Surprendre les shoppers avec un assortiment inégalé, miser sur les événements et susciter l’émotion : tels sont quelques-uns des ingrédients grâce auxquels Cora veut assurer la pertinence et la pérennité de ses hypermarchés. Entretien avec le CEO Olivier Haller.
Réflexion stratégique
L’hypermarché est plutôt un phénomène marginal en Belgique. Pour survivre, ce concept doit absolument affirmer sa différence par rapport à l’offre dominante des supermarchés, affirme Olivier Haller, CEO de Cora Belux depuis janvier 2009. « Pour exploiter avec succès des magasins d’une superficie aussi vaste que les nôtres, il faut donner de bonnes raisons au client de faire le déplacement. Il faut justifier le déplacement. C’est pourquoi nous voulons renforcer l’aspect émotionnel et apporter une touche plus humaine. » Le magasin rénové d’Hornu (près de Mons) illustre concrètement la transformation de l’entreprise. Car fêter un cinquantenaire c’est bien, mais la réflexion stratégique menée par la chaîne d’hypermarchés pour conserver sa pertinence à l’avenir est encore bien plus importante.
Selon le CEO, l’ADN de Cora se résume en deux mots : promotions et choix. « C’est l’image que les clients ont de nous. Les promotions restent un levier essentiel de génération de trafic. Plus de 30 % des shoppers choisissent le magasin où ils vont faire leurs courses en fonction des promotions. Mais le marché est très nerveux en ce moment et il est de plus en plus difficile de se différencier grâce aux offres promotionnelles. Les promotions ne sont pas non plus un gage de fidélité des clients. Le choix, en revanche, si. Nous avons donc fortement retravaillé cet aspect. Nos magasins étaient sans doute par le passé trop généralistes et offraient trop de choix et pas assez de nuance. Pour offrir une expérience différente au client, nous avons donc décidé d’approfondir considérablement l’offre dans certains domaines – beaucoup plus qu’un supermarché pourrait le faire. En revanche, dans certaines catégories plus classiques, nous avons opté pour une rationalisation des assortiments. Tout cela nous a permis d’améliorer la lisibilité de notre offre. »
Rayons phares
Les rayons phares bénéficient d’une théâtralisation indispensable dans le point de vente : ils se présentent désormais sous la forme de ‘shops-in-the-shop’ afin de renforcer la différenciation. Ce concept est en cours de déploiement dans les sept magasins belges de l’enseigne, où les transformations vont aussi bon train. Cette approche est neuve pour l’entreprise : l’organisation de Cora était auparavant très décentralisée et chaque magasin était libre de développer ses propres concepts. Aujourd’hui, le retailer tient à offrir une image de marque plus cohérente, tout en laissant de la place aux accents locaux.
Quels résultats Cora espère-t-elle obtenir à travers ces innovations ? L’entreprise reste-t-elle confiante dans l’avenir des hypermarchés malgré les prévisions alarmistes ? « Absolument, nous voulons garantir un avenir durable à notre modèle. En Belgique, le pays des supermarchés, les hypermarchés constituent une niche. Il n’est donc pas possible de comparer notre situation avec celle de la France. Nous misons sur l’expérience de shopping. Les gens viennent chez nous pour être surpris, faire des découvertes et ressentir des émotions. Un hypermarché n’a sinon aucun sens. Ce qui justifie le déplacement, c’est le choix que nous offrons et l’engagement et la passion avec lesquels tous nos collaborateurs défendent ce choix. De là notre nouveau slogan, ‘la passion du choix’. L’événementiel et les phénomènes saisonniers revêtent aussi une importance essentielle pour l’hyper. Il se passe toujours quelque chose chez Cora. »
Foires à l’euro et prix fous
Après Pâques et la Fête des mères, c’est l’été qui tient la vedette avec le mobilier de jardin et le barbecue. Ensuite, ce sera au tour des actions centrées sur la rentrée des classes, la Saint-Nicolas et les fêtes de fin d’année… « Notre part de marché double pendant la période de rentrée des classes. Et il en va de même des ventes de jouets à la Saint-Nicolas. Nos semaines italiennes remportent aussi un vif succès, tout comme les foires à l’euro ou les prix dingues. Le shopping reste un loisir pour les gens. Il ne faut pas non plus oublier que Cora n’est pas qu’un hypermarché : en collaboration avec notre société immobilière Galimmo, nous exploitons de véritables centres commerciaux. La combinaison des boutiques et de nos hypermarchés permet de créer une destination de shopping attrayante. » Le principal défi tient dans la densité de magasins élevée en Belgique. La concurrence ne cesse de croître. En tant qu’hypermarché, vous êtes en fait en concurrence avec tous les autres acteurs du marché…
Qu’en est-il du volet numérique ? La Belgique n’est pas une île, mais les ventes alimentaires en ligne restent modestes. Quatre des sept Cora belges possèdent aujourd’hui un drive : Messancy, Rocourt, Woluwe et Hornu. Les trois autres en seront dotés d’ici 2021, mais la chaîne préfère d’abord améliorer les conditions connexes afin de déployer une offre digitale à part entière : une nouvelle plate-forme digitale devrait être opérationnelle d’ici la fin de l’année. Le webshop dédié au vin corawine.be marche pour sa part déjà très bien. Quant à savoir si le drive à la française est le meilleur concept pour le marché belge, Olivier Haller reste vague : la Belgique est peut-être plutôt un pays orienté vers la livraison à domicile, comme les Pays-Bas.
