Malgré la réorganisation prévue à Herentals, la stratégie de Mondelez reste intacte : le fabricant de snacks souhaite inciter les consommateurs à choisir leurs en-cas de manière plus réfléchie. Les biscuits et le chocolat peuvent ainsi trouver leur place dans un régime alimentaire équilibré, estime Jan Willem Balk, CEO pour le Benelux.
Transformation interne
Une visite à la biscuiterie de Mondelez à Herentals – l’une des plus grandes d’Europe – est toujours une aventure, a fortiori lorsqu’elle a lieu en l’enthousiaste compagnie de Jan Willem Balk, CEO pour le Benelux. Après la dégustation d’un biscuit Prince délicieusement croquant tout juste sorti du four, la discussion à propos de la stratégie du fabricant de snacks peut commencer. Entre 2013 et 2018, Mondelez s’est avant tout consacrée à sa transformation interne, nous indique notre interlocuteur. « Il nous fallait préparer l’avenir. La technique zero based budgeting nous a permis d’aligner nos marges sur celles de nos collègues. Cette phase est à présent terminée : nous sommes aujourd’hui prêts à investir dans notre croissance future. »
L’entreprise ne manque pas d’ambitions : les snacks sucrés sont souvent pointés du doigt, mais Mondelez souhaite apporter une réponse adéquate à ces préoccupations à travers une approche ‘snacking made right’ déployée à l’échelle mondiale, y compris en Belgique. En voici les grandes lignes : « Nous souhaitons aider les gens à améliorer leurs habitudes de snacking : ‘offering the right snack, for the right moment, made the right way’. Right veut ici à la fois dire bon(ne), correct(e), responsable. Nous mettons l’accent sur le snacking durable et en pleine conscience (mindful). Nous nous efforçons aussi de trouver un équilibre entre nos marques internationales et locales afin de créer une offre parfaitement en phase avec les besoins de la vie quotidienne.
Blé responsable
Quelles mesures Mondelez prend-elle en faveur de la durabilité ?
« Notre approche durable passe avant tout par l’approvisionnement de nos ingrédients. Grâce au programme Cocoa Life, nous améliorons les conditions de vie des planteurs de cacao et tendons vers une production de chocolat durable. Plus près de chez nous, le programme Harmony est dédié à la culture responsable du blé. La majorité des céréales cultivées dans nos contrées sont destinées à l’élevage. En tant que producteur de biscuits, nous en consommons énormément, mais pas n’importe quelle variété. Nous souhaitons encourager les agriculteurs locaux à cultiver ces céréales pour nous. Il s’agit de pas moins de trente sortes, que nous utilisons dans différents mélanges. La plus grosse part des céréales provient du nord de la France. En Belgique, nous collaborons avec 53 agriculteurs qui produisent au total quelque 600 tonnes par an. »
« Nous réduisons l’impact écologique de notre production : nous récupérons par exemple la chaleur résiduelle de nos lignes de production pour chauffer l’eau. Nous limitons nos émissions de CO2 et privilégions les matières premières durables. Le plastique est également dans notre ligne de mire : à l’horizon 2025, 100 % de nos emballages devront être recyclables. En Europe, 98 % de nos emballages sont déjà ‘prêts à être recyclés’. Nous collaborons étroitement avec diverses instances, dont la Plastic Waste Platform au Royaume-Uni. »
Déguster en pleine conscience
Le terme ‘mindful snacking’ a de quoi intriguer. Que faut-il entendre par là ?
« Nous pensons que les biscuits et le chocolat ont leur place dans un régime alimentaire équilibré, à condition de les consommer de manière responsable. Nous sommes notamment attentifs au contrôle des portions. Nous commercialisons des emballages plus petits ou indiquons clairement sur l’emballage à quelle quantité correspond une portion. Sur les nouveaux emballages Prince, on peut lire qu’une portion est équivalente à un biscuit. C’est suffisant pour un enfant. »
« Nous expliquons en outre aux gens comment déguster consciemment un biscuit ou un carré de chocolat, comment consommer ces produits de manière très réfléchie. Sans les engloutir, mais en savourant pleinement l’expérience gustative. Nous recommandons par exemple de ne pas utiliser votre main dominante pour manger. Quand vous consommez un snack, demandez-vous : quelles sont les saveurs que je goûte en ce moment ? Manger plus lentement contribue en outre à la sensation de satiété. Par le biais de la Mondelez Foundation et de l’ONG Save the Children, nous encourageons les enfants à bouger davantage et à adopter un régime alimentaire sain. »
Biscuits et chocolat sont-ils vraiment conciliables avec une bonne santé ?
« Écoutez, nous sommes un fabricant de snacks : nous couvrons tous les moments de consommation de la journée à part le petit-déjeuner, le lunch et le souper. Notre offre englobe un spectre très large, des produits hyper gourmands aux variantes avant tout nourrissantes. Force est de constater que les gens grignotent beaucoup plus entre les repas. Nous ne recommanderons jamais de remplacer un repas par nos produits. Mais lorsque vous n’avez pas le temps de prendre un petit-déjeuner complet, un biscuit Belvita constitue une alternative intéressante. Nous vous conseillerons simplement de l’accompagner d’un fruit et d’un produit laitier. »
« Nos produits sont par définition bons. Mais nous tendons aussi vers une composition plus responsable. D’une part grâce à notre plate-forme SnackFutures, qui va chercher des idées en dehors de l’entreprise, du côté des start-ups et des scientifiques par exemple. Et d’autre part à travers des reprises contribuant à l’équilibre de notre portefeuille de produits.
