La température monte à Davos, Halle et Evere, mais cela ne détend pas l’atmosphère pour autant. Le compte rendu d’une semaine riche en accrochages divers, en fausses promesses climatiques et en campagnes rusées, en exclusivité pour Filet Pur.
Sous la douche
On pourrait s’attendre à ce qu’un influenceur et chroniqueur de renom comme votre serviteur soit convié en grande pompe aux agapes enneigées du forum économique mondial de Davos. Détrompez-vous : les grands de ce monde ont encore manqué une occasion unique de découvrir des analyses ultrapointues et des angles originaux. Les médias flamands ne commettent heureusement pas cette erreur. Car quand son téléphone sonne aux aurores alors qu’il est encore sous la douche, un expert autoproclamé du retail sait de quoi il s’agit : la radio a besoin de lui.
Oui, la radio cultive une espèce rare : journaliste et lève-tôt, ce n’est pas très courant dans la nature. Mais la matinale de Radio 1 a manifestement réussi à mettre la main quelques exemplaires, et ils cherchaient une opinion parfaitement étayée sur une nouvelle escalade dans le monde fascinant de la grande distribution. Il faut dire qu’elle avait pour enjeu leur drogue préférée : le café. Bref, j’ai pu rejouer au correspondant de guerre depuis ma salle de bain, les cheveux mouillés et nu comme un ver. Vous avez manqué quelque chose – quand l’équipe de tournage de VTM Nieuws a débarqué, cet oubli vestimentaire était réparé.
Ordre de Jef
Pour faire court : la hache de guerre est déterrée entre Colruyt et Douwe Egberts. À tel point que le premier a manifestement décidé de retirer les produits des seconds de ses rayons. Une telle lutte de pouvoir entre deux leaders sur leur marché respectif ne peut que mettre le pays en émoi. Même si cela devient la routine pour le discounter de Halle après ses passes d’armes antérieures avec PepsiCo, Nestlé et Mars – entre autres. Colruyt fait ainsi d’une pierre deux coups : le consommateur peut constater aux rayons vides qu’ils vont jusqu’au bout pour garantir chaque jour les meilleurs prix, et les marques savent qu’il leur est inutile de proposer des augmentations de prix, car il n’y en aura pas. Ordre de Jef. Un buveur de thé, ai-je appris de bonne source.
Le ton était donné : 2020 ne sera pas une année de tout repos. Au contraire : l’actualité promet d’être brûlante, et pas seulement sur le plan climatique. Il y a deux semaines à peine, le directeur d’EuroCommerce Christian Verschueren avait prévenu dans une interview accordée à cet inégalable site que la récente bisbrouille entre Coca-Cola et Intermarché pourrait être le signe avant-coureur d’autres empoignades similaires. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir son hypothèse confirmée. Et si la Justice française a ordonné de mettre un terme à ces enfantillages, le conflit s’est rapidement étendu : l’alliance d’achat Agecore l’a immédiatement exporté en Allemagne, où les collègues d’Edeka sont à leur tour à couteaux tirés avec le producteur de boissons gazeuses. Il y a donc une réelle chance qu’il franchisse également la frontière belge. Jusqu’à présent, tout est calme dans les rayons des Colruyt. Mais comptez sur nous pour ouvrir l’œil.
Comeback de l’année
Selon un nouveau rapport, Aldi a doublé ses grands concurrents Tesco et Carrefour pour grimper à la deuxième place du classement européen derrière l’indétrônable Lidl l’an dernier. « Les discounters présentent un potentiel presque illimité », peut-on y lire. Ça promet ! Mais en est-on si sûr ? Pas aux Pays-Bas en tout cas, où les hard-discounters sont en difficulté. Leur part de marché est en recul pour la première fois depuis longtemps. En partie parce que Nielsen l’aurait systématiquement surestimée les années précédentes (tiens donc, et on nous chuchote à l’oreille que ce serait le contraire chez nous), mais surtout parce qu’il n’y a qu’un seul vrai gagnant chez nos voisins du nord, où Jumbo a mis tout le monde d’accord. La fête, c’est donc à Veghel.
