Faux burgers, magasins urbains, et un nouveau venu très attendu ont donné le ton en 2019. Pour les fabricants de produits de grande consommation et les foodretailers, cette année ne fut pas un grand cru, mais plutôt une année difficile et stressante.
En effet, 2019 se caractérise par une stagnation des volumes et une concurrence accrue, marquée parfois par de remarquables vagues d’actions promotionnelles et incitations par les prix. Néanmoins, l’année écoulée a aussi apporté son lot d’innovations ainsi qu’une attention croissante à la durabilité. Petite rétrospective :
Le Danger Jaune
Vous ne pouvez pas l’ignorer : le lancement d’un nouveau concurrent a constitué le fil conducteur de l’année écoulée. Bien qu’il y a un an, Filet Pur avait déjà nommé 2018 comme étant « L’année du Danger Jaune », puisque toute cette année-là, on n’a guère parlé d’autre chose que de l’arrivée (possible) de Jumbo. Et maintenant que c’est le cas, 2020 sera réellement l’année de vérité pour le nouveau venu : les trois premiers magasins doivent confirmer leur position et douze nouveaux magasins sont encore à venir, presque tous dans des lieux déjà surpeuplés de concurrents. L’accord récent passé avec Hema montre que le retailer est sérieux. 2020 sera donc aussi l’année décisive pour la concurrence : qui encaissera les coups les plus durs ? Qui devra fermer des magasins ?
Colruyt ne s’est dès le départ déjà pas senti concerné : le discounter a répondu de manière appropriée aux premières attaques de Jumbo et ne voit pas vraiment sa promesse des prix les plus bas menacée pour le moment. Les chiffres ont été excellents toute l’année (bien que cela ne se soit jamais suffisant pour les investisseurs), tous les magasins ont été équipés d’étiquettes de prix électroniques et les fonctions de la carte Xtra ont encore été élargies. Le détaillant souhaite maintenir son avance en matière de commerce électronique et investit donc, entre autres, dans un nouveau site Web, un assistant vocal et un nouveau centre de distribution e-commerce. CRU s’est installé à Anvers et l’arrivée d’un quatrième magasin est annoncée à Dilbeek.
Un marché extrêmement difficile
Le numéro trois, Carrefour, suscite davantage d’inquiétudes : le plan de transformation ne porte pas ses fruits pour l’instant, les chiffres se révèlent encore et encore décevants. Le distributeur n’a pourtant cessé d’innover à un rythme effréné : avec un magasin bio, le service de livraison à vélo ShipTo, l’intégration des Carrefour Cafés dans toujours plus de magasins, la conclusion d’un partenariat avec Medi-Market, l’ouverture et la rénovation de très nombreux magasins (mais aussi des fermetures), l’arrivée d’une nouvelle génération des magasins de proximité Carrefour Express et des nouveaux magasins urbains Carrefour City… Il a même lancé une offensive de prix (certes limitée) l’automne dernier.
Le secrétaire général Geoffroy Gersdorff a informé le journal De Tijd que l’année prochaine, Carrefour voulait en effet renouer avec la croissance, et ce, dans un marché « extrêmement, extrêmement difficile ». Beaucoup spéculent sur un possible rapprochement entre Carrefour et Casino, mais de quoi sommes-nous vraiment curieux ? De savoir si l’année prochaine Carrefour va aussi lancer en Belgique sa formule discount Supeco, active dans le nord de la France…
Politique d’annonce
Alors que Jumbo n’a officialisé l’ouverture que de trois agences, Ahold Delhaize s’est montré plus ambitieux : la prédiction de RetailDetail selon laquelle Albert Heijn ne disparaîtrait pas du marché belge après la fusion semble s’être révélée exacte. Les partenaires de la fusion font encore preuve d’une audacieuse ambition : ouvrir 350 nouveaux magasins en trois ans. Albert Heijn est toujours dans les temps, mais l’annonce de Delhaize n’était-elle pas un peu exagérée ?
