Les marques FMCG sont de plus en plus nombreuses à examiner la possibilité de vendre en ligne en direct au consommateur. Les retailers doivent-ils se sentir menacés ?
Le modèle Nespresso
Les marques FMCG classiques ont de quoi envier Nespresso. Grâce à cette marque, Nestlé est parvenu à créer un marché extrêmement lucratif, qui ne dépend pas des retailers pour accéder aux consommateurs. Nespresso a développé ses propres canaux de distribution, tant des boutiques en ligne que physiques.
Les avantages sont innombrables. Une réactivité plus élevée, vu le contrôle total sur la chaîne logistique et l’assortiment. Pas de négociations laborieuses avec des acheteurs, pas de frais d’introduction et de folders, pas de risque de se voir éjecter. Et surtout : le contact direct avec le consommateur final. Par contre aujourd’hui les marques doivent tolérer la concurrence des MDD meilleur marché dans les supermarchés.
Le modèle Nespresso peut-il inspirer d’autres marques FMCG ? Peut-être bien, sous le slogan ‘éliminez l’intermédiaire’. Songez par exemple au récent rachat de Dollar Shave Club par Unilever pour un montant impressionnant. Ce service d’abonnement pour produits de rasage s’adresse en direct au client final et se passe donc des retailers comme intermédiaires.
Ubérisation
Depuis quelques années les marques recherchent des possibilités, afin de pouvoir agir en tant que retailer. Aux Etats-Unis Procter & Gamble dispose de son propre webshop www.pgshop.com, où les consommateurs peuvent acheter tous les produits P&G. Il existait également une version allemande, www.pgshop.de, qui cependant a fermé ses portes il y a quelque temps. P&G affirme vouloir mieux comprendre le comportement d’achat en ligne. C’est d’ailleurs pour cette même raison qu’en 2008 la multinationale a pris une participation dans le retailer online Ocado.
Il est clair qu’avec cette explication P&G veut éviter d’inquiéter ses clients, les grands retailers. Pourtant le groupe continue d’explorer le terrain online. A Atlanta le fabricant vient de lancer Tide Wash Club, un service d’abonnement qui à intervalles réguliers livre gratuitement à domicile des capsules de lessive Tide. A Chicago, P&G propose le service Tide Spin : via une appli pour smartphone les consommateurs peuvent appeler un coursier de Tide qui viendra prendre leur linge sale à domicile et le ramènera ensuite une fois lavé. En interne l’entreprise parle « d’ubérisation » de la lessive.
En outre P&G a déjà répliqué au succès de Dollar Shave Club (avec ses 3,2 millions d’abonnés) en lançant son Gillette Shave Club. Là non plus le but premier de P&G n’est pas de générer du chiffre d’affaires supplémentaire, mais surtout de tirer des enseignements des contacts directs avec les consommateurs (souvent des générations plus jeunes, moins fidèles aux marques phares du groupe).
Ambitieux
P&G n’est d’ailleurs pas le seul fabricant de marques à adopter cette démarche. En Allemagne, le géant agroalimentaire Nestlé propose le webshop Nestlé Marktplatz, où les consommateurs ont non seulement la possibilité de trouver toutes sortes d’informations et de participer à des concours, mais également de commander des produits du vaste assortiment de Nestlé. Aux dires de Nestlé, il s’agit essentiellement de variantes que l’on trouve difficilement dans les supermarchés, mais lors d’une petite visite au webshop en question nous tombons d’emblée sur une tablette de chocolat blanc Galak, un bocal de Nescafé Gold, une boîte de bonbons Quality Street, … pas vraiment des articles rares. Par contre le webshop ne propose aucun produit frais, ni surgelé.
Chez le fabricant de cosmétiques L’Oréal l’e-commerce représente déjà 6% du chiffre d’affaires total. Pour les produits de luxe, entre autres, le potentiel online est important, estime le groupe. Mondelez non plus ne manque pas d’ambition. L’entreprise vise un chiffre d’affaires en ligne de 1 milliard de dollars d’ici 2020. La majeure partie de ce chiffre d’affaires sera réalisée via des retailers-partenaires, comme Amazon et Alibaba, mais Mondelez tient également à ce qu’une partie du chiffre d’affaires provienne des ventes en direct. Des tests en ce sens ont déjà été effectués notamment avec des biscuits Oreo personnalisés.
Risques
L’online est un marché en pleine croissance. Pour les grandes marques la percée de l’internet mobile et des applis pour smartphones facilite la vente en direct aux consommateurs. La tentation de s’y essayer est donc grande. Toutefois les marques semblent hésitantes. Vendre en direct paraît alléchant, mais rentabiliser un tel canal de distribution n’est pas une sinécure, sachant que les consommateurs ne renonceront pas facilement à la commodité du ‘one stop shopping’ dans leur supermarché (offline ou online).
Par ailleurs la stratégie de vente en direct comporte des risques. Les retailers pourraient s’irriter de voir leurs fournisseurs devenir leurs concurrents. N’oublions pas que leur pouvoir demeure important. Les marques qui dépendent à 90% des ventes en supermarchés, ont beaucoup plus à y perdre qu’à y gagner. Pour l’instant elles ne s’adonneront pas pleinement au e-commerce. Le risque est trop grand.
Possibilités
Néanmoins ces marques cherchent à se familiariser avec le comportement d’achat online. Elles concluent des partenariats avec de grands e-tailers, comme Amazon et Alibaba. Mars par exemple collabore avec Alibaba pour proposer ses marques aux consommateurs chinois. Et les trois boutons de commande les plus populaires d’Amazon Dash aux Etats-Unis sont ceux de marques de P&G (découvrez le top 10 ici).
Quoi qu’il en soit, le canal online comporte des masses de possibilités pour des initiatives totalement nouvelles. Des multinationales comme Unilever et P&G, par exemple, investissent dans des start-ups digitales. Qu’il s’agisse de formules club, de services d’abonnement, d’applis de commande ou autres, soyez certains que les grands fabricants de marques examineront et testeront minutieusement chaque option. Ils seraient fous de ne pas le faire.