Au vu des résultats trimestriels, la fin de l’année a été beaucoup moins réjouissante chez Carrefour : le chiffre d’affaires est à nouveau en recul dans les hypermarchés français et belges. Alexandre Bompard est pourtant satisfait : les bénéfices sont bons et les ventes de produits bio s’envolent. De plus, le salut est à portée de main : à Evere, on a récemment vu une étrange silhouette vêtue d’une cape rouge vif virevolter autour de la tour d’ivoire qui sert de quartier général bruxellois au groupe. Ce n’était ni un oiseau ni un avion, mais bien François-Melchior de Polignac, qui venait terminer le travail commencé entre 2013 et 2017. Une arrivée inattendue qui lui vaut immédiatement le titre de « comeback de l’année » (du moins pour l’instant, on ne sait jamais).
Le plastique c’est fantastique
En cette époque de surenchère climatique, la promesse de la semaine nous vient de Starbucks. Cela n’a jamais été notre café favori, mais on ne peut reprocher au groupe américain de manquer d’ambition : son objectif n’est plus d’être climatiquement neutre, mais climatiquement positif. Carrément. Par exemple en produisant plus d’eau potable qu’il en consomme, en stockant plus de dioxyde de carbone qu’il en émet et tout simplement en ne produisant plus aucun déchet. Il leur faudra plusieurs décennies pour y arrive, ont-ils cependant ajouté. Tant qu’il n’est pas trop tard. Il faut aussi qu’ils arrêtent de facturer 70 cents de plus à ceux qui veulent du lait d’avoine au lieu de lait de vache dans leur cappuccino, estiment les végans – voilà une grave source de pollution.
En ce début d’année, ce ne sont pas les bonnes intentions qui manquent. Mais il reste un facteur qui fait obstacle à une stratégie véritablement durable : vous et moi. Enfin, le consommateur. Parce qu’il n’est pas seulement désespérément têtu, mais c’est aussi… un grand fan du plastique. Vraiment. C’est du moins ce qu’a expliqué Coca-Cola, à Davos encore bien. Promis juré, le producteur de boissons sucrées aimerait vraiment faire partie de la solution. Mais il faut se rendre à l’évidence : les gens ne peuvent pas se passer de leur portion quotidienne de bouteilles en PET. C’est écrit noir sur blanc. Oui, enfin… Certaines mauvaises langues prétendent que le producteur de boissons gazeuses (et de ses collègues) a fondamentalement construit son modèle d’affaires sur le plastique, après avoir tissé une alliance secrète avec l’industrie pétrolière pour ne rien gâter. Les bouteilles végétales, c’est bien. Les gros biffetons, c’est mieux.
Vendredi gras
Mais il n’y a rien à faire : le consommateur n’est tout simplement pas prêt. Et on l’a bien compris chez FrieslandCampina. Afin de répondre à la prise de conscience environnementale des jeunes, les mini-consommateurs peuvent désormais aspirer leur Fristi à travers une paille en papier. Sous vos applaudissements. Ou pas ? La paille est toujours proposée dans un… emballage plastique. La faute à TINA, apparemment. Il n’y a pas d’alternative.
Et puis il y a ça. Sans viande, la fête est plus folle ? On pourrait le croire, puisque si le consommateur est accro au plastique, la viande ne l’attire plus. Chez De Vegetarische Slager (Le Boucher végétarien en VF), on prévoit en tout cas une croissance « exponentielle » du chiffre d’affaires pour les années à venir, en partie grâce à la production de snacks pour friteries sans viande – ce n’est pas parce c’est végan que ça doit être bon pour la santé. D’autres entreprises sautent dans le train en marche, ce qui conduit parfois à des faux pas gênants. Comme celui-ci : alors que tout le pays (ou du moins sa moitié nord) célèbre depuis des années son Jeudi Veggie – désormais avec le sympathique soutien de Carrefour – on se croit plus malin chez Iglo : la marque lance une nouvelle campagne intitulée « No Meat Monday ». En anglais, oui. Parce que la maison mère est britannique, sans doute. Le marketing local, ça leur dit quelque chose ? Il l’ont d’ailleurs jouée fin chez Iglo : durant les lundis sans viande, les bâtonnets de poisson restent autorisés. Ben oui, présenté comme ça, c’est facile. Mais manifestement, la mode du poisson le vendredi est terminée. Dans les bureaux de RetailDetail, nous célébrons en tout cas le Vendredi gras : après quatre jours de soupe maison et de salades du jour, on fait péter les saucisses. Et pas d’abominables ersatz végan. Allez, bon appétit ? À la semaine prochaine !
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