Pendant et après le premier confinement, les prix ont fortement augmenté dans les supermarchés menant une stratégie de prix locale, comme Colruyt et Carrefour. C’est principalement Bruxelles qui a payé la facture. Les chaînes pratiquant des prix nationaux (Delhaize et Albert Heijn) n’ont pas augmenté leurs prix. Une analyse.
L’interdiction des promotions a eu un effet permanent
Que les prix dans les supermarchés aient considérablement augmenté à la suite de la pandémie de coronavirus est un fait établi. Mais les prix n’ont pas augmenté au même rythme dans toutes les chaînes de supermarchés, sans compter de grandes différences régionales. C’est ce qui ressort d’une nouvelle enquête menée par le professeur Jean Hindriks de l’Université Catholique de Louvain, basée sur les données de Daltix.
L’analyse indique que les détaillants alimentaires ont augmenté leurs prix de 1,3 % en moyenne juste après que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré l’état de pandémie le 11 mars 2020. C’était donc une semaine avant le confinement et l’interdiction temporaire des promotions. Carrefour s’est positionné comme fixateur de prix : ce fut la première chaîne à augmenter ses prix, immédiatement suivie par Colruyt. La hausse des prix s’est maintenue jusqu’à la fin du mois de juin. Les prix ont certes baissé au cours du second semestre, mais ils n’ont pas totalement retrouvé leur niveau pré-coronavirus.
Les promotions ont enregistré une évolution similaire : pendant les deux semaines d’interdiction des promotions, du 19 mars au 5 avril, la fréquence des promotions est passée de 13,3 % à zéro. Trois mois après la levée de l’interdiction des promotions, la fréquence des promotions était remontée à 7,5 %, soit encore 5,8 points de pourcentage de moins que le niveau pré-coronavirus. Au cours du second semestre, la fréquence des promotions est repartie à la hausse pour atteindre un niveau proche de celui d’avant la crise, mais avec des réductions quelque peu moins avantageuses. En raison de la combinaison des hausses de prix et de l’interdiction des promotions, les consommateurs ont payé 7,2 % de plus pendant le confinement. Trois mois après le confinement, les courses étaient encore 2,6 % plus chères. Involontairement, l’interdiction des promotions a donc eu un effet permanent.
Hausses des prix à Bruxelles
La dynamique entre les détaillants qui ajustent leurs prix localement, comme Colruyt et Carrefour, et ceux qui appliquent des prix nationaux, comme Delhaize et Albert Heijn, est particulièrement intéressante. Il convient de souligner que les hard discounters Aldi et Lidl n’ont pas été inclus dans cette enquête. Les détaillants qui pratiquent une tarification locale sont plus à même d’ajuster leurs prix en fonction des circonstances changeantes, telles que les restrictions de mobilité, les comportements de thésaurisation et l’augmentation de la consommation domestique. Et ils l’ont fait. Les chercheurs ont observé de fortes hausses de prix de 4 à 5 % dans les magasins Carrefour en région bruxelloise (Bruxelles, Ixelles, Grimbergen, Uccle, Wemmel), des communes à forte densité de population et à fort pouvoir d’achat. Chez Colruyt, les prix ont augmenté de 2,5 à 4 %, principalement à Liège, Charleroi, en périphérie de Bruxelles et à la frontière avec le Luxembourg (Bastogne, entre autres).
Les magasins qui ont le plus augmenté leurs prix pratiquaient déjà les prix les plus élevés avant la pandémie. Peut-être parce qu’ils ont toujours connu une demande élevée et plutôt stable et qu’ils devaient anticiper la plus forte augmentation de la demande. Les chaînes pratiquant des prix nationaux, c’est-à-dire Delhaize et Albert Heijn, n’ont pas augmenté leurs prix. Chez Delhaize, si les prix affichaient une légère tendance à la hausse avant la pandémie, ils sont restés stables pendant et après le confinement. Ce fut également le cas chez Albert Heijn.
Anticiper la demande croissante
Les résultats suggèrent que les augmentations des prix depuis la flambée de la pandémie de COVID-19 ne sont pas liées à des coûts plus élevés dus à des problèmes d’approvisionnement. En effet, une telle augmentation des coûts aurait touché uniformément tous les magasins en Belgique, y compris ceux pratiquant des prix nationaux. Mais toutes les chaînes de supermarchés n’ont pas augmenté leurs prix, et il y avait également de grandes différences au sein des chaînes.
Selon les chercheurs, ce sont plutôt des facteurs liés à la demande qui ont influencé l’évolution des prix : les supermarchés ont augmenté leurs prix juste après l’annonce de l’état de pandémie mais également avant le confinement, anticipant une forte augmentation de la demande. Et ils l’ont fait au niveau local : le fait que les prix aient surtout augmenté dans les magasins urbains des chaînes ayant une stratégie de prix locale suggère que les détaillants se sont surtout concentrés sur les comportements de thésaurisation dans les magasins comptant sur une demande historiquement élevée.
Toutefois, un élément que l’étude n’examine pas en profondeur peut être pertinent : la mesure dans laquelle les détaillants pratiquant des prix locaux tiennent compte (ou doivent tenir compter) de la concurrence dans leur région. Ce n’est peut-être pas une coïncidence si Colruyt a principalement augmenté ses prix dans les zones de marché où le détaillant n’est pas en concurrence avec Albert Heijn. Avec les conséquences que l’on connaît : l’augmentation des prix à Bruxelles et en Wallonie.
Évolutions des prix dans les supermarchés belges, avant et après le confinement
(UCLouvain, LIDAM/CORE)