« Colruyt victime de l’agressivité promotionnelle et d’Aldi »
Les journaux De Standaard et Het Nieuwsblad passent en revue les parts de marché des supermarchés. « Colruyt pour la première fois de mémoire d’homme perd en part de marché ; et ce au cours du quatrième trimestre comprenant la période de fin d’année ô combien vitale », souligne De Standaard. Les grands vainqueurs du quatrième trimestre sont les hard discounters Aldi (+0,5%) et Lidl (+0,3%). Delhaize affiche un statu quo, alors que Colruyt perd du terrain (-0,2%), ainsi que Carrefour (-0,5%).
L’explication de ces chiffres est assez évidente selon Dirk Vanderveken de GfK : « Les consommateurs optent systématiquement pour des produits meilleur marché et se rendent moins fréquemment au supermarché. Par conséquent les retailers ont moins d’occasions de tenter le client. »
D’autre part Aldi et Lidl ne sont plus les hard discounters qu’ils étaient autrefois : aujourd’hui ils se profilent comme magasins de proximité, misent davantage sur le frais et proposent même des repas festifs en période de fin d’année. « On assiste actuellement au ‘upgrading’ du hard discount », estime Vanderveken. Résultat : « La différence avec les supermarchés s’estompe et cela affecte leur image prix. »
Par ailleurs Colruyt, qui a fait du ‘meilleur prix’ son fer de lance, se voit contraint de réduire les prix de nombreux produits, suite à la politique de prix plus agressive pratiquée par la concurrence. « Pour Colruyt, qui dit suivre toutes les promotions, cela pose un problème. A force de suivre les promotions de la concurrence, son bénéfice diminue, sans que cela soit compensé par des clients venant spécialement pour une promotion et qui en même temps font aussi d’autres achats. »
« Un panier jusqu’à 10% moins cher d’ici 5 ans »
Selon Het Laatste Nieuws et De Tijd, le consommateur « sortira grand gagnant de cette guerre des supermarchés ». Les deux journaux citent les propos de l’expert en bourse Patrick Roquas de Rabo Securities. D’après l’analyste les enseignes Lidl et Albert Heijn surtout, avec leur stratégie axée sur les petits prix, poussent non seulement Colruyt, mais également Delhaize et Carrefour à adopter une attitude défensive.
« La violente concurrence au niveau des prix, que l’on connaît déjà aux Pays-Bas et aux USA, s’étendra également vers la Belgique », estime-t-il. « A mesure qu’Albert Heijn multipliera ses magasins en Belgique, la concurrence devra forcément investir dans les réductions de prix. Actuellement Colruyt est déjà contraint de diminuer ses prix de 5 à 7% dans quatre à six magasins dans chaque quartier où Albert Heijn ouvre un nouveau point de vente », révèle une analyse de Rabo Securities.
Selon Roquas, Delhaize et Carrefour, eux aussi, n’auront d’autre choix que de suivre ces baisses de prix : « Mais au lieu d’un big bang, tout cela se fera progressivement » indique-t-il, surtout « parce qu’ Albert Heijn mettra du temps à devenir un acteur national. Il faudra donc encore compter 5 à 7 ans avant que les prix de tous les magasins Colruyt ne soient diminués. »
« C’est pourquoi nous tablons sur une réduction générale des prix de 5% à 10% endéans les cinq ans. Ainsi les prix rejoindraient plus ou moins ceux pratiqués aux Pays-Bas », conclut l’expert.
« Je m’attends à une vive contre-offensive de la part de Colruyt »
Dans les studios du programme télévisé Terzake, Jorg Snoeck de RetailDetail a confirmé cette « intensification de la concurrence et de la compétitivité du marché ». Même si le consommateur tirera profit de cette situation, Snoeck évoque les risques de cette guerre des prix : « A force d’investir sans cesse dans les plus bas prix, les supermarchés finiront par manquer de budget pour la recherche de nouveaux produits. »
Snoeck prévoit « une vive contre-offensive de la part de Colruyt : un plan d’action sera très vite mis sur pied, car à Hal ils ont l’habitude de réagir rapidement. » Mais pour l’instant Colruyt préfère cacher son jeu : « Nous allons tester des nouveautés ici et là. Mais quoi que fasse la concurrence, nous continuerons à investir dans nos prix. Les ‘meilleurs prix’ restent notre principal atout », souligne un Frans Colruyt combatif dans le journal De Standaard.
Toutefois cette revendication du ‘meilleur prix’ devra être communiquée différemment, explique Marc Hofman, directeur financier de Colruyt, dans le journal De Tijd : « La communication de la concurrence, mettant l’accent sur les fortes promotions, avait plus d’impact que nos campagnes soulignant notre stratégie du plus bas prix. »
Le mot de la fin revient à Ivan Sabbe, CEO de Lidl Belgique de 1993 à 2006 (et actuel CEO de ISPC, grossiste dans le secteur horeca). Selon lui, « Colruyt n’a pas de raisons de paniquer suite au ralentissement de la croissance de son chiffre d’affaires et suite au recul de sa part de marché. Le défi se situe principalement au niveau de l’amélioration des magasins, ainsi qu’à l’étranger. » De quoi inciter Colruyt à démarrer ou accélérer certains chantiers …
Traduction : Marie-Noëlle Masure