Le partenariat stratégique en période d’inflation et de guerres des prix : c’est loin d’être facile, mais les six intervenants du Trade & Shopper Marketing Congress de RetailDetail et LD&Co ont partagé avec les plus de 100 participants des analyses éclairantes et des exemples inspirants. Un bref récapitulatif.
« Les détaillants n’ont pas besoin de conseils en rayonnage »
Trade & Shopper Marketing, à quoi bon, finalement, à l’heure où seul le court terme compte ? Les détaillants et les fabricants peuvent-ils réellement dépasser la relation purement transactionnelle et conclure des partenariats stratégiques ? Le président de cette journée, Luc Desmedt de LD&Co, a donné le coup d’envoi en soulevant quelques questions pertinentes et en présentant les résultats d’une enquête exclusive. Des conclusions remarquables en sont ressorties.
Nous y reviendrons en détail ultérieurement, mais nous pouvons d’ores et déjà souligner ceci : avant de parler de partenariat stratégique, les détaillants exigent un accord commercial. Une information utile à l’approche des négociations de fin d’année. Autre particularité : les détaillants ont parfois une piètre opinion des capacités des fabricants. Il y a apparemment un fossé entre les attentes et la réalité. Promotions sur mesure ? Les fabricants obtiennent zéro sur 100. Analyses de prix ? Un échec cuisant. Et, pour ce qui est des plans de rayonnage, les détaillants alimentaires peuvent le faire eux-mêmes, merci.
Quel détaillant est le plus ouvert aux partenariats stratégiques ? Jumbo, apparemment. Plutôt logique, le nouveau venu ne connait pas encore suffisamment le marché belge. Et qui a le plus d’expertise ? C’est encore et toujours Colruyt. Rendez-vous la semaine prochaine pour en savoir plus !
« Ce n’est qu’un début ! »
« Les consommateurs paient désormais plus par mois pour les factures énergétiques que pour leurs courses. 39 % des ménages ont du mal à joindre les deux bouts. Le comportement est donc en train d’évoluer », a indiqué Davy Van Raemdonck, de GfK. En Belgique, les ventes de produits de grande consommation sont sous pression : les volumes baissent en raison de l’inflation élevée. Les acheteurs commencent à rétrograder et achètent également moins de catégories. « Et ce n’est qu’un début », semble-t-il, car pour l’instant ce déclin est encore principalement alimenté par les classes supérieures, qui consomment davantage hors domicile.
Les marques de distributeur ont de nouveau le vent en poupe, tandis que les marques A et les marques haut de gamme perdent des acheteurs au profit des hard discounters et des marques de distributeur. L’intensité des promotions diminue, la quantité minimale à acheter en promotion augmente pour les marques de distributeur. Et tandis que les hypermarchés et les supermarchés vacillent, les hard discounters et les magasins de proximité gagnent à nouveau des parts de marché. Le commerce électronique stagne, mais les achats transfrontaliers sont en plein essor. En France, en effet.
« Il y a les plombiers et il y a les champions »
La question des prix est une priorité majeure pour tous les acteurs du marché aujourd’hui. Alors que certaines entreprises improvisent et ne réparent le tuyau que lorsqu’il fuit, d’autres se préparent depuis longtemps et sont aujourd’hui bien armées, souligne Miguel De Witte, de StepUp RGM. L’arme pas si secrète ? Le Revenue Growth Management, ou RGM.
Quelques conseils ? Développer l’art et la science de la tarification. Repenser le produit et l’emballage pour éliminer les seuils de prix. Adapter les plans de promotion. Et, surtout, prendre les choses en main sans attendre ! Dans la recherche du point de prix optimal, il est essentiel de comprendre la dynamique entre l’élasticité de son prix de base et l’élasticité de son prix promotionnel.
« Personne ne nous attendait »
Pauwels fait la course dans le cyclocross. Et dans le rayon des sauces, qui ne sera plus jamais le même après l’invasion du fabricant. Le leader du marché de la friture, également un important fabricant de marques propres, a compris que la catégorie somnolente des sauces avait bien besoin d’un vent d’air frais et a élaboré un plan bien ficelé. Mais les sièges des chaînes de supermarchés ne l’entendaient pas de cette oreille.
