Le retail alimentaire est en guerre. Par des manœuvres sournoises les concurrents tentent de s’évincer mutuellement, comme en témoignent les temps forts de la semaine écoulée, sélectionnés avec soin par RetailDetail Food !
Des regards inquiets
Au siège principal de Colruyt à Hal c’est la déprime totale : depuis mercredi dernier les employés y errent dans les couloirs, avec un regard inquiet et un air abattu. A la cantine le personnel de cuisine est quasiment au chômage vu la perte d’appétit des employés. Par contre, à la machine à café se forment de longues files de silhouettes pâles aux mains tremblantes. Quel contraste avec l’ambiance joyeuse et insouciante qui règne généralement sur le site de Wilgenveld !
Cause de cette morosité ? La publication inattendue d’un folder festif, avec un message pour le moins choquant. En effet, le sympathique concurrent Delhaize a eu la bonne idée d’offrir une multitude de produits gratuits. Histoire de fêter dignement son 150ème anniversaire. Une initiative perfide avec d’énormes conséquences pour Colruyt : si le discounter veut garantir sa promesse du meilleur prix, il devra vendre la moitié de son assortiment à moitié prix. Ce qui ne fera que diminuer les marges, qui étaient déjà en chute libre, tout comme le cours boursier d’ailleurs.
Bientôt les soldes
Mais comme disait le célèbre footballeur Johan Cruijff: ‘elk nadeel heb se voordeel’ (chaque inconvénient a son avantage). Donc, aucun signe de découragement dans le modeste bureau de notre CEO favori, Jef Colruyt. « Nous devons faire pour le mieux, Marc », dit-il méditant, assis sur son bureau dans la position du lotus. « Si plus personne ne veut acheter nos actions, nous n’avons qu’à les racheter nous-mêmes. Vu le cours de l’action, nous ferons une affaire en or. Quelle réduction, on dirait que les soldes ont déjà démarré ! En avant, transmettez les ordres de rachat ! »
Son fidèle CFO remarqua avec effroi une pile d’articles de journaux démolissant la politique du plus bas prix du discounter. « Retirer l’entreprise de la bourse ? Est-ce bien une bonne idée, monsieur Colruyt ? Ne ferions-nous pas mieux de garder cet argent pour une éventuelle reprise à l’étranger ? »
« Je me contrefous de la bourse, Hofman, et l’étranger ne m’intéresse pas. Là-bas ils ne comprennent rien à notre stratégie géniale. Et arrêter de m’appeler monsieur. Chez nous, Monsieur, il n’y a pas de ‘monsieur’ ! »
Une sélection naturelle
Outre Colruyt, les boulangers, bouchers et légumiers ont eux aussi la vie dure. Ces vingt dernières années leurs ventes ont reculé de 40%, au profit des supermarchés, indique l’Unizo. Car plupart des consommateurs n’ont pas de temps à perdre et préfèrent tout acheter au même endroit. Pourtant tout ceci entraîne rarement de pénibles faillites. Il s’agit plutôt d’un processus de sélection naturelle, au cours duquel les chefs d’entreprise, une fois l’âge de la pension atteint, jettent l’éponge faute de successeurs. Les jeunes préfèrent développer des apps.
Cette évolution profite probablement aux hard disounters, qui de plus en plus vendent des produits frais et assurent la fonction de commerce de proximité. Ainsi Aldi, en réponse à la hausse des ventes, se construit un nouveau centre de distribution à Turnhout avec un vaste espace de réfrigération. Coût du projet 50 millions d’euros. Question marges ils ont l’air de bien se débrouiller, mais évidemment chez Aldi ils ne proposent pas le plus bas prix.
Ni chez Ekoplaza d’ailleurs. La chaîne néerlandaise de supermarchés bios a décidé de lancer son webshop en Flandre et entre donc en concurrence frontale avec Bio-Planet. Audace ou présomption ? La frontière est parfois ténue.
