Des négociations difficiles entre retailers et fabricants incitent parfois les retailers au déréférencement. Mauvaise idée, selon un récent article de la KU Leuven. Mais pourquoi les entreprises analysées n’ont-elles pu être mentionnées par leur nom?
Les deux parties sont perdantes
C’est avec une fierté bien méritée que des chercheurs de la KU Leuven ont annoncé cette semaine la publication de leur étude concernant les ‘conflict delistings’ (déréférencement en cas de conflit) dans le magazine de renom Journal of Marketing. Conflict delistings : de quoi s’agit-il ? En cas de désaccord entre un retailer et un fabricant, le retailer, pour faire pression sur le fabricant, peut décider de retirer certains de ses produits des rayons.
Sara Van der Maelen, Els Breugelmans et Kathleen Cleeren ont étudié un cas précis en Belgique, sur base de chiffres concrets. Leur conclusion est claire : les deux parties en ressortent perdantes, en particulier le retailer dont le manque à gagner sera plus important que celui du fabricant. Mieux vaut donc ne pas adopter cette tactique.
Mais une chose est frappante dans cette étude. Dans l’article les chercheurs soulignent qu’ils ne peuvent mentionner les noms des entreprises concernées. De quoi attiser ma curiosité. Pourquoi cette occultation mystérieuse ?
De jamais vu
A moins que vous n’ayez passé la dernière décennie sur la planète Mars, vous vous souviendrez certainement de ce fameux conflit entre un retailer et un fabricant de marque, non ? Voici quelques indices : 2009, Belgique, des dizaines de produits supprimés dans les rayons. Ca vous revient ? Certes, il y a eu dans l’histoire des FMCG plus d’un conflit qui a entraîné le retrait de certains produits des rayons. Mais un cas en particulier sort du lot, vu son ampleur (il s’agissait de dizaines de références de marques de renom) et vu la confrontation acharnée entre les deux protagonistes.
En effet, il s’agit bien évidemment du clash entre Delhaize et Unilever. A l’époque Delhaize en avait fait état explicitement dans la presse et dans les rayons de ses magasins. Du jamais vu. La chaîne espérait sans doute se présenter comme le défenseur des intérêts des consommateurs, en attaquant ouvertement la ‘méchante’ multinationale. Unilever avait alors contre-attaqué à coup d’annonces publicitaires, incitant les clients à se rendre dans d’autres supermarchés où les marques Knorr, Zwan, Robijn & Co étaient toujours disponibles. Là aussi du jamais vu.
Source d’inspiration ?
Un affrontement qui après coup s’est avéré vain pour les deux camps. Ils s’en sont certainement rendus compte. Un moment gênant qu’ils préfèrent oublier, qui plus est lorsqu’on cite des chiffres concrets. D’où la demande d’occultation, probablement. Visiblement cela reste un point sensible, même après toutes ces années.
La parution cette semaine de l’étude de la KU Leuven me paraît un concours de circonstances intéressant, vu l’atmosphère tendue qui règne actuellement entre les grands fabricants de marques et le groupe fusionné Ahold Delhaize. Peut-être cette analyse académique pourra-t-elle inspirer les interlocuteurs concernés à rechercher un partenariat constructif. Une démarche qui s’avérera bien plus payante qu’une confrontation brutale. Cette étude vient d’en faire la démonstration scientifique.