Les pertes augmentent
Jusqu’à 2010 inclus seuls un ou deux retailers enregistraient un résultat opérationnel négatif de maximum 5 millions d’euros, affirme Opdebeeck. Ensuite les chiffres ont augmenté progressivement : en 2011 trois groupes de distribution ont essuyé une perte globale de 5,9 millions d’euros, en 2012 cinq enseignes ont terminé dans le rouge, avec un malus total de 20,5 millions d’euros.
En 2013 pas moins de huit entreprises ont subi une perte globale de 34,5 millions d’euros. Quant aux résultats de 2014, il faudra attendre mi-2015, lorsque les distributeurs auront déposé leurs données auprès de la Centrale des bilans de la Banque Nationale de Belgique.
A cela il faut ajouter les pertes encourues par les franchisés indépendants. En 2011, 261 entrepreneurs affiliés à une enseigne de distribution ont accusé une perte globale de 25,4 millions d’euros ; en 2012 ils étaient 315 indépendants à enregistrer un malus total de 42,9 millions d’euros. En 2013, 170 entrepreneurs ont plongé dans le rouge avec des pertes atteignant 46,3 millions d’euros au total. Bien qu’en 2013 le nombre de franchisés ayant enregistré des pertes ait diminué, leurs pertes respectives ont donc été plus importantes. « Il faut donc s’attendre à ce que le mécontentement au sein de ce groupe augmente », indique Opdebeeck.
81 millions d’euros de pertes en 2013
Le regroupement des pertes des chaînes et de leurs indépendants affiliés donne une vision claire de la valeur économique perdue. Cette perte est passée de 31,3 millions d’euros en 2011 à 63,4 millions d’euros en 2012 et a atteint 80,8 millions d’euros en 2013.
La cause de ces pertes accrues est évidente : suite à la crise les consommateurs se préoccupent davantage des prix. Pour éviter de perdre des clients, les distributeurs ont dû faire des concessions au niveau des prix, ce qui au final a affecté leurs résultats, explique Opdebeeck.
Les hard discounters et le non-food grignotent des parts de marché
Cette préoccupation des prix se traduit également dans l’évolution des parts de marché. En effet les hard discounters s’accaparent une part de plus en plus importante : en 2013 leur part de marché globale est passée de 15,9% à 17,0%, et ce au détriment du top 3. Le groupe Colruyt (Colruyt, Okay, Spar retail et Alvo) a vu sa part de marché totale régresser de 28,5% à 28,0%, celle de Delhaize (Delhaize, AD Delhaize, Proxy Delhaize) est passée de 22,2% à 22,0% et enfin celle de Carrefour a chuté de 22,2% à 21%.
Par ailleurs d’autres acteurs s’emparent d’une part du gâteau. Action, Blokker, Di, Hema, Kruidvat et Trafic disposent de 750 magasins au total en Belgique, qui réalisent un chiffre d’affaires global de 1,5 milliard d’euros. Ceux-ci sont en partie en concurrence avec les distributeurs classiques. Ainsi Action a intégré quelques marques A dans son assortiment, notamment Coca-Cola, Dove, Lipton, Nivea et L’Oréal, d’où un chevauchement des différents secteurs.
Les distributeurs préoccupés par les frais salariaux
La plupart des grands distributeurs doivent une part importante de leur croissance à leurs exploitants affiliés. Tant chez Carrefour que chez Delhaize plus de la moitié du chiffre d’affaires est généré par les franchisés. Et cette proportion pourrait s’avérer encore plus marquée lorsque les magasins que Delhaize veut fermer, seront repris par des indépendants.
L’avantage pour le franchiseur est que les franchisés prennent à leur charge les investissements et les salaires du personnel. L’attrait du système de franchise découle de la problématique des frais salariaux à laquelle sont confrontés les distributeurs. Ainsi chez Delhaize les frais salariaux par employé ont augmenté de 44.072 euros en 2009 à 52.593 euros en 2013, ce qui a contraint la chaîne à prendre des mesures draconiennes en 2014.
Chez Carrefour la hausse des frais salariaux entre 2009 et 2013 a été moins importante, passant de 43.407 euros à 46.912 euros. Chez Colruyt l’augmentation a été encore plus limitée : durant cette même période les frais salariaux sont passés de 39.567 euros à 42.889 euros, bien que ces chiffres doivent être quelque peu nuancés, puisque la participation au bénéfice versée par Colruyt à son personnel, n’a pas été prise en considération.
Delhaize repart sur de bonnes bases
Dans cette problématique des frais salariaux, la fixation des salaires en fonction de l’ancienneté est un facteur important. Ceci explique en partie que les salaires par heure chez Delhaize, où la moyenne d’âge du personnel est plus élevée, soient supérieurs par rapport à la concurrence. Alors que chez Colruyt le salaire par heure est limité à 28,7 euros, chez Carrefour il s’élève à 32,50 euros/heure et chez Delhaize à 36,3 euros/heure. C’est donc à juste titre que Frans Colruyt, patron de la chaîne du même nom, s’est interrogé publiquement il y a quelque temps sur la viabilité du principe d’ancienneté.
Grâce à son plan de réorganisation, Delhaize repart désormais sur de bonnes bases. Selon Chris Opdebeeck, tout dépendra de la manière dont la direction arrivera à motiver ses troupes. Carrefour lors de sa restructuration y est parvenu : le personnel a repris confiance et il est même question d’ouvrir de nouveaux hypermarchés, indique Opdebeeck. L’avenir s’annonce donc encourageant.
Vous trouverez une analyse approfondie du 26ème rapport de distribution de Marketing Map dans le numéro d’avril du Magazine RetailDetail.