Taches tenaces
Parlant de frontière, jetons un coup d’œil au-delà de nos frontières. Des nouvelles peu réjouissantes nous parviennent du britannique Tesco, qui annonce la suppression de plus 2.000 emplois, malgré l’amélioration des résultats.
A Shanghai aussi ils tentent de réduire les coûts salariaux : ils y ont présenté un supermarché mobile entièrement automatisé, ne nécessitant ni personnel ni chauffeur, et écologique en plus, puisque roulant à l’énergie solaire. Eat that, Amazon!
Il est toujours intéressant de suivre d’anciens contacts dans leur carrière internationale. Ainsi cette semaine la presse spécialisée a diffusé un article sur le Français Jean-Baptiste Santoul, un manager passionné que j’ai eu le plaisir d’interviewer plusieurs fois par le passé. Santoul a dirigé la division ‘lessive’ de Henkel au Benelux pendant des années, avant de retourner dans son pays natal. A présent il change de cap et devient directeur de Ferrero France. Son agenda caché me semble clair. Vu les taches tenaces que laisse le Nutella sur les vêtements d’enfants, il pourra au sein de sa nouvelle fonction continuer à soutenir l’industrie des produits lessiviels. Bien vu !
Papier et crayon
Cette semaine les mauvaises nouvelles se sont enchaînées pour le fabricant de snack Mondelez (non, nous n’avons toujours pas trouvé la combinaison de touches du clavier permettant de faire apparaître la petite barre horizontale sur le dernier e). D’abord une grève dans l’usine de Rhisnes (province de Namur), qui fabrique ce divin fromage crémeux Philadelphia. Une restructuration y menace 50 des 431 emplois au total.
Ensuite l’entreprise fut victime de la fameuse cyberattaque, qui a obligé les employés à utiliser papier et crayon, faute de laptops en état de marche. Back to the future, pour ainsi dire.
Et pour comble, il paraît que la digitalisation a des conséquences radicales sur les achats impulsifs, le cœur de métier du fabricant. En effet : lorsqu’ils font la file à la caisse du supermarché, les consommateurs ne voient plus les displays attrayants remplis de friandises, parce qu’ils sont les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone. Conséquence : la vente de chewing-gum est en chute libre, grâce à l’app Facebook.
Promesse solennelle
En outre Mondelez est l’un des nombreux signataires du nouveau ‘Belgian Pledge’, la promesse solennelle des fabricants alimentaires de ne plus faire de publicité envers les enfants pour des friandises. Une initiative qui veut surtout éviter que le gouvernement n’impose des règles strictes. Coca-Cola aussi s’est engagé, alors qu’à l’international le fabricant de sodas est visé par des organisations de consommateurs qui lui demandent de garder la boisson ultra sucrée Capri-Sun hors de portée des enfants.
Les friandises sont bel et bien tombées en disgrâce, comme a également pu le constater Nestlé. Des actionnaires activistes exigent que le groupe se focalise sur des catégories à forte croissance, comme la nutrition infantile et le café, et non plus sur les friandises comme les Smarties et les KitKat. Après quoi le groupe s’est empressé de racheter pour 20 milliards de francs suisses d’actions propres. Comme si cela allait résoudre les problèmes. Demandez à Colruyt.
Désormais Burger King contribuera au problème d’obésité dans notre pays. La chaîne fast-food a ouvert son premier restaurant belge à Anvers et ambitionne 70 établissements à terme. Quant à savoir si les longues files d’attente occasionnées par l’ouverture du restaurant anversois témoignent de la popularité de la chaîne ou d’une cuisine mal organisée, nous n’avons pas encore tranché.
Quant à moi, j’aurais volontiers voulu me rendre à Werchter afin d’y inspecter l’offre ‘catering’ : foodtrucks (Würst!), huîtres, premières moules, wraps, burgers premium, végétarien, sans gluten … quasi toutes les tendances food y seront représentées. Hélas, ayant d’autres obligations, l’un de mes groupes favoris devra se passer de mon soutien moral. Mais ce n’est que partie remise. A la semaine prochaine !
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