Le supermarché en ligne de produits frais Crisp propose désormais une gamme de 750 producteurs, essentiellement locaux, en Flandre. Son atout ? Une application avancée. « Nous rapprochons efficacement l’offre et la demande. Alors que de nombreux détaillants s’imitent, nous faisons les choses différemment. »
« Tout est une question de mise en œuvre »
Mieux que le supermarché et beaucoup plus convivial que les autres initiatives de la chaîne courte, voilà comment Crisp entend se positionner. Le magasin en ligne de produits frais est né aux Pays-Bas fin 2018 avec le plus grand autofinancement jamais réalisé, selon Tom Peeters, qui a fondé l’entreprise avec ses amis Michiel Roodenburg, qui a travaillé chez Ahold Delhaize, et Eric Klassen, ancien consultant numérique. L’application est désormais également disponible en Flandre, avec une offre de 700 petits producteurs : les commandes passées avant 22 heures sont livrées le lendemain.
« Nous avons fondé Crisp pour répondre à nos besoins personnels : nous avons tous les trois des familles et nous aimons la bonne nourriture mais, avec nos emplois du temps chargés, nous finissons toujours par aller au supermarché. Un peu malheureux, non ? Nous ne parvenons pas toujours à obtenir des produits de la bonne source. C’est cette envie qui a donné naissance à Crisp. Si notre produit n’est peut-être pas si unique, nous pensons que tout est une question de mise en œuvre. Il faut que ça roule et faire en sorte que l’utilisation soit agréable pour le consommateur. »
Modèle de place de marché
« Si nous sommes indéniablement une entreprise qui achète et qui vend, nous nous considérons plus comme une place de marché que comme un détaillant. Nous avons un modèle central : tous les produits alimentaires sont traités en un seul endroit. Nous travaillons avec un large éventail de partenaires et de fournisseurs. Nous proposons une offre essentiellement locale, mais complète », déclare Peeters.
« Parce que nous ne travaillons pas seulement avec de grandes marques, nous avons une gamme de produits frais très qualitative et efficace. Et parce que nous travaillons en ligne, nous pouvons proposer une offre plus fraîche que quiconque. Les aliments n’attendent pas d’être achetés dans les rayons : nous rapprochons efficacement l’offre et la demande. La nuit et tôt le matin, l’activité bat son plein. Les produits qui arrivent sont livrés directement aux consommateurs. »
En pratique, Peeters constate que le modèle fonctionne tout à fait comme il l’espérait : « Tout se passe exactement comme prévu. Notre croissance a été multipliée par dix ces deux dernières années. Notre client type est celui que nous voulions cibler : les familles, dans les villes mais aussi en dehors. Beaucoup de gens vivent en dehors des villes et ont eux aussi besoin de bons produits alimentaires. Nous nous rendons quotidiennement à Groningue, Maastricht et Zeeland… sept jours sur sept. Et nous voulons faire de même en Flandre. En effet, nous constatons que le besoin est le même. »
Des clients extrêmement fidèles
Combien pèse Crisp actuellement ? Tom Peeters ne dévoile pas le chiffre d’affaires. Mais il partage quelques confidences : « 750 000 personnes ont téléchargé l’application et nous livrons plusieurs milliers de commandes chaque jour. La commande moyenne comprend quarante produits : c’est un panier de courses complet. La plupart des consommateurs ont un rythme plus ou moins hebdomadaire. 85 % des commandes sont des achats répétés. Donc, une fois familiarisés avec Crisp, les clients sont extrêmement fidèles. Cela nous confirme que le modèle fonctionne comme nous l’avions imaginé : nous devenons la destination pour votre alimentation quotidienne. »
En tant que guichet unique, Crisp veut-il devenir une alternative au supermarché ? « Oui. Nous ne remplaçons pas le boulanger, le boucher ou l’épicier. En regardant d’où viennent nos clients, on constate qu’ils viennent principalement du supermarché. Pourquoi ? Parce que le supermarché est généralement le choix le plus facile. Ce qui pousse les consommateurs à se tourner vers Crisp, c’est le désir de bien manger, et nous leur facilitons la tâche. »
Car c’est là l’essentiel, selon Peeters : Crisp n’est ni le premier ni le seul « marché de producteurs en ligne », mais sa mise en œuvre est plus performante que celle d’autres initiatives similaires de la chaîne courte. « L’offre, mais aussi la livraison ou l’application : tout doit rouler. Nous livrons vos courses quotidiennes, pas seulement à l’occasion d’une fête ou lorsque vous recevez du monde. Nous vous accompagnons littéralement du lundi au dimanche. Et parce que vous l’utilisez quotidiennement, l’expérience d’achat doit être fluide et agréable, c’est essentiel. La livraison aussi : si nous sommes en retard, ou si la livraison est incomplète, c’est un gros problème pour nous. Nous constatons souvent que d’autres acteurs sont performants sur l’un de ces aspects, mais qu’aucun ne maîtrise parfaitement l’ensemble du modèle. Notre priorité n’est donc pas d’identifier nos concurrents potentiels mais de faire fonctionner notre modèle de façon optimale. »
La fraîcheur est un moyen, pas une fin en soi
La devise de Crisp est « vraiment bien manger ». Mais qu’entend par là le supermarché en ligne ? « Une bonne alimentation repose sur deux piliers : le goût et la responsabilité. Nous considérons la fraîcheur comme un moyen, pas comme une fin en soi. Un produit frais est plus souvent savoureux, plus souvent local, plus souvent transparent sur son origine. Nous ne faisons aucun compromis sur le goût : je ne suis pas partisan d’une nourriture responsable qui n’est pas savoureuse. Et la notion de responsabilité est plus large que celle de durabilité : nous examinons l’ensemble de la chaîne, y compris le traitement des travailleurs, les emballages, les émissions, le bien-être des animaux, etc. »
