Les retailers sont-ils des querelleurs et des escrocs? Les boissons énergisantes doivent-elles être interdites? Carrefour est-il à l’aube d’un assainissement et Delhaize va-t-il se hollandiser? Une semaine mouvementée que vous résume RetailDetail Food.
A bout de nerfs
Un chiffre d’affaires qui progresse à peine et un bénéfice qui plonge profondément, pas vraiment de quoi se réjouir : l’année 2017 fut en effet assez laborieuse pour Carrefour, tant au niveau du groupe qu’en Belgique. C’est ce qui ressort des chiffres trimestriels et annuels que vient de publier le retailer. L’année 2018 s’annonce-t-elle meilleure ? Cela dépendra en grande partie du plan de transformation, très attendu et appréhendé, qu’Alexandre Bompard présentera mardi prochain. Les nerfs des employés sont mis à rude épreuve.
Chez Delhaize aussi il y aura du changement en 2018. L’an dernier l’enseigne a déjà accueilli un nouveau CEO , qui maintenant vient de réorganiser son équipe directionnelle. Quelques anciens ont été remerciés et quelques nouveaux venus ont fait leur entrée. Les médias se sont empressés de souligner l’influence accrue de Zaandam chez Delhaize, avec des titres du style ‘Top Delhaize kleurt steeds Nederlandser’ (traduction : ‘La direction de Delhaize se hollandise de plus en plus’ ). Nous avons vérifié. Conclusion : la nouvelle équipe comprend un Hollandais, un seul. Et le CEO est un Français. Big deal ?
Econome en convivialité
Nous nous souvenons d’une époque où le comité de direction comptait un seul Américain, mais là aucun journal n’a écrit que Delhaize s’américanisait. Soit. A noter que ce seul et unique Hollandais, non par hasard, a été nommé ‘responsable caisse.’ Autre point qui mérite d’être signalé : pour certains membres un siège dans le comité de direction belge n’est qu’un petit boulot d’appoint, car en plus ils se chargent du reste de l’Europe. Là il y a manifestement une influence de Zaandam : Albert Heijn a le sens des économies et épargne là où il peut.
D’ailleurs chez AH ils sont également économes en convivialité. Jugez plutôt : grosse dispute avec Johma, dont les produits ont disparu des rayons. Par le passé d’autres fabricants tels que Bel Group, Grolsch et Kraft Heinz ont subi le même sort. Ça promet ! De plus, Appie s’est rendu coupable de profilage ethnique manifeste dans le cadre d’une formation interne. Chez Albert Heijn un homme de race blanche portant des lunettes – comme l’auteur grassement payé de cette rubrique par exemple – symbolise le client premium qui a de quoi dépenser, bref un client rentable. Par ici les sushis ! Par contre une femme à la peau basanée avec son enfant représente la cliente ‘petit budget’ qui sera totalement ignorée puisque de toute manière elle n’achètera que des marques maison bon marché. A moins qu’elle ne les vole, carrément. Beau travail, messieurs les managers et consultants qui avez mis au point cette segmentation raffinée de la clientèle !
Red Bull et baguettes
Peut-être avaient-ils consommé trop de boissons énergisantes ? Possible, car celles-ci provoquent des comportements étranges chez les jeunes utilisateurs : problèmes de concentration, agitation, insomnies, diarrhée, nausées, troubles cardiaques, … entre autres. Les médecins plaident pour des étiquettes d’avertissement et une interdiction de vente aux jeunes de moins de 18 ans. Au Royaume-Uni Aldi, ASDA et Waitrose se sont déjà engagés à ne plus vendre de Monster ou de Red Bull aux moins de 16 ans. Mais où cela finira-t-il ? Une interdiction de café pour les enfants. Et le cola ? Bientôt il vaudra mieux interdire carrément l’accès aux supermarchés aux mineurs.
Si la culture belge de la bière et la pizza napolitaine ont été inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, pourquoi pas la baguette, estime le président français Emmanuel Macron. De la jalousie, rien de plus. Il a prononcé tout un discours sur l’excellence et le savoir-faire que nous vous épargnons ici. La baguette a ceci en commun avec la pizza : les supermarchés proposent une multitude d’imitations bon marché, qui souvent sont surgelées et n’ont plus rien à voir avec l’original. Ce qui ne risque pas d’arriver à nos bières.
