Le départ imminent de Deliveroo des Pays-Bas a suscité de nombreuses réactions. L’entreprise ne renonce-t-elle pas principalement parce qu’elle pourrait bientôt devoir employer les coursiers en tant que salariés ? Et ce départ est-il une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Coup dur pour le « roi de la commodité »
Aux Pays-Bas, les clients ont réagi avec étonnement et stupeur au départ de Deliveroo cet automne. Spar dit être surpris : « Nous l’avons appris ce matin en lisant dans la presse, » a indiqué une porte-parole à ANP, avant des négociations avec Deliveroo. De plus en plus de distributeurs comptent parmi les clients : depuis avril, Albert Heijn et Spar travaillent avec la société de livraison de repas.
Pour Albert Heijn, il s’agit seulement d’un essai limité à deux magasins à Amsterdam, où la chaîne de supermarchés travaille également avec le concurrent Thuisbezorgd.nl, mais Spar espérait devenir le « roi de la commodité » avec l’aide de Deliveroo. Après un premier test, les coursiers livrent désormais les courses à domicile en moins d’une demi-heure dans sept villes.
Un départ encore incertain
Deliveroo n’exclut pourtant pas la possibilité de rester : dans une communication adressée à ses clients, la société de livraison indique que le départ n’est pas certain. Les prochaines « tables de concertation » avec les parties prenantes devraient trancher. La direction a cependant fait savoir qu’avec une part de chiffre d’affaires de 1 %, le marché hollandais est trop petit pour devenir rentable et que le jeu n’en vaut pas la chandelle, ce qui semble laisser peu de place au doute.
En menaçant de quitter le pays, Deliveroo espère peut-être encore faire pression sur les tribunaux hollandais et les coursiers de l’entreprise. L’année dernière, le syndicat FNV avait intenté une action en justice contre la société de livraison de repas, tout comme contre Uber et d’autres sociétés de plateforme, en raison du statut d’indépendant sous lequel travaillent les coursiers. Comme dans d’autres pays, ce statut est controversé : les coursiers sont-ils de vrais indépendants ou au contraire de faux indépendants, autrement dit des employés qui ne bénéficient pas de la protection sociale ?
Un syndicat satisfait
Le tribunal avait donné raison aux plaignants, estimant que Deliveroo devait employer les coursiers comme salariés. La plateforme de livraison a cependant fait appel : en décembre, l’affaire devrait passer devant la Cour suprême des Pays-Bas. En juin, l’avocat général a déjà rendu un avis qui n’a pas été au goût de Deliveroo : selon cet avis, les coursiers travaillent bien sous le régime d’un contrat de travail. En l’absence d’un contrat de travail, les travailleurs de la plateforme se voient donc privés d’avantages socioéconomiques.
Puisqu’il est probable que la Cour suprême suive cet avis, la société de livraison peut déjà anticiper le verdict. Si Deliveroo devait employer les coursiers, les coûts aux Pays-Bas augmenteraient considérablement alors qu’ils sont, selon l’entreprise, déjà trop élevés par rapport à sa faible position sur le marché. Le départ sera-t-il annulé si l’affaire judiciaire est abandonnée ? La FNV a d’ores et déjà indiqué que Deliveroo ne devait pas compter là-dessus. Le syndicat se dit même satisfait du départ de la plateforme de livraison et n’entend pas lâcher l’affaire. Les coursiers auront droit à des arriérés de paiement, selon la FNV.
L’Europe va-t-elle prendre position ?
Sur le plan international, le fait que Deliveroo quitte les Pays-Bas peut également servir d’avertissement à d’autres pays, où les mêmes discussions et poursuites sont en cours. En Belgique la situation est très différente, a déclaré le directeur belge à VRT NWS : l’entreprise de livraison de repas a élargi ses services à de nouvelles villes cette année, le tribunal du travail de Bruxelles ayant statué fin 2021 que les livreurs sont effectivement des travailleurs indépendants. Cependant, le chapitre n’est pas encore clos : l’auditorat du travail a fait appel de cette décision.
L’Europe devrait clarifier la situation à moyen terme : la Commission européenne prépare une directive qui stipule que les travailleurs des plateformes sont par défaut des employés, à moins que les plateformes ne puissent prouver qu’ils sont réellement indépendants. Il y aura également plus de contrôle sur la façon dont les coursiers sont surveillés et gérés. Toutefois, la proposition doit encore être adoptée par les États membres et le Parlement européen.