Les géants des FMCG sont-ils immunisés contre la crise, ou des fissures vont-elles apparaître dans leur belle carapace ? Devons-nous nous réjouir du risque de grande lessive dans le food-retail ? Le champagne est-il trop bon marché et les fruits et légumes trop chers ? Filet Pur répond à vos questions les plus pressantes !
Travestissement
Un grand nombre des décisions les plus importantes sont prises par des personnes qui ne souffrent pas de la moindre expertise en la matière. Nos responsables politiques, par exemple, titulaires au mieux d’un diplôme de droit, au pire d’un diplôme d’économie. Car l’économie n’est finalement qu’une espèce de superstition travestie en science. Un amalgame d’avis opposés qui ne servent à rien, ce qui nous trimbale inévitablement d’une crise à un autre.
Malheureusement, notre ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Frank Vandenbroucke est titulaire d’un diplôme d’économie. Et même plusieurs, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. Pour couronner le tout, l’homme ne nous veut que le meilleur. Et vous savez tous où mènent les bonnes intentions de ce genre : à la misère la plus noire. Le ministre veut donc supprimer la TVA sur les fruits et légumes, en la faisant passer de six à zéro pour cent. Parce que les Belges doivent manger plus sain.
Trop loin
Sur ce dernier point, il a largement raison, mais son initiative y changera-t-elle quelque chose ? La réponse courte est : non. D’ailleurs, il le reconnait lui-même : une famille flamande moyenne dépense environ 1 000 euros par an en fruits et légumes. Six pour cent de 1 000 euros : nous voilà bien avancés à l’heure où nos factures de gaz et d’électricité augmentent de 500 euros par mois.
Sans compter que cette baisse de la TVA pourrait n’avoir aucune incidence sur les prix des fruits et légumes. Car ce n’est pas comme ça que ça marche – mais bien sûr, un économiste comme Vandenbroucke ne peut pas le savoir. Il est même très probable que les primeurs supermarchés se contentent d’empocher ces six pour cent de bonus, ils en ont d’ailleurs bien besoin. Comment qualifier une mesure qui coûte de l’argent au gouvernement, n’apporte rien aux consommateurs et n’est en rien bénéfique pour la santé publique, mais a valu une belle attention médiatique au ministre ?
Pas à moitié
Attention, il n’est pas seul : la même mesure sympathique est sur la table dans d’autres pays. Aux Pays-Bas, ce pays modèle, un comité devra d’abord définir scientifiquement ce que l’on entend par fruits et légumes. Ils y consacreront au moins un an. Très curieux de connaître le résultat. Nous allons enfin savoir ! Mais bon, voilà un exemple de gestion fondée sur la science. Les Hollandais ne font jamais les choses à moitié.
Il n’est pas surprenant que les politiciens préfèrent réduire les impôts plutôt que de les augmenter. Mais la dure réalité est que les aliments sains ne sont pas trop chers. Loin de là. Demandez aux producteurs. Le problème, c’est le prix beaucoup trop bas des aliments qui ne le sont pas. Car c’est presque sans réfléchir que nous remplissons nos caddies de pizzas surgelées, pots de choco, biscuits, snacks, charcuterie, sodas, haché mixte et autres croquettes. Des produits qui ne coûtent presque rien, sont souvent en promotion et sont tout simplement irrésistibles. Même le champagne est presque gratuit – cette semaine chez Delhaize, en tout cas. Dans ces conditions, il faudrait être fou pour boire de l’eau, non ?
Soulèvement populaire
Il est évident qu’aucun dirigeant politique ne veut prendre le risque d’imposer une forte augmentation des prix de ces produits raffinés, malgré le poids que fait peser leur teneur en graisses, sel et sucre sur le budget de la santé publique. Le seul changement de comportement qu’ils risqueraient de susciter est un soulèvement populaire. Et la colère de l’industrie, qui ne veut pas qu’on lui dise ce qu’elle a à faire.
Laquelle industrie se porte d’ailleurs extrêmement bien, merci pour elle. Après les brillants résultats de PepsiCo la semaine dernière – les consommateurs ne font donc bien aucune économie sur les chips et les boissons gazeuses, encore bien trop bon marché malgré les récentes augmentations –, Nestlé a également publié un rapport annuel plus que solide cette semaine. La crise ? Une crise ? Quelle crise ?
Pas immunisé
« Nous avons pu augmenter les prix de 7,5 % », ont-ils fièrement commenté. Les consommateurs ont-ils mangé un KitKat de moins pour autant ? Les ventes de mousse au chocolat La Laitière ont-elles diminué d’un demi pourcent ? Absolument pas. Preuve que ce sont des augmentations de prix « responsables », pour reprendre les termes du CEO Mark Schneider, qui dit également s’efforcer de maintenir des produits abordables et accessibles, compte tenu des intérêts de toutes les « parties prenantes ». Lire : la Bourse, d’abord et avant tout.
Ces multinationales continueront-elles à s’en tirer à bon compte ? Pas si sûr… Car si Procter & Gamble a également réussi à augmenter les prix de 9%, ils ont quand même vu les volumes baisser de 3%. « Les consommateurs sont peu à peu rebutés par ces hausses de prix »… Résultats : les prévisions sont revues à la baisse. Ce qui n’est pas l’habitude à Cincinnati… Sans doute un premier signe que même les géants du FMCG ne sont pas immunisés contre la crise. Qu’espéraient-ils ?
Grande lessive
Bien que les premières victimes de l’hyperinflation se trouvent à l’autre bout de la table, du côté des retailers. Pas tant au sein des quartiers généraux, qui se préparent au Grand Bras de Fer de l’Automne. Mais surtout chez leurs pauvres franchisés qui, comme les ménages qui viennent faire leurs courses chez eux, ne peuvent plus payer leurs factures d’énergie. La grande lessive indispensable et nécessaire va-t-elle finalement avoir lieu ?
Les rumeurs vont bon train. Des entrepreneurs au bord du désespoir pourraient être tentés d’opter pour la sécurité. Et il y a quelques nouveaux arrivants pressés de leur venir en aide. Mais les prix proposés pour leurs supermarchés risquent de baisser.
Automne chaud
Un paquet de Mestdagh excédentaires devrait également se retrouver sur le marché, mais surtout en Belgique francophone, région moins attrayante pour les Néerlandais. Les Mousquetaires ont en tout cas déjà engagé un maître des assainissement. Ça promet. Il aura du travail, car les syndicats ne voient manifestement pas d’un très bon œil la transformation de ces filiales Carrefour intégrées et bien syndiquées en Intermarché indépendants avec leur concept très particulier. L’automne s’annonce donc chaud de ce côté-là aussi.
Ce qui ne sera bénéfique que pour la facture d’énergie. Au moins nous restera-t-il ainsi de la menue monnaie pour acheter quelques bouteilles de ces bulles en promotion. Toute l’industrie du champagne est dos au mur, mais ce n’est pas du tout leur problème à Kobbegem. Le vôtre non plus, sans doute… En tout cas, j’ai déjà commencé à refaire ma cave ! À la semaine prochaine !