En 2024, Carrefour Belgique sera à nouveau rentable, affirme le PDG Geoffroy Gersdorff, qui revient sur une année 2023 forte et tend la main à ses fournisseurs : « C’est le moment de travailler ensemble de manière constructive. »
Sur la bonne voie
Carrefour vient d’annoncer ses résultats financiers pour l’ensemble de l’année 2023. En Belgique, le distributeur a enregistré une croissance des ventes de 9 % : 11,3 % au premier semestre, 7 % au second. « Cela fait maintenant six trimestres consécutifs que nous sommes en croissance. La dynamique est positive », déclare M. Gersdorff, lors d’un entretien avec RetailDetail.
« Il est important de noter que nous ne progressons pas seulement en termes de chiffre d’affaires, mais aussi en termes de volumes vendus. Il ne s’agit donc pas d’un simple effet d’inflation. Nous gagnons également des parts de marché avec nos trois formats de magasins, Hyper, Market et Express ». Le score NPS, qui mesure la satisfaction des clients, a atteint un niveau record à la fin de l’année dernière. Bref, après la première année du plan stratégique Carrefour 2026, le distributeur alimentaire est sur la bonne voie : « En 2024, nous serons à nouveau rentables ! Cela demandera encore de gros efforts, mais la tendance est bonne. »
Le facteur Delhaize
La question qui se pose évidemment est de savoir quel a été l’impact du facteur Delhaize sur ces résultats positifs. « En mars et en avril, ça nous a évidemment aidés. Nous avons vu dans nos chiffres un pic temporaire, mais nous gagnions déjà des parts de marché avant la crise chez Delhaize et nous continuons à en gagner ces dernières semaines », souligne M. Gersdorff.
« La base de comparaison en 2024 sera un challenge, surtout en mars et avril. Mais nous avons un plan d’action et continuons à déployer notre plan stratégique. Nous allouons plus de 50 millions d’euros à l’amélioration de nos magasins, en tenant compte des commentaires de nos clients. Chaque semaine, nous avons plus de 3 000 interactions avec les clients. Ils posent des questions, formulent des réclamations… Cela nous aide à bien définir nos priorités ».
Le pouvoir d’achat reste la principale préoccupation
Carrefour récolte les fruits de toute une série d’initiatives, comme l’accent mis sur son offre de marques privées : « Nous n’avons jamais vendu autant de produits Carrefour : un produit sur deux que nous vendons dans nos magasins est une marque maison. Nous avons l’offre la plus large de Belgique avec 3 300 références, 30 % moins chères que les marques nationales. » Ces produits traduisent aussi parfaitement la transition alimentaire : ils contiennent désormais moins de sel, moins de sucre, moins d’emballage…
Les actions pouvoir d’achat n’ont pas non plus manqué leur cible, selon M. Gersdorff. « L’offre de fruits et légumes à moins d’un euro a fait son chemin. Nous en sommes à la sixième vague de baisses de prix. Nous négocions abondamment avec nos fabricants. Toutes les réductions que nous obtenons de nos fournisseurs, nous les répercutons sur les consommateurs. Le pouvoir d’achat reste la principale préoccupation de nos clients. Nous luttons chaque jour contre l’inflation. »
Pas de rayons vides
Cela conduit parfois à des discussions avec les fabricants de marques. Non pas que Carrefour n’accepte pas les hausses de prix : « L’huile d’olive devient plus chère, le chocolat aussi, nous le comprenons, il n’y a pas de problème. Mais parfois, il n’y a pas de lien crédible entre la demande et la réalité. Malheureusement, nous avons encore des discussions, comme avec PepsiCo, et nous devons parfois prendre des décisions difficiles. Nous ne devons pas toujours acquiescer. Mais ce n’est pas si exceptionnel, nos collègues font parfois de même. Les discussions se déroulent au niveau européen et il n’y a pas encore d’accord. Mais à toutes fins utiles, nous avons plus d’accords et de contrats que de discussions en cours. Et nos rayons ne sont pas vides. »
« Nous voulons apporter encore plus de produits belges, sains et durables », a déclaré le PDG. « Nous voulons aussi soutenir les marques nationales, car elles sont en grand danger. Nous avons non seulement la plus grande offre de marques de distributeur, mais aussi de marques nationales. Nous pouvons être leur meilleur partenaire, nous théâtralisons leurs innovations dans nos magasins, nous leur donnons de la visibilité, nous organisons des promotions… Mais elles doivent rester abordables et apporter une valeur ajoutée par rapport à nos propres marques. Vendredi, nous organiserons un forum avec 400 fournisseurs. C’est le bon moment pour travailler ensemble de manière constructive ».
