Avec une nouvelle identité, une recette améliorée et un engagement fort en faveur de la durabilité, la chocolaterie Guylian veut doubler les activités de sa marque. « Il s’agit d’une marque emblématique, il y a quelque chose à faire », déclare le PDG, Tom Snick.
Carte blanche
Faire renaître un joyau de l’industrie chocolatière belge : tel est l’objectif de Tom Snick, un Hollandais né de parents originaires de Flandre occidentale et PDG de Guylian depuis un an. Le manager expérimenté, qui a notamment travaillé chez Unilever, Spadel et Barilla, a reçu carte blanche du propriétaire sud-coréen Lotte Confectionery : « J’ai un objectif en matière de chiffre d’affaires et d’EBITDA, à part ça je peux faire comme je l’entends. Je me suis entretenu avec le propriétaire pendant une heure à trois reprises et nous sommes tout à fait d’accord. C’est pour cela que nous pouvons aller vite. Je n’ai pas hésité une seconde : c’est une marque emblématique, il y a quelque chose à faire. »
Guylian franchit aujourd’hui une première étape importante, avec un relancement complet. Une démarche qui semblait indispensable : « Lorsque je suis arrivé, il y a une chose que j’ai rapidement constatée : l’épine dorsale de cette entreprise, c’est-à-dire la production, la chaîne d’approvisionnement, le R&D et la qualité, est sensationnelle. Le problème se situait en amont, au niveau du marketing et des ventes. Guylian est une grande marque, tout le monde la connaît, mais elle était devenue démodée. » Ce faisant, elle s’est progressivement faite oubliée et a disparu des rayons des supermarchés.
Accessible et moderne
Tom Snick ne fait pas les choses à moitié : l’emballage a été relooké après un appel d’offres auprès de trois agences internationales. « Si vous voulez vendre une Jaguar, dans ce cas du chocolat belge de qualité supérieure, offrez-vous les services d’agences au niveau. Les nouveaux designs ont été imaginés par Superunion, le fournisseur design interne de Heineken. Nous travaillons sur une fantastique campagne publicitaire avec Publicis de Lausanne. Le spot est une véritable œuvre d’art ! »
Pourtant, Guylian ne deviendra pas une marque de luxe exclusive : au contraire, la marque deviendra plus accessible. « Lorsque je me trouve dans le rayon, j’ai le choix entre Ferrero Rocher, Lindor de Lindt ou Guylian. C’est dans ce segment que nous voulons nous positionner. Nous ne voulons pas être Pierre Marcolini, nous sommes une marque premium abordable. La couleur bleu-gris de l’emballage fait référence à la mer du Nord. Cela le rend plus moderne, et il également plus durable aux yeux du consommateur. Nous nous distinguons davantage des marques privées. Le logo passe de l’or au cuivre : pour rappeler nos marmites en cuivre dans lesquelles nous torréfions les noisettes. »
Durabilité et commerce équitable
En plus de changer l’emballage, Guylian a amélioré la recette. « Nous n’utilisons que des noisettes de première qualité que nous torréfions de façon artisanale dans des marmites en cuivre. Vous verrez, ça fait vraiment une énorme différence au niveau du goût. Un retour au produit 100 % tel que monsieur Guy Foubert (le fondateur de l’entreprise) l’avait développé à l’origine. » Les tests consommateurs dans cinq pays européens montrent que cette stratégie est la bonne : « L’intention d’achat augmente de 15 %, passant d’une moyenne de 45 à 60, dans tous les pays d’Europe. Cette part est légèrement inférieure en Belgique, mais ce n’est pas illogique. »
Il convient également de souligner les engagements pris par l’entreprise en matière de responsabilité sociétale. « C’est important pour moi, personnellement en tant que père de trois enfants, mais aussi en tant qu’entreprise dans cette société. Nous sommes allés très loin en matière de durabilité et de sourcing responsable. Nous visons un cacao 100 % équitable. Nous n’utilisons ni huile de palme, ni soja. Notre emballage sera sans plastique et 100 % recyclable. Le blistère sera transparent, ce qui nous permettra d’utiliser des matériaux recyclés. L’usine est également neutre en carbone depuis le 1er janvier. »
