En raison de la guerre en Ukraine, les prix des matières premières resteront à des niveaux historiquement élevés au moins jusqu’à la fin de 2024, y compris pour les denrées alimentaires. C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport de la Banque mondiale. Le spectre de la stagflation se profile.
Le plus grand choc depuis les années 70
Les pics des prix de l’alimentation et de l’énergie pourraient se poursuivre pendant des années, prévient la Banque mondiale. Depuis la crise pétrolière des années 1970, les prix des produits de base n’ont jamais augmenté aussi fortement, alors qu’aujourd’hui, les effets de la guerre en Ukraine et les prix de l’énergie se conjuguent. Les hausses de prix des produits alimentaires de base – dont la Russie et l’Ukraine sont des producteurs importants – et des engrais sont les plus fortes depuis 2008.
« Dans l’ensemble, il s’agit du plus grand choc de commodités que nous ayons connu depuis les années 1970. Comme à l’époque, le choc est aggravé par une recrudescence des restrictions au commerce des denrées alimentaires, du carburant et des engrais », a déclaré Indermit Gill, vice-président de la Banque mondiale. « Ces évolutions ont commencé à faire planer le spectre de la stagflation. »
Le blé 40 % plus cher
Les prix du blé augmenteraient de plus de 40 % et atteindraient un niveau record cette année. Cela mettra sous pression les économies en développement qui dépendent des importations de blé, notamment de la Russie et de l’Ukraine. Les prix du métal devraient augmenter de 16 % en 2022 et baisser en 2023, mais restera à des niveaux élevés.
« Cela aura des répercussions de longue durée. La forte hausse des prix des commodités, tels que l’énergie et les engrais, pourrait entraîner une réduction de la production alimentaire, en particulier dans les économies en développement. La baisse de l’utilisation des intrants pèsera sur la production et la qualité des aliments, ce qui affectera les disponibilités alimentaires », a déclaré John Baffes, économiste au sein du groupe Prospects de la Banque mondiale.
Des tendances persistantes
La hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie va de pair et ne peut être considérée isolément, analyse la Banque mondiale. Comme ils sont si étroitement liés, il est peu probable qu’ils s’améliorent vite. Au contraire, les modèles de commerce, de production et de consommation au niveau mondial ont été modifiés par le choc à tel point que les effets perdureront jusqu’à la fin de 2024.
Tout d’abord, les coûts augmentent tellement qu’il n’y a plus de ressources pour passer à d’autres sources d’énergie, qu’elles soient fossiles ou propres. La transition vers une énergie plus durable risque d’être retardée. Deuxièmement, la hausse des prix de certaines matières premières fait également grimper les prix d’autres matières premières : les prix élevés du gaz naturel font grimper les prix des engrais, qui à leur tour font grimper les prix agricoles. De plus, les réponses apportées jusqu’à présent par les gouvernements – notamment les réductions d’impôts et les subsides – ne font qu’exacerber les pénuries d’approvisionnement et les pressions sur les prix.
La guerre entraîne également une augmentation du coût des échanges commerciaux, ce qui pourrait entraîner une hausse de l’inflation. Pas de céréales en provenance d’Ukraine ? Il faut alors aller les chercher en Chine ou dans d’autres pays lointains. Selon le rapport, ce détournement de trafic risque d’être plus coûteux, car il implique de plus grandes distances de transport.