Après Amsterdam, c’est au tour de Rotterdam de refuser l’ouverture de nouveaux « dark stores », ces entrepôts des sociétés de livraison express comme Gorillas et Getir. Toutes les administrations communales sont d’accord : ces acteurs sont « terriblement irritants ». Mais quelle serait la solution ?
Centres de distribution dans des quartiers résidentiels
Dans la pratique, ces nouvelles sociétés de livraison express qui prolifèrent dans les grandes villes sont « terriblement irritants », pour reprendre les termes d’un conseiller communal de Rotterdam. Il exprime ainsi l’opinion d’un nombre croissant de villes et communes dans le monde, ainsi que leurs habitants et commerçants. Résultat : plus aucun nouveau dark store ne pourra s’établir à Rotterdam pendant un an, une décision qu’Amsterdam avait également prise il y a dune semaine. New York et Paris étudient également les possibilités d’endiguer leur prolifération.
Quel est le problème ? Ces dark stores sont en fait des mini-entrepôts situés à des endroits stratégiques à proximité du consommateur, d’où des livreurs express peuvent livrer des courses à domicile en dix à quinze minutes. Ils s’installent souvent dans des immeubles commerciaux (vacants) au sein de zones résidentielles, voire dans des rues commerçantes.
Mais ce ne sont pas de vrais magasins, car ils n’accueillent aucun client. Seuls des coursiers en mobylette et à vélo y enlèvent des commandes. S’agit-il de centres de distribution ? Pas tout à fait, car ce sont bien des espaces commerciaux qui ont leur place en centre-ville, et non dans les zones industrielles de la périphérie. Une zone grise, donc, pour laquelle il n’existe pas encore de réglementation adéquate.
Nouvelles règles
Mais avec leurs fenêtres souvent calfeutrées, leurs camions qui livrent en pleine nuit et leurs livreurs qui attendent dehors avant de partir tambour battant, ils sont source de nuisances dans le quartier. En outre, les magasins de proximité craignent pour leur avenir lorsque ces nouveaux concurrents aux poches bien remplies prennent d’assaut de leur quartier.
Rien que l’année dernière, les investisseurs ont injecté quatre milliards d’euros dans les entreprises européennes de livraison de repas, soit près du double de ce qui a été investi dans leurs homologues américaines. Et il faudrait y ajouter les « alliances stratégiques » comme celle conclue entre Jumbo et Gorillas au Benelux. Rien qu’à Amsterdam et à Rotterdam, on recense actuellement une cinquantaine de dark stores, sans compter le lancement imminent de Zapp.
Ils ne disparaîtront donc pas, mais comment les villes peuvent-elles apprendre à vivre pacifiquement avec la livraison express ? De nouvelles règles d’implantation et d’affectation s’imposent. C’est précisément la raison pour laquelle Rotterdam et Amsterdam ont décidé de geler les procédures d’autorisation : les deux villes veulent se donner le temps d’élaborer de nouvelles définitions et règles.
Des procédures lourdes et dépassées
« S’agit-il d’entrepôts ou d’épiceries ? C’est ce qu’il faut déterminer », ont résumé les membres du conseil municipal de New York concernant ce problème désormais international. Les plans d’affectation datent presque partout des années 1960, quand l’idée qu’un entrepôt était incompatible avec un usage résidentiel prévalait. « Je ne sais pas si les gens seraient d’accord avec cela aujourd’hui », a répliqué l’avocate Elise Wagner à CNBC.
Pour l’instant, les villes tâtonnent. À Lyon, l’ouverture d’un nouveau dark store sombre a été refusée à la fin de l’année dernière. À Paris, la municipalité insiste sur le fait que les sociétés de livraison express doivent demander une licence, ce qui n’est pas toujours le cas. En attendant, un petit truc simple consiste à laisser entrer des consommateurs : d’un coup de baguette magique, un dark store se transforme ainsi en un magasin « normal ». Getir et Weezy ont donc décidé d’expérimenter une option click&collect au Royaume-Uni et aux Pays-Bas – soi-disant à la demande des clients, mais il s’agit surtout d’un argument bien utile dans les discussions avec les autorités communales.
De leur côté, les sociétés de livraison express ont déjà exprimé leur déception face à la décision unilatérale des villes néerlandaises. Elles soulignent qu’elles seraient heureuses de réfléchir avec les autorités municipales et de contribuer de manière constructive à une solution, tant dans les cas spécifiques de nuisance que pour les futures réglementations. « L’octroi des permis est un processus décentralisé et lent. Vu le nombre croissant de sociétés de livraison, il serait utile d’élaborer une nouvelle définition juridique pour les magasins qui n’accueillent pas de client afin de simplifier le processus d’octroi de permis », dit-on par exemple chez Gorillas.