Petits chiffres
Les supermarchés et fabricants de marques ne ratent pas une occasion de tromper et d’arnaquer le consommateur. Une réalité, qui cette semaine, une fois de plus, a été confirmée par un journaliste qui la calculette à la main s’est rendu au magasin. Sa conclusion : alors que les grands emballages sont censés être moins chers, ils sont souvent plus chers par kilo ou par litre par rapport aux petits emballages. Les consommateurs ont donc tout intérêt à lire attentivement les petits chiffres sur les emballages. Explication ? « Les emballages standards sont généralement meilleur marché parce qu’ils sont produits en plus gros volumes, » selon les retailers. « Ce petit jeu au niveau des emballages est voulu, pour rendre plus compliquées les comparaisons de prix », selon un expert en retail.
L’avenir du hard discount se situe plus que jamais dans la commune est-flandrienne d’Erpe-Mere, qui jusqu’à présent était connue surtout pour ses nombreux moulins. Mais cela va changer, car Lidl y ouvre une filiale ‘Of The Future’, à deux pas du quartier général d’Aldi. Sympathique ! En réaction Aldi y construit le premier Aldi belge selon le tout nouveau concept international. L’ouverture est prévue pour le mois de mars. Erpe-Mere est appelé à devenir une véritable destination shopping pour les clients attentifs aux prix et à la qualité.
Ouverture dominicale
Le Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI) plaidait cette semaine pour un élargissement des horaires d’ouvertures dominicales pour les supérettes de proximité. Ce à quoi l’Unizo a rétorqué que personne n’était demandeur et qu’ouvrir le dimanche après-midi ne pouvait être rentable qu’aux mêmes conditions salariales que celles du dimanche avant-midi. Une absurdité, selon nous. Tout d’abord parce que le consommateur est bel et bien demandeur. Deuxièmement par ce que, comme chacun sait, les supermarchés indépendants enrôlent des étudiants jobistes flexibles pour le travail dominical. Bref la discussion est clause. Le repos dominical est un concept du siècle dernier, tout simplement.
Mais nous voulons terminer sur une note positive. Cette semaine nous avons entendu bon nombre d’histoires édifiantes. Ainsi il y a eu la grande réconciliation entre Colruyt et PepsiCo, un exemple inspirant pout tout un chacun, et surtout pour Albert Heijn et Johma, bien entendu. Après des négociations éreintantes pendant plus de deux mois, les deux adversaires ont enterré la hache de guerre. Alors que finalement il s’agissait d’un simple malentendu ! Par contre ils n’ont pas promis que cela ne se reproduirait plus. Autre initiative émouvante, celle d’Aldi Nord de Süd : ensemble ils lancent un label pour le bien-être animal, qui garantit de la paille et de l’air frais aux animaux, avant qu’on ne les mène à l’abattoir.
La lutte anti-plastique
Comportement exemplaire également des marques et des retailers dans la lutte contre la soupe plastique. L’UE vient de publier une ‘Plastics Strategy’, applaudie par EuroCommerce, l’organisation sectorielle des retailers. La marque d’eau minérale Evian s’engage à devenir entièrement circulaire d’ici 2025 et à utiliser uniquement du plastique 100% recyclable. Et le gouvernement britannique, en marge des discussions sur le Brexit, a mis au point un plan environnemental avec pour priorité la réduction des déchets plastiques. Theresa May appelle les supermarchés à introduire des rayons sans plastique et à envisager un supplément de prix pour les emballages plastiques jetables. Elle compte également obliger les petits magasins à rendre les sachets en plastique payants.
L’enseigne britannique de surgelés Iceland adhère au projet et est la première chaîne de supermarchés à supprimer tous les emballages plastiques de ses produits sous marques propres. D’ici cinq ans tous seront emballés dans des matières plus durables, comme le carton ou le papier. Le retailer plaide également pour l’instauration d’une consigne sur les bouteilles en plastique. Chez nous la question d’une consigne sur les bouteilles en plastique déclenche immanquablement des réactions colériques du secteur food. Oserions-nous un petit pronostic ? Nous n’y échapperons pas, un jour il y aura une consigne, comme c’est déjà le cas dans certains de nos pays voisins. Le jour où vous constaterez sur votre ticket de caisse que le montant de la consigne est identique au prix du produit, vous réfléchirez deux fois avant de jeter cette bouteille. Et si vous le faites quand même, elle sera bien vite ramassée par quelqu’un qui a besoin de sous. Je l’ai vu de mes propres yeux, cet été à Berlin. Adieu aux déchets sauvages. Enfin, reste encore les sachets de chips. Et les mégots de cigarettes. Et le chewing gum. Et … Enfin, à la semaine prochaine !
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