La crise du coronavirus chamboule l’ensemble du retail alimentaire en Europe : de l’explosion de l’e-commerce à une grave pénurie de personnel, partout émergent des phénomènes similaires. Voici un aperçu de la situation actuelle sur le plan international pour le commerce de détail alimentaire.
Moins de produits frais, plus d’hypermarchés
La demande ne manque pas dans le commerce de détail alimentaire européen en période de crise, même si celle-ci subit quelques changements. En France, les ventes de fruits et légumes frais ont chuté de 40 % dans le commerce de gros depuis de début du confinement. En revanche, les ventes de produits de longue conservation et surtout de papier toilette atteignent des sommets dans les pays touchés. L’adoption de ce nouveau comportement d’achat s’accompagne également d’une évolution au niveau des canaux de vente : alors que les magasins de commodités prospéraient avant l’épidémie, les consommateurs se tournent désormais vers les supermarchés traditionnels et le commerce en ligne. En Italie, les ventes des hypermarchés, formule dont la mort avait été déclarée depuis longtemps, ont augmenté de 1,5 %, explique le fondateur italien de RetailWatch, Luigi Rubinelli, à l’hebdomadaire Lebensmittel Zeitung. Le chiffre d’affaires des supermarchés a affiché une hausse de 10 % au cours de la première semaine du mois de mars.
Sur le plan international, le nombre de commandes a doublé pour le commerce en ligne. Non seulement en France, où les points de collecte « Drive » sont bien établis, mais aussi chez le Belge Delhaize ou la demande a plus que doublé. Ocado, leader du marché au Royaume-Uni, affiche le même constat au cours de son deuxième trimestre. La croissance est d’ailleurs si forte par endroit que les boutiques en ligne n’arrivent pas à faire face à la demande et plantent régulièrement. Les chaînes françaises Auchan, Carrefour, E.Leclerc et Monoprix ont dû limiter leur offre en ligne, Delhaize a annulé des collectes et les délais d’attente s’allongent aux Pays-Bas.
Les employés sont le nouvel or
La capacité constitue un obstacle pour de nombreux détaillants : des pénuries de personnel surviennent d’ailleurs pour de nombreuses chaînes. Lidl veut recruter 2 500 à 5 000 personnes au Royaume-Uni pour les trois prochains mois, le leader du marché Tesco recherche même 20 000 travailleurs temporaires supplémentaires (une goutte d’eau dans l’océan face aux 150 000 nouveaux travailleurs attendus par Walmart). Dans d’autres pays tels que la France et la Belgique, des mesures sont principalement prises pour garder les employés existants au travail et les récompenser de leurs efforts par le biais de primes, de réductions plus importantes pour le personnel ou de jours de congé.
Néanmoins, les détaillants du secteur alimentaire du pays ou de l’étranger sont obligés de limiter leurs heures d’ouverture. Pendant ces périodes, les magasins sont également nettoyés et désinfectés en profondeur. Un projet de loi proposé par le gouvernement belge visant à autoriser des heures d’ouverture plus longues (7 h-22 h) a donc suscité pas mal d’opposition, y compris chez les détaillants.
Dans les différentes chaînes, le nombre de produits par personne est toujours limité pour contrer la folie du stockage. En Belgique, Colruyt dit veiller principalement à ce que les clients ne stockent pas à outrance, dans la boutique en ligne de Morrisons, au Royaume-Uni, une limite de trois articles par produit a été introduite et chez Aldi, les clients ne peuvent acheter qu’un maximum de quatre articles du même produit.
La fermeture des frontières concerne aussi le retail
La fermeture des frontières engendre encore davantage de nouveaux défis. Les maraîchers et agriculteurs français manquent ainsi déjà de travailleurs saisonniers pour la culture des asperges et des fraises, et ce, depuis que les travailleurs étrangers ne sont plus autorisés à entrer dans le pays. Selon le Lebensmittel Zeitung, les détaillants d’Europe de l’Est, en particulier, rencontrent les mêmes problèmes.
En effet, ils dépendent souvent des travailleurs temporaires venus d’Ukraine ou de Roumanie. Les principaux acteurs du secteur, dont Kaufland, Lidl et Metro, offrent donc une augmentation de salaire allant jusqu’à 30 % pour les employés dont la présence est ininterrompue sur leur lieu de travail.
La fermeture des frontières compliquera également la circulation des marchandises, ce qui se répercutera sur l’approvisionnement, alors que des hausses de prix sont attendues à moyen terme. Selon ce raisonnement, ce sont principalement les pays de l’UE qui ne font pas partie de la zone euro, mais qui concluent souvent des contrats commerciaux en euros, qui répercuteront ainsi l’augmentation de leurs coûts.