Les supermarchés sont des escrocs sans scrupules, à en croire les infos. Cette affirmation ne mérite-t-elle pas d’être quelque peu nuancée ? Non, à peine. Et certainement pas dans Filet Pur, votre portion hebdomadaire de guilty retail pleasure.
Sangsues impitoyables
Vampires, extorqueurs, arnaqueurs, profiteurs sans vergogne. Oui, ces injures s’adressent bel et bien au supermarché belge standard, qui paraît-il, se comporte comme une sangsue impitoyable. Attention, ce n’est pas RetailDetail qui le dit, mais le Belge moyen. Selon une récente enquête, 50% des consommateurs estiment que les chaînes de supermarchés exploitent leurs fournisseurs. Plus de 64% pensent même que les retailers alimentaires extorquent plus particulièrement les agriculteurs. Belle réputation! Bon, nous aurions aimé dans cette rubrique rectifier une bonne fois pour toute cette perception erronée. Vous nous connaissez : toujours à défendre de nobles causes, œuvrant inlassablement dans l’intérêt du retail en géréral et du retail alimentaire en particulier. Mais c’était sans compter sur Albert Heijn, hélas.
Mais bon dieu, pourquoi Appie Belgique a-t-il voulu soudain plonger sous le meilleur prix de Colruyt ? 55 cents pour un litre de lait démi-écrémé, une gifle collective pour les quelques éleveurs que compte encore notre pays. Une insulte pour toute vache laitière, qui pourtant en a vu d’autres. Ont-ils voulu marquer le coup ? Prouver que les prix alimentaires en Belgique ne sont pas nécessairement plus élevés que ceux pratiqués en Hollande (62 cents) ? Ou tout simplement titiller le grand rival, juste pour rire ? Les réactions ne se sont pas fait attendre : ‘scandaleux’, ‘inacceptable, ‘un coup marketing sur le dos des éleveurs’, ‘tout sauf durable’, …
Good cop / bad cop
Et tout cela en ces temps d’école buissonnière pour le climat et de philosophie durable. Rien d’étonnant à ce que les supermarchés constatent une montée en flèche des ventes de produits alimentaires à faible empreinte écologique. La tendance verte passe à la vitesse supérieure, prétendent-ils. Les rayons bios, végétariens, végans, … tous affichent une croissance à deux chiffres. Mais Albert Heijn s’est-il senti visé ? Non, pas le moins du monde. Pourquoi ? Parce qu’en Belgique Appie n’a pas à se soucier d’entreprenariat durable. La répartition des rôles est claire et nette : Delhaize se préoccupe de notre bien-être et de la planète, tandis qu’Albert Heijn, les pieds sales, poursuit sa course vers le bas. La méthode good cop / bad cop : voilà l’essence même de la stratégie d’Ahold Delhaize dans notre pays.
Une position confortable, lorsqu’on y regarde de plus près. Beaucoup plus commode que la position du leader du marché de Hal, qui a du mal à faire le grand écart entre l’entreprenariat durable et la course au meilleur prix. Une gymnastique qui peut avoir de douloureuses conséquences, un déchirement par exemple, dont on se remet difficilement, paraît-il. Non, Colruyt s’est tenu à carreau et n’a pas baissé le prix du lait, malgré la garantie du meilleur prix. Par honte sincère, sans doute : Colruyt veut encore pouvoir se regarder dans la glace. Néanmoins le coup bas d’AH doit lui rester sur l’estomac : cette garantie du meilleur prix ne peut être une vaine promesse !
Infâmes vampires
Demandez plutôt à Hein Deprez, qui a vécu une année désastreuse. Le CEO de Greenyard attribue ses mauvais résultats au manque de pot, mais également à la pression accrue des supermarchés qui exigent une qualité toujours supérieure à un prix toujours inférieur. D’infâmes vampires. L’entreprise serait au bord de l’abîme en raison d’une incompétence pertinente, de mauvaises décisions managériales et d’un entêtement obstiné, dixit la presse financière. Nous n’oserions pas écrire de telles choses, vous nous connaissez. Il y a des choses qui nous n’oserions même pas inventer. Prenez Eurelec, par exemple, l’alliance d’achat de E.Leclerc et Rewe, qui pour l’instant est en dispute avec toute une série de fabricants de marques : ils viennent d’y désigner un nouveau patron, qui s’appelle … Jérémie Vilain. Un bel exemple de typecasting. Ça promet.
Non, le climat dans le secteur ne va pas s’améliorer de sitôt. Ne nous étonnons donc pas si les consommateurs se détournent massivement des supermarchés durant le mois à venir. Ils en ont assez de voir d’innocents producteurs se faire presser comme des citrons et ont créé un véritable mouvement. Depuis la Suisse le mouvement s’est étendu en France et commence à atteindre notre pays : dans au moins huit villes les consommateurs se sont associés à la campagne ‘Fevrier sans Supermarché’. Ils promettent durant un mois de s’approvisionner uniquement au marché, à la ferme et chez le petit commerçant du coin. Mais bon, pas de quoi provoquer un tsunami de faillites dans la grande distribution ou du moins pas suite à cette action : un rapide coup d’œil sur Facebook nous apprend qu’il s’agit tout au plus de quelques centaines de membres bien intentionnés.
Great salami
Il doit s’agir des mêmes personnes qui désormais tartinent leur sandwich uniquement avec du houmous et ou de la pâte au potiron, parce que la charcuterie n’est plus tolérée par les autorités flamandes. Ils se font vraiment des illusions au gouvernement ! Bientôt le peuple mécontent envahira les rues, brandissant des pancartes et banderoles : « Protégez notre jambon à l’os », « Vive le pâté », « Make our salami great again! » …
Entretemps la viande exotique de kangourou va complètement disparaître des rayons, à la demande insistante de Gaia. D’ailleurs le client n’en demande plus. Parce que trop mignon, probablement. Un bel exemple d’indignation sélective, puisque la viande d’agneau, de lapereau, de caille, de veau et autres animaux câlins reste disponible sans problème, jusqu’à nouvel ordre. Jusque-là le discours du homo economicus rationnel.
La phobie de la santé
Terminé aussi l’alcool puisque c’est aujourd’hui que démarre officiellement la campagne ‘Tournée Minérale’. Pourtant l’enthousiasme semble avoir baissé par rapport aux deux éditions précédentes, ce qui nous permettra donc après une dure journée de labeur de commander sans trop de gêne une Duvel au café du coin. Attention, nous connaissons des gens qui participent, mais nous ne divulguerons pas de noms. Ces victimes de la phobie de la santé le font sous la contrainte : chantage, intimidation, menace, … vous voyez le tableau. Des situations inadmissibles, indignes d’une civilisation moderne. Tout comme ces pratiques sans scrupules des supermarchés.
Alors à quoi bon arrêter de boire lorsqu’on constate que même sobres les gens commettent d’énormes bêtises ? Certes l’alcool ne solutionnera pas vos problèmes – mais un verre de lait non plus – par contre il embellit parfois votre vision du monde. Bref, un bon verre de vin c’est comme la version liquide de Photoshop. Profitez-en et à la semaine prochaine !
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