Des magasins de proximité autonomes remplacent de plus en plus de restaurants d’entreprise. En partenariat avec Albert Heijn et Delhaize, Selecta troque son statut de leader du marché des solutions de café contre celui de leader de la foodtech. « Le potentiel est gigantesque. »
Vivier vaste
La pandémie a complètement bouleversé le marché de la restauration d’entreprise. Les restaurants avec personnel deviennent impayables pour des entreprises dont les employés télétravaillent deux jours par semaine. La technologie offre une solution : les frigos intelligents et les magasins de proximité sans personnel remplacent les restaurants d’entreprise. Selecta, jusqu’à récemment essentiellement un distributeur de café, s’attaque désormais aux acteurs traditionnels de la restauration avec des concepts innovants. Par pure nécessité, explique Tim Goossens, Market Leader pour le Benelux : « Nous avons dû innover tambour battant. »
Car l’arithmétique est claire : « Des gens qui passent cinq jours au bureau consomment environ vingt boissons chaudes par semaine aux Pays-Bas, une quinzaine en Belgique. S’ils télétravaillent deux jours par semaine, vous vendez déjà six boissons chaudes de moins par employé en Belgique, huit aux Pays-Bas. Et le télétravail ne va pas disparaître à court terme. » La croissance saine de Selecta doit donc venir de la foodtech : « Nous évaluons ce marché à environ 2 milliards d’euros en Belgique et 3,5 milliards aux Pays-Bas. C’est un vivier beaucoup plus vaste que le marché de la distribution automatique, qui pèse quelque 400 millions d’euros en Belgique et 900 millions d’euros aux Pays-Bas. »
Repas vapeur
Aujourd’hui, Selecta propose trois concepts. La formule d’entrée de gamme a pour nom Grab&Go : « Il s’agit d’un frigo intelligent dont nous sommes le distributeur exclusif. Vous vous identifiez par le biais de l’application ou d’une carte de paiement. Vous pouvez ensuite ouvrir le réfrigérateur qui est rempli d’aliments frais comme des wraps, des salades, des hamburgers, des sandwiches… Tout produit que vous sortez est automatiquement enregistré sur la base de son poids. Ce que vous tenez en mains au moment où vous refermez la porte est facturé. »
Le deuxième concept, Scan&Go, est une sorte de petit supermarché pour environnements de travail, généralement associé à une marque de café haut de gamme comme Starbucks. Ici, vous devez prendre les produits dans les rayons, les scanner et payer à une caisse en libre-service. Il y a un rayon d’aliments secs avec les snacks habituels – gaufres, chips, nouilles… – et un rayon réfrigéré. « Certains clients choisissent encore le micro-ondes classique pour réchauffer les plats, mais nous proposons une solution plus intéressante avec un four à vapeur et un assortiment de 32 plats dotés d’un code QR lu par l’appareil. En 30-40 secondes, vous obtenez un repas vapeur. à la fois très savoureux et très sain. La formule remporte un énorme succès. »
Dernier mile
Aux Pays-Bas, ces magasins s’appellent Albert Heijn to go. En Belgique, ce sont des Delhaize shop&go. L’assortiment est fourni par les retailers. « Aux Pays-Bas, nous avons choisi de travailler avec Albert Heijn, le leader du marché. En Belgique, nous avons préféré Delhaize parce que nos activités sont nationales. Ce partenariat est intéressant pour les retailers parce que nous sommes des experts du dernier mile vers ces clients. Nous comptons quelque 250 joy ambassadors en Belgique – pour 350 aux Pays-Bas – qui approvisionnent chaque jour les distributeurs automatiques et les magasins. Ils passent commande la veille. Albert Heijn et Delhaize nous livrent tous les matins vers 5h30, et tous les sites sont réapprovisionnés avant 10h. Nous pouvons ainsi garantir ainsi la disponibilité d’aliments frais 24 heures sur 24, sept jours sur sept. »
