Gorillas se retire de six villes aux Pays-Bas. Précédemment, le service de livraison flash avait déjà jeté l’éponge en Belgique et dans plusieurs autres pays. Le concurrent Zapp se retire également des Pays-Bas. L’histoire des livraisons rapides touche-t-elle à sa fin ?
Jumbo aurait-il commis une erreur ?
Après une « évaluation minutieuse des différentes options stratégiques », Gorillas quitte six villes hollandaises : Almere, Hilversum, Apeldoorn, Breda et Enschede. Le service de livraison rapide reste donc présent dans onze villes aux Pays-Bas, notamment dans les grandes villes comme Amsterdam et Leyde. L’entreprise allemande de livraison des courses avait pourtant assuré que les Pays-Bas seraient un marché clé, l’un des cinq marchés principaux après une rationalisation internationale à grande échelle.
La marche arrière aux Pays-Bas est surprenante, Gorillas ayant conclu un partenariat stratégique en début d’année avec Jumbo. Le service de livraison flash livre les produits de la chaîne de supermarchés, qui y voit un moyen de jouer sur le marché en plein essor de la livraison. Jumbo livre déjà des produits d’épicerie à domicile, mais pas des achats impulsifs rapides ou des produits de dépannage. Grâce à Gorillas, c’est possible. Mais Jumbo aurait-il commis une erreur ?
Problèmes avec les villes
Selon Gorillas, les six villes ne sont pas rentables. Les coûts pour les dark stores et les coursiers sont élevés, tandis que le nombre de commandes dans les petites villes reste trop faible. Il y a aussi des problèmes d’image et de réglementation qui jouent contre les entreprises de livraison flash : le concurrent Zapp a récemment annoncé qu’il quitterait complètement les Pays-Bas en raison de « l’incertitude réglementaire persistante ».
De plus en plus de villes interdisent les dark stores, ces entrepôts urbains à partir desquels les coursiers livrent les marchandises, car ils seraient à l’origine de nuisances. Les dark stores devant être situés au plus près du consommateur pour pouvoir assurer la livraison en 15 minutes, ils sont souvent installés dans des rues commerçantes ou des zones résidentielles. Mais avec leurs fenêtres occultées et une armée de coursiers à leur porte, ils n’embellissent généralement pas le paysage urbain. En outre, la question juridique concernant leur statut de magasins ou d’entrepôts (industriels) complique les demandes de permis.
Mauvais moment pour les aventures
« La croissance durable » reste très difficile pour les services de livraison rapide, ce qui explique aussi les nombreux rachats et consolidations sur ce marché encore très jeune. Ils ont la malchance d’émerger à un moment où les investisseurs boudent les entreprises de commerce électronique rapide et leur tendance à brûler des années de liquidités avant de devenir, peut-être, quelque peu rentables.
Just Eat Takeaway l’a reconnu après l’acquisition ratée de GrubHub : « Tout est une question de chiffres », il faut avoir une échelle suffisante pour avoir une chance, profit mis à part. L’échelle est même si importante que l’Europe commence à craindre la monopolisation sur le marché de la livraison : pour survivre, les plateformes de livraison de repas semblent devoir se partager les pays, chacune ayant son territoire.
Néanmoins, même un « vétéran » sur le marché de la livraison comme Just Eat Takeaway essuie une perte d’un milliard d’euros. Ça ne date pas d’hier, mais les actionnaires commencent soudainement à grincer des dents, note le fondateur, Jitse Groen. C’est maintenant les livreurs flash, qui ont encore tout à prouver, qui paient le prix de la méfiance des investisseurs envers les risques et le commerce rapide.
Une leçon d’humilité
Est-ce déjà la fin de l’histoire pour Gorillas et tous les autres ? Peut-être pas, mais ce ne sera pas le départ fulgurant qu’ils espéraient, et que les détaillants alimentaires redoutaient Si la situation est malheureuse pour les coursiers qui continuent à perdre leur emploi, le fait qu’ils utilisent déjà des mots comme « croissance durable » est en soi un signe encourageant. Cela signifie qu’à partir de maintenant, ils seront moins fulgurants et beaucoup plus modestes que ce que laisse entendre leur promesse de livraison « instantanée ».
La croissance durable est une croissance humble. Reste à espérer que les services de livraison flash pourront également proposer des solutions durables pour leurs dark stores urbains et établir des partenariats durables avec le secteur de la vente au détail, afin que leur « quick commerce » ne vire pas à une courte aventure laissant un arrière-goût amer.