Le détaillant britannique Tesco lance un nouveau programme de fidélité payant. Real fait la même chose en Allemagne, et auparavant, Casino avait fait de même en France. Sans compter Delhaize qui expérimente également des concepts innovants. Les détaillants traditionnels suivent-ils l’exemple d’Amazon ?
De la carte de réduction à la formule d’abonnement
Dix-neuf millions de détenteurs britanniques de la Tesco Clubcard ont récemment pu mettre à jour leur compte en prenant un abonnement Clubcard Plus, pour lequel ils paient 7,99 livres (9,5 euros) par mois. En retour, ils reçoivent des points de fidélité échangeables contre des bons de réduction, ainsi qu’un rabais de 10 % sur deux achats par mois, d’une valeur maximale de 200 livres (230 euros). Ce qui représente une économie mensuelle de 40 livres (46 euros) maximum. De plus, ils bénéficient d’une remise de 10 % sur certaines marques Tesco en magasin et aussi la possibilité de doubler le volume de données de leur abonnement Tesco Mobile. Ils peuvent, en outre, demander une carte de crédit Tesco Bank sans frais de change.
Avec cette initiative remarquable, Tesco viserait avant tout à réduire la part de marché croissante des hard discounters Aldi et Lidl au Royaume-Uni. Ces derniers ne disposent pas — pour l’instant — d’un programme de fidélité, car une approche aussi complexe n’est pas combinable avec une organisation soucieuse des coûts, qui se veut avant tout lean & mean. Cependant, Lidl déploie actuellement son application de fidélité Lidl Plus dans plusieurs pays européens.
Comme Prime ?
Un tel abonnement payant constitue effectivement un seuil pour les acheteurs, mais si vous calculez bien, vous en tirerez certainement des bénéfices. Pour autant que vous achetiez suffisamment, bien sûr. De cette façon, le détaillant espère créer davantage de liens avec ses clients : en effet, ces derniers seront plus enclins à dépenser plus et à se tourner moins vite vers la concurrence. C’est ainsi que vous gagnez des parts de marché.
De plus, l’idée n’est pas entièrement nouvelle : Amazon dispose depuis longtemps d’un abonnement Prime, qui offre plusieurs avantages à ses clients : Prime Video, des options d’expédition premium, un espace de stockage de photos et un accès préalable aux promotions flash. Actuellement, cet abonnement ne coûte que 5,99 euros par mois au Benelux. Aux États-Unis, Amazon vient d’ajouter la livraison gratuite des courses via Amazon Fresh au package. Les abonnés Prime seront donc plus enclins à faire avantages d’achats par Amazon. C’est un peu comparable à Select, de bol.com, qui vous donne droit à la livraison gratuite et à des avantages spéciaux pour seulement 6,99 euros par an.
Payer pour une réduction
Les observateurs voient bien le but de cette approche : selon les analystes de Barclays, l’abonnement Clubcard Plus de Tesco pourrait se traduire par une augmentation du chiffre d’affaires pouvant atteindre 2,5 %. Un chiffre important pour un marché caractérisé par la concurrence et une faible croissance. L’impact sur le bénéfice est en revanche plus difficile à estimer. Ils soulignent également le fait qu’une initiative similaire de la chaîne française d’hypermarchés Géant Casino semble prometteuse : ce détaillant a, en effet, lancé une formule d’abonnement payante pour son application de fidélité Casino Max en juin dernier : les clients paient 10 euros par mois et reçoivent en échange une remise de 10 % sur leurs achats. Quelque 100 000 clients se sont déjà inscrits, et ces derniers achètent plus qu’auparavant, explique Cyril Bourgois, responsable de la transformation digitale et de l’innovation de Casino, au magazine français de la grande consommation LSA.
La société allemande Real lance également Real Pro, un programme qui s’inspire de Prime, dans plusieurs provinces : pour 69 euros pour un an, les membres bénéficient d’une réduction de 20 % sur l’offre FMCG et de 10 % sur l’alcool. Selon la chaîne de magasins, cela peut représenter une économie de 29 euros par mois. Cependant, les autres offres ne sont alors plus valables et des conditions différentes s’appliquent sur la boutique en ligne. L’offre ne s’applique qu’aux particuliers et non aux entreprises. Le détaillant déclare vouloir récompenser ses clients les plus fidèles. Certains observateurs supposent que les clients qui adhèrent au programme s’épargneront la peine de comparer les prix. Real n’est pas exactement l’acteur le moins cher sur le marché allemand…
Stratégies innovantes
Ce sont, pour l’instant, les seuls détaillants européens à proposer un programme de fidélité payant, mais d’autres chaînes de supermarchés sont également en train de peaufiner leurs concepts. Pensez par exemple aux fonctions que Colruyt Group ajoute à son application Xtra, ou encore à l’idée originale d’Intermarché en France : la carte de fidélité (gratuite) vous donne droit à une réduction de 5 % sur les fruits, légumes et produits de la marque propre pendant les trois premières visites du mois et de 10 % à partir de la quatrième visite. Une tactique pour inciter les clients à revenir plus souvent.
A noter également, l’action récemment lancée par Delhaize en Belgique : les clients bénéficient d’une réduction temporaire de 20 % sur les produits sains présentant les scores nutritionnels A et B, avec une réduction maximale de 30 euros par mois, à condition qu’ils enregistrent leur carte Plus en ligne. Cela permet à Delhaize d’offrir à ses clients des deals en ligne personnalisés en fonction de leur comportement d’achat. Ce qui est de toute façon bien plus intelligent et plus précis que la réduction d’un demi-pour cent offerte par une carte de fidélité standard aujourd’hui. Ce concept semble appartenir au passé : les détaillants se rendent compte qu’il est temps de passer à la fidélisation 2.0.