« Toutefois, il est important de reconnaître que nous ne représentons pas la norme la plus élevée en la matière. Nous ne sommes pas un magasin élitiste, nous voulons servir un large éventail de consommateurs. Nous vendons des bananes, par exemple : ce n’est pas un produit local et ça ne le sera jamais. Devrait-on arrêter de vendre des bananes ? Le fait est que la plupart des consommateurs veulent des bananes, alors nous en vendons… Mais nous commercialisons une banane décente dont nous sommes vraiment garants : produit biologique, commerce équitable et prix réel. Une combinaison inédite sur le marché jusqu’à présent. »
L’arrivée en Flandre signifie-t-elle également que l’assortiment sera élargi avec des produits flamands ? « Absolument. Nous promouvons l’alimentation locale. Pensez à plus de soixante types de fromages et à de délicieuses bières, mais aussi aux pommes de terre, au pain et à la viande de Belgique. Nous ajoutons des fournisseurs à très petite échelle dans notre assortiment : The Potato Chef de Tielt, la plie pêchée à la ligne de l’Escaut oriental, les moules de l’Escaut oriental, le lait de Fairebel, le fromage de ‘t Leenhof à Zele, les produits laitiers de De Lelie à Kalmthout, le pain de Mariën Meesterbakkers à Balen, le café du torréfacteur anversois Vascobelo… Nous travaillons avec plus de 750 partenaires. C’est la long tail du paysage fragmenté, où la qualité prime. La qualité ne réside pas dans l’usine mais dans la petite échelle. Et nous avons mis au point un système pour rendre la qualité accessible aux consommateurs. »
Pas un magasin de luxe
Cette qualité locale va-t-elle de pair avec un prix plus élevé ? Non, selon Tom Peeters : « Nous voulons être présents sur tous les marchés : les familles actives, touchant un salaire médian ou plus. Aux Pays-Bas, nous y sommes parvenus : 60 % sont des familles, et plus de la moitié d’entre elles vivent en périphérie des villes. 75 % de nos clients vivent dans une maison d’une valeur égale ou inférieure à 400 000 euros. Nous sommes donc une proposition de milieu de marché. C’est également ce qui détermine notre tarification : nous fixons les prix au niveau des supermarchés. Pour les produits qui sont également disponibles au supermarché, comme le lait d’avoine Oatly ou le chocolat Tony’s Chocolonely, nous nous alignons sur les prix du supermarché. Même pour un poulet, un steak ou un concombre, nous gardons un œil sur le produit comparable dans le supermarché. »
Comment pouvez-vous avoir une meilleure proposition de service en pratiquant les mêmes prix que le supermarché ? « Il faut être efficace : cela vient du fait que nous n’avons pas de magasins, pratiquement pas de pertes grâce à notre modèle de place de marché et que nous achetons directement à l’agriculteur. Personnellement, j’ai l’impression que de nombreux détaillants s’imitent. Leurs brochures publicitaires et leurs sites web sont très similaires. Nous nous sommes lancés en tant que nouvel acteur pour être différents et nous démarquer. L’environnement de notre boutique en ligne est joli. Notre présentation, la réflexion sur l’emballage… Cela pourrait laisser penser que nous sommes un magasin de luxe, mais ce n’est pas le cas. »
Le comportement des clients ne change pas
Les temps sont pourtant durs : l’inflation frappe durement et, en Belgique, le marché de l’alimentation biologique a de nouveau dégringolé après un essor pendant la pandémie. Est-ce le bon moment pour venir en Flandre ?
« Ces problèmes nous touchent moins. Nous construisons un système alimentaire local et sommes donc moins dépendants des usines et des produits venant de loin. Nous avons moins ressenti les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et nous profitons toujours de l’effet Covid », déclare Peeters. Crisp continue à enregistrer une augmentation du nombre de clients ainsi que du montant moyen par commande.
« Pendant la pandémie, les consommateurs achetaient plus par commande. C’est toujours le cas, nous n’avons pas encore constaté de changement dans le comportement des clients. Je pense effectivement que la qualité élevée à un prix élevé est sous pression, et je pense également qu’en temps de crise, le segment bas de gamme est plus durement touché : les revenus les plus faibles sont souvent les plus affectés. Pour le milieu du marché, qui préfère le frais, le local et la transparence, la tendance n’a pas changé. »
Bruxelles suivra
Quelles sont les objectifs concrets de Crisp en Flandre ? « Nous voulons apporter plus de saveurs dans ce monde et toucher de nombreux consommateurs. Cette mission ne s’arrête pas à la frontière nationale. Nous sommes convaincus que la Flandre est un marché intéressant et que notre modèle peut fonctionner dans de nombreuses régions, il est pertinent partout. En Flandre, notamment, le commerce en ligne est encore un peu moins développé : nous y voyons une opportunité, car c’est une culture qui valorise la qualité. Et c’est précisément dans ce but que nous avons mis au point notre système. »
« Nous commençons à livrer dans toute la Flandre. Bruxelles suivra ultérieurement, mais c’est un peu délicat à cause du bilinguisme. Ce n’est pas un test, c’est un déploiement. Nos objectifs sont sérieux. Nous mettons en place une équipe locale, nous adaptons notre communication localement, nous veillons à ce que le service client soit assuré par des Flamands… Pour démontrer notre sérieux, nous avons loué à Bornem un centre de distribution qui est aussi grand que celui que nous avons aux Pays-Bas. »