La stratégie « bon flic/mauvais flic » que le groupe de fusion semble poursuivre est assez singulière. Albert Heijn s’est forgé une réputation de bagarreur, en proposant du lait à 55 cents le litre et une offre de 1 +2 gratuits très discutée. En partie à perte, et donc illégal, selon l’Inspection économique. Delhaize mise sur la santé, la durabilité et la proximité en innovant avec la formule, entre temps primée, Fresh Atelier, mais n’a pas encore réussi à convaincre avec les chiffres. L’exécution reste le point douloureux, tant dans la chaîne d’approvisionnement que dans les magasins. Un nouveau plan doit maintenant (encore une fois) apporter un peu de répit.
Discounters cohérents
Les hard-discounters restent dans le prolongement de ces dernières années. Aldi (avec un nouveau PDG aux commandes) a surpris amis et ennemis avec le lancement d’une action d’épargne : les clients pouvaient collecter des émojis. Cela s’est avéré être un succès. Pour continuer à se développer en Belgique, la chaîne doit convaincre davantage d’acheteurs occasionnels, et de préférence aussi les familles avec enfants. Son action avec ses propres « boîtes pour bébés » et ses « batailles » dont le but est de prouver que les marques Aldi sont aussi bonnes que les marques A, beaucoup plus chères, suivent la même logique. Les points forts sur le plan international pour le détaillant : son très attendu démarrage en Chine et le rapprochement croissant entre Aldi Nord et Aldi Süd.
Lidl a abandonné la vente de vin en ligne, a élargi son service de livraison à vélos, a lancé un service de retrait et a fait l’actualité avec une campagne remarquable pour ses produits frais. Dans plusieurs pays européens, le discounter est en train de déployer son application de paiement Lidl Pay off, tout comme l’application de fidélité Lidl Plus. Mais pour l’instant, cela n’est pas encore arrivé chez nous. De l’autre côté de la frontière linguistique, Intermarché emprunte une voie solide en mettant l’accent sur les produits frais et les vagues d’actions promotionnelles. De plus, les Mousquetaires veulent maintenant aussi envahir les centres-ville avec leur formule Intermarché Express.
Passer de niche à tendance
C’est une vraie tendance, puisqu’outre Intermarché Express et Delhaize Fresh Atelier, nous avons vu beaucoup de mouvement dans le segment des magasins urbains : Franprix, la nouvelle génération de Carrefour Express 3.0 et le tout nouveau Carrefour City visent également les citadins pressés. Les magasins entièrement automatisés suscitent aussi l’engouement. Il y a également eu pas mal de mouvement du côté des marchés bios. Surtout à Bruxelles et dans ses environs où ils se bousculent parfois littéralement l’un l’autre : The Barn, Färm et la formule de produits en vrac Brüt by Färm, Be Here, Sequoia, Carrefour Bio, Be O et bien sûr Bio-Planet… Y a-t-il un marché ? Enfin oui : le bio se développe, mais pas en Flandre.
En tout cas, 2019 a été l’année de la fausse guerre du burger : Beyond Meat, Garden Gourmet et Greenway ont eu pour ambition de lancer un faux burger presque indiscernable des vrais et de Vegetarische Slager a gagné un contrat avec Burger King. Dans d’autres catégories de produits, des alternatives 100 % végétales sont également en train d’apparaître. Autrefois, le véganisme était une niche, maintenant il semble être la tendance, devenant graduellement un courant dominant. Tout comme la bière sans alcool : la tendance 0 % a désormais également atteint le segment des bières spéciales.
Nous avons également vécu l’année des livreurs de repas : Ikea, Albert Heijn, Delhaize… Tous sont allés à la mer avec Deliveroo et/ou Takeaway pour la livraison à domicile de repas chauds ou froids sains ou non. Grâce aux honteuses livraisons, de préférence à vélo, comme l’ont fait Lidl Simpl et ShipTo de Carrefour, qui s’est étendu à Anvers. Entre temps, une guerre d’enchères fait rage depuis des semaines à propos de Just Eat.
