez jamais pensé. Il est désormais impossible de se cacher. Combien d’entreprises connaissez-vous qui savent exactement quelles données sont publiques ? Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais à un moment donné, l’IA récupérera et utilisera ces informations. Donc : soit vous renforcez vos défenses et vous gardez tout fermé à double tour, soit vous vous ouvrez. »