Selecta ne dispose encore qu’un seul exemplaire du troisième concept, le plus exclusif, dans toute l’Europe : sur le Campus Corda à Hasselt, un grand centre d’entreprises où travaillent quelque 5 000 personnes. C’est le mini-supermarché du futur : il fonctionne à peu près comme un Amazon Go ou un Okay Direct. Vous entrez avec une carte de paiement ou une application et vous n’avez pas besoin de scanner quoi que ce soit : le système enregistre vos achats par le poids des produits et une reconnaissance vidéo, il vous identifie au portail de sortie, un montant s’affiche, vous appuyez sur OK et vous pouvez quitter le magasin. Le paiement est automatique. Le magasin peut accueillir jusqu’à quinze clients à la fois et est ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Snacks plus sains
« Il est évident que cette solution ne convient pas à tous les bureaux, mais le campus avait vraiment besoin d’un tel concept. On y trouve des établissements horeca, mais leurs plages d’ouverture sont limitées. Nous avons inauguré le magasin en mars de l’année dernière. Le client en est très satisfait, et nous aussi. Le deuxième magasin de ce type ouvrira bientôt ses portes dans un grand hôpital de Lucerne, en Suisse. »
Et qu’en est-il de l’assortiment ? Des retailers comme Albert Heijn et Delhaize attachent une grande importance à la santé, alors que les distributeurs automatiques sont souvent associés aux sucreries. La situation évolue-t-elle ? « À la demande des médecins du travail, nous introduisons des snacks plus sains dans notre gamme, mais les classiques comme Coca-Cola et Mars restent incontournables. Il s’agit aussi de plaisirs coupables. La tendance à l’alimentation saine est en revanche très présente dans le frais : là, nous proposons beaucoup de salades et de fruits. Cet assortiment plus actuel s’inscrit également dans la “guerre pour le talent” : aujourd’hui, les employeurs veulent être sexy. Lorsque des collaborateurs viennent au bureau, vous voulez leur proposer une expérience agréable. Et des aliments frais en font partie. »
Déjà 200 sites
Aujourd’hui, Selecta veut continuer à conquérir ce marché. Les grands acteurs traditionnels de la restauration d’entreprise comme Compass, ISS, Sodexo et Aramark tentent de défendre leurs positions, mais ils ont largement raté le train de la foodtech, affirme Tim Goossens : « De nombreux clients avec 150 à 200 collaborateurs qui n’achètent actuellement que des boissons chaudes, des boissons non alcoolisées et des snacks chez Selecta sont toujours coincés par un contrat de restauration dont ils ne peuvent pas se défaire. Mais dès que ce contrat aura expiré, nous nous jetterons dans la brèche : nous installons actuellement deux ou trois nouveaux sites avec des aliments frais chaque semaine. Nous avons commencé il y a un an et demi et nous comptons déjà un peu plus de 200 sites dans le Benelux. »
D’ici 15 mois, les aliments frais représenteront 25% de l’activité de Selecta. « L’avantage est que nous disposons d’une base de clients fidèles. Notre taux de rétention est très élevé : 99% des entreprises qui sont clientes en début l’année le sont encore l’année suivante. Le potentiel est gigantesque. »
À propos de Selecta
Le groupe Selecta, dont le siège est installé en Suisse, est présent dans 16 pays européens. Il est numéro un ou numéro deux dans la plupart des pays où il est présent. « Nous sommes un distributeur de grandes marques. Dans le café, ce sont avant tous nos marques propres Miofino et Roode Pelican – Pélican Rouge. » Cette marque anversoise, l’une des plus anciennes d’Europe puisqu’elle a soufflé ses 160 bougies, appartient au groupe depuis 1863. Selecta est également distributeur de Starbucks, Lavazza, Nescafé et Illy.
L’entreprise compte près de 45.000 distributeurs de boissons chaudes en Belgique, pour 60.00 aux Pays-Bas. Vous les trouverez dans l’horeca, dans des lieux publics et semi-publics ainsi que dans le privé. « Nous sommes particulièrement présents dans le segment “on the go” : nous livrons notre café dans 95% des stations-service en Belgique et aux Pays-Bas. »