Focus sur neuf pays
« Nous avons également revu notre portefeuille : nous sommes passés de 660 à 330 SKU, de 400 à 120 clients. En Belgique, nous avons presque totalement remanié l’équipe de vente. Nous allons nous concentrer sur neuf pays pour lesquels nous voyons un grand potentiel : la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Brésil, le Chili, les États-Unis, la Chine et l’Australie. Et également sur le marché hors taxes, même s’il ne redeviendra plus jamais le même qu’avant le coronavirus. On peut vendre du chocolat belge dans tous les pays du monde, mais je veux me développer en Europe, car c’est un marché sain et solide. Sur les autres continents, vous restez tributaire des crises, des taux de change, etc. »
Guylian veut également se développer davantage en ligne. Non pas avec sa propre boutique en ligne, mais par l’intermédiaire des détaillants, des grandes plateformes comme bol.com ou Amazon et des nombreux webshops de gifting. « Il faut être là où les consommateurs vous cherchent. Nous voulons également nous ouvrir aux livraisons rapides, et je pense à HelloFresh. Mais nous avons beaucoup à faire et nous avons beaucoup d’ambition, il est donc très important de ne pas se disperser. Nous n’allons pas dévier de cette ligne de conduite maintenant. Je ne suis pas pressé, et la Corée non plus. »
Devenir un pionnier
Tous ces changements conduisent à une sensiblement meilleure marge, souligne Snick. « Des recettes que nous investissons intégralement dans la publicité cette année, en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. » Guylian souhaite être moins dépendant des événements saisonniers, tels que la Saint-Valentin ou Noël. La marque doit être performante tout au long de l’année.
« Cela propulse la marque à un autre niveau. Les détaillants recherchent de la valeur. La balle est dans notre camp. Il faudra trois à quatre ans avant de réaffirmer notre position dans les rayons. Le fait que nous soyons une entreprise de commerce équitable et durable fait de nous une marque intéressante pour les détaillants. Un Coles en Australie va se mettre à exposer trois ou quatre références parce que nous sommes désormais un leader en matière de durabilité. C’est exactement ce qu’ils recherchaient. Nous devons devenir un pionnier dans tous les domaines. Pensez au Nutri-Score : à terme, il figurera sur nos emballages, c’est pourquoi je m’intéresse d’ores et déjà à comment obtenir un score A. »
L’ambition : doubler
Le chocolat Guylian va-t-il également devenir beaucoup plus cher ? « Tout doit être cohérent : vos ingrédients, votre recette, votre design, votre façon de faire, votre communication et, logiquement, votre prix. Notre étions déjà bien positionnés sur le prix, et nous mettons maintenant le produit au niveau. Nous appliquons cependant une augmentation : celle-ci n’est pas tant liée à ces changements qu’à la réalité sur le marché. La flambée des prix est assez spectaculaire, notamment pour les matériaux d’emballage et l’électricité. Nous n’avons pas d’autre choix que d’en refacturer une partie. »
Quoi qu’il en soit, la marque nourrit de grandes ambitions : d’ici à 2026, Guylian veut doubler ses activités de marque ; l’entreprise produit également encore quelques marques privées. « Nous sommes descendus à 60 millions d’euros l’année dernière à cause du coronavirus. L’année dernière, nous avons connu une croissance solide en atteignant 67 millions. Cette année, nous visons les 80 millions. Nous voulons en faire une entreprise belge saine. » Il y a beaucoup de potentiel, selon le PDG. Le chocolat belge a le vent en poupe dans le monde entier, grâce aux marchés émergents. « En Chine, les habitants n’avaient pas l’habitude de manger du chocolat, mais aujourd’hui ils très friands de chocolat noir de Belgique. Il y a encore beaucoup d’opportunités. »