Il fallait donc changer son fusil d’épaule : adopter une approche bottom-up, miser sur les entrepreneurs indépendants et les challengers comme Jumbo, qui ont effectivement manifesté leur intérêt. Soudainement, les choses se sont accélérées : « Fin 2021, nous avions déjà convaincu 5 détaillants et 250 indépendants. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 1 500 magasins », ont déclaré Mark Cardon et Koen Torfs. « Et, maintenant, ce sont les détaillants qui nous sollicitent. » La marque est également présente chez Quick.
Les partenaires commerciaux apprécient la mentalité de start-up et l’approche originale de Pauwels, les responsables de catégories sont devenus les ambassadeurs de leur entreprise. Le fabricant ne suit pas un plan de promotions national immuable mais de plans personnalisés par détaillant. Les supermarchés peuvent obtenir des saveurs exclusives. Grâce au géociblage, Pauwels approche les PRA autour de chaque magasin par voie numérique. Son défi consiste maintenant à faire rapidement passer son marketing au niveau supérieur pour continuer à se développer.
« Le Covid, un cadeau du ciel »
« Lorsque nous avons lancé la catégorie de cuisines du monde, personne ne nous attendait non plus », a déclaré Stéphanie Teetaert, de Pietercil Delby’s. Le « courtier alimentaire » a avancé par petits pas, sans étude de marché, sans chiffres, mais avec un portefeuille de marques soigneusement établi et la volonté résolue de créer un rayon lisible. Le concept a profité du Nouvel An chinois pour faire sa première percée. Un événement qui est aujourd’hui bien établi et qui représente plus d’un millier de displays chaque année.
Et puis, la pandémie est arrivée : les consommateurs se sont mis à la cuisine et recherchaient de l’inspiration et de la variété. « Le Covid a été un cadeau du ciel. » Pietercil opte résolument pour une approche axée sur le client, en organisant le rayon de façon claire par type de cuisine et en misant sur les placements secondaires dans les catégories de produits frais, constatant que 75 % des achats sont planifiés. La future croissance doit provenir de l’augmentation de la fréquence d’achat. « Il faut toujours se poser la question : qu’en penserait l’acheteur ? Nous entrevoyons encore de nombreuses opportunités car la cuisine du monde est saine, facile, abordable et diversifiée. »
« La marque A comme point d’ancrage »
« Nous sommes l’inventeur du discount, mais aussi le roi de la proximité avec nos 440 magasins », a déclaré Natalie Duthoy, d’Aldi. Chez Aldi, pas besoin de se casser la tête : 1 800 références, 90 % de marques propres et de la qualité, rien que de la qualité. Pour mieux répondre à l’évolution rapide des attentes des consommateurs, l’entreprise a revu son organisation des achats. « Nos responsables des achats étaient également les responsables produits, c’était un travail ‘deux-en-un’. Il y a trois ans, nous les avons convertis en responsables de catégories. »
L’éventail des tâches a changé : les responsables de catégories réévaluent en permanence la gamme en fonction des acheteurs, sur la base des tendances, des besoins, des remarques et des données. Une stratégie qui suit un processus établi qui a été clairement expliqué. Quelques exemples ? « Nous organisons les rayons de manière à ce que les clients s’y retrouvent rapidement, en utilisant parfois la marque A comme point d’ancrage. Auparavant, les cubes de salami étaient aux côtés du salami et les cubes de fromage aux côtés du fromage. Désormais, nous avons un rayon apéro. Rien qu’en déplaçant les produits, nous avons enregistré une croissance à deux chiffres. Grâce à une analyse comparative, nous avons découvert que la crème fraîche épaisse et le beurre salé faisaient défaut dans la gamme. »
Aldi entretient des relations durables avec de nombreux fournisseurs et développe des gammes grâce à un étroit travail de collaboration. Cela a permis au discounter de développer contre vents et marées sa marque de vin, Ballaturi. Chez VDB Frozen Food, Aldi a trouvé des glaces hypocaloriques aux arômes de fruits. Et, en partenariat avec Tomeco, la chaîne a lancé la pastèque belge, une grande première. « Un réel succès. Nous augmenterons encore plus la capacité l’année prochaine. »
« Et vous, établissez-vous des partenariats stratégiques avec les fabricants de marque ? » Une question de la salle. La réponse était claire : « Non. »