Et qu’en est-il du commerce électronique dans le secteur de l’alimentation ? Picnic a le vent en poupe et s’attaque maintenant aussi à l’Allemagne, Collect & Go teste la livraison dans la périphérie de Bruxelles, Delhaize a (enfin) commencé à collaborer étroitement avec bol.com et a lancé une stratégie pour les magasins indépendants, HelloFresh voit que le seuil de rentabilité est en vue, et Hopr veut devenir le premier pure player belge. Encore quelque chose à attendre avec impatience l’an prochain…
Tous climatiquement neutres
Les étudiants qui ont fait l’école buissonnière pour le climat ont également inspiré les foodretailers : Geoffroy Gersdorff, Jef Colruyt et Xavier Piesvaux se sont en effet ralliés de manière unanime à l’appel de Sign for my Futur pour une politique climatique plus ambitieuse. Le plastique disparaît des rayons des magasins : on peut voir apparaitre des légumes nus chez Albert Heijn, un ambitieux plan pour le climat chez Delhaize, une vision claire chez Colruyt. Les acheteurs devront s’habituer à voir des sacs réutilisables dans le rayon des fruits et légumes. Les fabricants de marques promettent également les uns après les autres de devenir des entreprises climatiquement neutres. La campagne « N’achète pas Coca-Cola » donner le ton, presque toutes les marques d’eau investissent dans des bouteilles plus durables..
Les thèmes que sont la nutrition et la santé ont également fait couler beaucoup d’encre : la moitié des Belges se révèlent être en surpoids. Les organisations de consommateurs voient un intérêt dans le score nutritionnel : il encourage les fabricants à transformer leurs produits de meilleure façon. Ils préconisent donc son introduction obligatoire au niveau européen. Ce que beaucoup de fabricants ne voient pas d’un bon œil…
Et en ce qui concerne l’Europe : Margrethe Vestager s’est concentrée non seulement sur les « Big Tech », mais aussi sur le secteur des FMCG et les alliances d’achat. Conclusion principale ? Les alliances aux achats sont autorisées, mais la fixation des prix est inadmissible.
Plus d’agitation à venir ?
Des troubles sociaux ont également marqué l’année : chez Coca-Cola, AB InBev, Mondelez, Lutosa, Nutella, Match, dans le Groupe Mestdagh… Et aussi chez Makro, qui maintenant, selon leurs propres mots voit quand même une légère amélioration. Mais cela sera-t-il suffisant ? La formule a-t-elle encore sa place au sein de la société mère Metro qui réinvente ? C’est également une question à laquelle nous pourrions obtenir une réponse définitive l’année prochaine.
En tout cas, si la pression continue de se maintenir, il se pourrait bien que nous n’ayons encore rien vu en termes d’agitation sociale, cette année. Il est possible que d’autres entreprises se voient contraintes d’intervenir pour préserver leurs marges. Cela peut conduire à des fermetures ciblées de magasins, à une demande d’horaires de travail encore plus flexibles, à des heures d’ouverture encore plus longues, à des ouvertures le dimanche… et nous savons comment les syndicats réagissent habituellement à cela.
Et à cela s’ajoute encore un autre facteur : une véritable « guerre des talents » a lieu en ce moment dans le commerce de détail. D’innombrables postes aussi bien en magasins que dans les sièges sociaux peinent à trouver preneurs. Les détaillants en alimentation recherchent des moyens originaux pour recruter des candidats : ces derniers pouvaient par exemple se rendre chez Lidl pour prendre le petit déjeuner ou participer à des sessions de recrutement « late night ». Chez Delhaize, ils étaient invités à cuisiner avec Sophie Dumont. Jumbo éprouve aussi visiblement du mal à compléter ses équipes dans ses magasins belges, surtout dans les régions où le chômage est quasi inexistant. Le message pour 2020 est clair : faire du commerce alimentaire un endroit où il fait, à nouveau, bon travailler…