Fleurons locaux
Le Belge Dirk Van de Put se trouve actuellement à la tête de la multinationale. Quelles sont ses priorités ?
« Nous opérons un changement de culture. Notre CEO met beaucoup plus l’accent sur l’importance d’une approche locale du marché. Entre marques internationales et locales, nous avons sans doute privilégié ces dernières années les grandes marques mondiales comme Milka et Belvita. Aujourd’hui, l’attention se porte davantage sur les fleurons locaux. Milka n’est pas leader du marché en Belgique : la première place est détenue par Côte d’Or, qui est d’ailleurs la marque préférée de notre CEO. Nous accordons donc à nouveau plus d’attention à cette marque dans le cadre de notre nouvelle campagne ‘C’est tellement nous’. Cette marque est à la fois si belle et si forte. C’est une marque intemporelle, qui séduit toutes les générations. Nous recevons beaucoup de réactions émues. Le fait que nous parvenions encore à gagner des parts de marché malgré notre envergure est plutôt une belle prouesse. Notre action d’impression de prénoms belges populaires sur les emballages a connu un succès fou en magasin. C’est ce que j’appelle la ‘personnalisation à grande échelle’. L’impact a été énorme. »
« Il s’agit au fond de marques fortes avec lesquelles les Belges ont grandi. Prince, par exemple, me rappelle le vendredi soir, lorsque je dégustais mon biscuit les cheveux mouillés sur le canapé. Je pense que beaucoup de gens partagent ce souvenir. Ou prenez le goût spécifique de Côte d’Or : c’est vraiment l’essence même du chocolat pour les Belges. Cette marque nous a appris à apprécier le chocolat. Ce sont toutes des marques emblématiques riches d’une longue tradition. Il nous suffit juste de les mettre au goût du jour. Nous avons provoqué la rencontre de Lea et Leo sur Tinder. Un bel exemple d’activation contemporaine, pertinente et branchée. L’effet sur les ventes de Leo ne s’est pas fait attendre : la marque a enregistré une croissance à deux chiffres ! »
Mondelez explore-t-elle aussi de nouveaux canaux de vente ?
« Nous sommes très bien positionnés dans le retail, mais nettement moins en dehors : nous y travaillons afin de renforcer notre présence dans les stations-service ou à bord du Thalys par exemple. Il y a peu, lors d’une réunion interne, nous avons construit une énorme tour à l’aide de boîte de Mignonnettes et avons demandé à nos commerciaux de l’installer dans un endroit inattendu, comme leur club de sport ou leur association de quartier. Comment encore améliorer la pertinence de Côte d’Or ? Comment instaurer une véritable culture de croissance au sein de l’entreprise ? C’est un formidable défi que de rendre nos marques encore plus pertinentes aux yeux de la population belge. »
Proximité vis-à-vis du shopper
Qu’est-ce qui fait l’attrait de Mondelez en tant qu’employeur ?
« Tout d’abord, nos délicieux produits évidemment, mais aussi le dévouement et la diversité de notre équipe. Chez nous, les égos ne l’emportent pas sur l’esprit collectif. Nous œuvrons tous ensemble à un objectif et célébrons collégialement nos réussites. La culture du blâme à l’américaine n’a pas cours chez nous. Les résultats sont un aboutissement logique. Pour stimuler la croissance de l’entreprise, il faut d’abord permettre à vos collaborateurs d’évoluer. La croissance personnelle contribue à la croissance des activités. En associant les processus adéquats et les bonnes personnes, vous mettez le moteur en marche. »
Mondelez est-elle dotée d’une véritable organisation pour le Benelux ?
« Nous tentons de concilier le meilleur des deux mondes : le pragmatisme hollandais et l’amour des Belges pour les bonnes choses. Certaines fonctions sont communes, mais nous disposons de deux sièges distincts. Nous voulons rester proches du shopper local. Il est vrai que le Benelux prend de plus en plus d’importance sur le marché du retail, avec la fusion Ahold Delhaize et la venue de Jumbo. La croissance du canal en ligne est plus forte aux Pays-Bas. Le marché est très dynamique et c’est ce qui rend les choses si intéressantes. Pour travailler dans le secteur des ‘fast moving consumer goods’, il faut savoir gérer la vitesse où vont les choses… »
Quelle est la dimension mondiale de Mondelez ?
« Nous profitons largement de l’expertise et du portefeuille de produits des autres pays. Il y a encore du potentiel à exploiter. Notre grandeur d’échelle constitue un avantage : nos efforts en faveur du snacking durable ont plus d’impact grâce à l’envergure de notre organisation. Pour le reste, nous sommes avant tout une organisation ‘glocale’, laissant énormément de place à l’entrepreneuriat local. La campagne menée autour de Leo et Lea est une initiative purement locale. À côté de ça, il y a Oreo, le biscuit le plus vendu au monde. Nous avons boosté sa popularité en Belgique en faisant des références au pays, à l’Atomium, aux couleurs du drapeau belge… Nous avons ainsi réussi à conférer de la pertinence locale à une marque mondiale. »