Produits sains et bio
Nous parcourons le vaste magasin bien ordonné en compagnie du CEO. Larges allées, signalétique claire, ambiance décontractée : il n’est ici pas question de stress du shopping. La grande zone promotionnelle près de l’entrée est un classique. La partie droite réserve toujours un bel espace à l’offre non-food traditionnelle, qui représente encore 38 % du chiffre d’affaires de Cora. « C’est dû à notre position de niche sur le marché. Nous vendons par exemple encore beaucoup de petit électro. Et nous détenons une part de marché de 14 % pour la vente de BD. »
Les principales innovations introduites par le retailer concernent toutefois surtout les rayons FMCG. L’un des principaux pôles d’attraction est le nouveau rayon ‘manger sain’, paré d’une couleur verte qui ne passe pas inaperçue. L’offre comprend entre autres plus de 3 000 produits biologiques, ainsi que des produits diététiques et sans allergènes. « Le bio enregistre une croissance à deux chiffres. Nous nous distinguons sur ce segment par l’assortiment complet et abordable de la marque allemande Alnatura, distribuée en exclusivité par notre groupe. »
Le frais, vecteur d’émotion
Parmi les autres éléments distinctifs, citons l’offre inédite de 800 bières spéciales, la cave à vins réputée, le rayon animaux ainsi que l’offre pour bébé dans le food et le non-food. Le rayon parfumerie a été relooké et propose 750 références bien-être. Un autre pôle d’attraction est le rayon cuisine du monde, qui réunit pas moins de 1 200 références en provenance de 14 pays. La sélection varie d’un magasin à l’autre en fonction de la clientèle. Le magasin de Woluwe mise par exemple davantage sur l’offre de produits américains, à destination des expatriés résidant dans la commune. Dans différentes catégories, un label ‘Saveurs et Découvertes’ attire l’attention des clients sur des produits de qualité exclusifs et surprenants.
Le fil conducteur est clair : Cora met sa gigantesque superficie à profit pour proposer un choix inégalé à ses clients dans des domaines spécifiques. Un terrain sur lequel les supermarchés ne peuvent rivaliser. Grandeur est hélas souvent aussi synonyme d’anonymat et de froideur. Afin d’humaniser ses hypermarchés, Cora mise résolument sur les rayons frais traditionnels avec service au comptoir, où la charcuterie, le poisson, le fromage et les produits traiteur sont préparés, découpés et emballés sur place. L’offre de repas préparés a été étendue à plus de 500 références, dont une partie sont cuisinés en magasin. La boulangerie cuit le pain et les pâtisseries sur place. Des pancartes soulignent le caractère artisanal des produits faits maison. Les membres du personnel posent fièrement sur les affiches avec leur nom et leur photo. Le frais est un vecteur d’émotion. Et nous ne comptons pas nous arrêter là, prévient notre interlocuteur : « Il s’agit d’un projet en évolution. Nous continuerons d’innover et de tester de nouveaux prototypes. Tant que nous parviendrons à offrir une expérience distinctive à nos clients et à créer de l’émotion dans nos magasins, l’avenir des hypermarchés restera assuré, justement parce que nos superficies nous permettent de présenter un choix que les supermarchés ne peuvent égaler. »