La part des marques de distributeurs en Belgique peut-elle continuer à croître ? À l’heure où les retailers se dotent d’une véritable politique de marques, les marques nationales doivent prendre garde à ne pas créer un trop grand écart de prix…
Plusieurs vagues de croissance
Les marques propres représentent aujourd’hui plus de 36 % du marché belge en valeur. En volume, leur part dépasse même 50 % de l’offre, et elle continue d’augmenter. On est toutefois en droit de se demander où cela s’arrêtera. Nous avons posé la question à Tom Penninckx, Client Business Partner auprès de l’institut Nielsen. « Si l’on compare avec d’autres pays européens, une part en valeur de 40 % est tout à fait possible », estime-t-il. « L’évolution de la part de marché des MDD dépendra en fait des choix stratégiques opérés par les retailers. »
Les chiffres montrent que la croissance des marques propres s’est réalisée en plusieurs phases ou vagues. Les marques de distributeurs ont connu un fort essor entre le début des années 80 et le milieu des années 90, suite à l’apparition de nouvelles SKU dans un nombre croissant de catégories. Les produits MDD étaient à l’époque surtout des ‘me-too’, c’est-à-dire des copies de produits de marques connues. La croissance s’est ralentie vers le milieu des années 90. Les retailers ont alors évalué leur assortiment d’un œil critique et ont entrepris d’optimiser leur offre. La crise financière de 2008 a donné un nouvel élan aux MDD dans la mesure où les retailers ont profité de la sensibilité accrue au prix du consommateur. On observe parallèlement une tendance au branding et à la segmentation, avec les premiers prix bon marché d’un côté et les marques premium de l’autre.
Alternative qualitative
La part des marques propres tend à nouveau à se stabiliser, principalement en raison du ralentissement de la croissance des hard discounters. Ceux-ci ont toujours été les principaux moteurs de la croissance des marques propres, mais ouvrent moins de nouveaux magasins. L’arrivée des produits de marque chez Lidl et Aldi a elle aussi un impact, même si leur présence reste pour l’instant limitée.
De nos jours, les marques de distributeurs ne sont plus de simples copies de marques connues. Elles se profilent comme des alternatives qualitatives. « Prenez la récente campagne de Lidl, qui s’en prend quand même assez directement aux marques A. Le lancement de la marque maison Boni Selection par Colruyt témoigne également de l’existence d’une véritable politique en matière de MDD. » Une décision qui semble tourner à l’avantage de Colruyt, puisque quelques années à peine après son lancement, Boni est la marque propre préférée du shopper belge. Une jolie prouesse !
Sensibilité au prix
Si l’on en croit la récente enquête Nielsen Shopper Trends Survey, la croissance des marques de distributeurs n’est en tout cas pas près de s’arrêter. 86 % des sondés déclarent acheter autant voire plus de produits MDD qu’il y a un an. Seuls 8 % achètent moins de MDD et 3 % n’en achètent pas du tout. Les consommateurs indiquent acheter davantage de produits de marque Boni Selection (35 %), Everyday Selection (34 %) et Delhaize (27 %).
L’un des principaux leviers de croissance des MDD est la sensibilité au prix des shoppers. Pas moins de 83 % des shoppers belges sont en effet d’avis que les prix des produits alimentaires augmentent en Belgique. Une impression qui se confirme dans les faits, souligne Tom Penninckx : « Les prix augmentent effectivement plus vite en Belgique que chez nos voisins, en particulier la France, où la pression sur les prix est actuellement énorme. Ces hausses de prix sont presque entièrement le fait des grandes marques. Les marques maison n’augmentent pas autant leurs prix. Résultat : le différentiel de prix entre les marques et les MDD continue de se creuser. »
Politique de prix risquée
Réfléchissez un instant à ceci : en 2009, un produit de marque coûtait en moyenne 78 % plus cher qu’une MDD ; en 2016, la différence était déjà de 90 %. Un tel écart de prix est-il bien viable à terme ? « Une marque n’est pas l’autre. Plus la valeur de la marque est élevée, plus la marge d’augmentation est grande. Mais en fin de compte, chaque produit est sensible au prix. » Les marques prennent donc un risque avec leur politique de prix actuelle, met en garde Tom Penninckx.
Les consommateurs interrogés admettent qu’ils recherchent les produits en promotion ; qu’ils économisent sur les produits de luxe ; qu’ils optent pour des marques meilleur marché qu’ils achètent en gros pour bénéficier d’une réduction, ou qu’ils réduisent tout bonnement leurs achats. Ils se mettent aussi parfois en quête de fournisseurs alternatifs. En définitive, la Belgique est un petit pays et la part des achats transfrontaliers augmente. Il faut ajouter à cela l’essor de l’e-commerce. Amazon se positionne sur le marché belge avec des prix français très concurrentiels. Le risque s’en trouve accru.
« Il sera intéressant de voir ce que va faire Aldi à l’avenir. Le nombre de marques va-t-il y augmenter comme chez Lidl ? Dans l’affirmative, cela pourrait intensifier la pression sur les marques propres. Pour l’instant, les marques propres gagnent du terrain sur le marché ouvert dans toutes les catégories à l’exception des boissons alcoolisées. Mais peut-être n’est-ce qu’une question de temps ? »
Évolution de l’écart de prix entre les marques nationales et les marques de distributeurs dans les catégories où les MDD détiennent au moins 15 % de part de marché. Moyenne de l’écart de prix dans 35 catégories. Source : Nielsen.