Des choix pointus
Pour redevenir rentable, Carrefour fait des choix plus tranchés. « Nous avons arrêté certaines activités – pensez au magasin Carrefour Bio ou à la Simply You Box – afin de libérer des ressources pour des priorités telles que la logistique, la numérisation, l’efficacité. Nous prenons des décisions basées sur des données et non sur notre intuition. Par exemple, nous adaptons l’assortiment par magasin : un Express près d’une école a un assortiment différent d’un Express près d’une station de métro. Nous coopérons également plus étroitement au niveau du groupe, non seulement pour les négociations, mais aussi en termes de numérisation, par exemple. Nous échangeons les meilleures pratiques, ce qui nous permet de devenir plus forts et d’aller plus vite ».
Mais en fin de compte, Carrefour doit faire la différence dans les magasins, c’est la conviction du CEO. Pour renforcer cette prise de conscience parmi le personnel du siège, le comité exécutif et certains collègues visitent les magasins intégrés tous les vendredis et les franchises tous les samedis. « C’est une grande motivation. »
Plans d’action par magasin
« Tous les magasins intégrés ne sont pas encore rentables, mais nous travaillons avec nos partenaires sociaux sur la meilleure façon de les rendre à nouveau rentables. Nous avons nos idées à ce sujet. Je préfère toujours un dialogue constructif plutôt qu’un plan à prendre ou à laisser ». Franchiser tous les magasins, comme Delhaize, n’est pas une option pour Carrefour : « Il est important pour nous, en tant que franchiseur, d’avoir nos propres magasins : comme magasins pilotes, pour tester des concepts commerciaux et pour parler le même langage que nos franchisés. »
Des fermetures suivront-elles ? « Nous avons de nombreux plans d’action, magasin par magasin, avec un calendrier. Nous allons faire de notre mieux pour résoudre tous les problèmes, mais je ne peux pas accepter que nos franchisés paient pour les magasins intégrés. Chaque magasin doit trouver sa propre rentabilité. L’année dernière, nous avons constaté une tendance positive dans la plupart des magasins, mais ce n’est pas encore suffisant. »
Un positionnement unique
Une nouvelle expansion est également prévue cette année. « Nous prévoyons une vingtaine d’ouvertures, la plupart dans les centres-villes avec Express. Nous poursuivons le déploiement des distributeurs automatiques BuyBye, notamment dans les Carrefour Market. Un autre domaine de croissance est la poursuite du développement de notre commerce électronique, une troisième opportunité est le b2b : avec une équipe dédiée, nous travaillerons sur les PME et le secteur horeca. Nous sommes à peine présents dans ces secteurs jusqu’à présent, mais nous y voyons une opportunité intéressante. C’est un monde à part que nous devons apprendre à mieux connaître. »
« Carrefour est plus fort qu’il y a un an », conclut M. Gersdorff. « Nous sommes prêts pour 2024. » Pourtant, le distributeur doit encore travailler dur sur son identité en Belgique, reconnaît-il. « Nous sommes présents dans tous les villages et toutes les villes du pays. Mais si les gens ne viennent faire leurs achats chez nous que parce que nous sommes proches, ce n’est pas suffisant. Nous avons une position unique en Belgique avec nos quatre formats, nos propres marques, notre carte Bonus… Nous devons continuer à répéter qui nous sommes. C’est essentiel. C’est ce que nous allons faire avec une nouvelle campagne de marketing, bientôt ».