Constat : les consommateurs n’aiment plus la bière, mais se ruinent en bonbons. Et puisque le gouvernement refuse de plafonner les prix pour endiguer l’inflation, des marques s’en chargent. Filet Pur dévoile-t-il le début d’une tendance ?
Comme si de rien n’était
Prendre l’initiative sous le regard amusé des concurrents totalement désintéressés qui se croisent les bras : tel est le triste sort du leader sur le marché. Posez la question à Stefan Goethaert : pendant que Colruyt porte, seul et à ses frais, le bien-être du poulet à un niveau sans précédent, les autres chaînes de supermarchés n’ont aucun scrupule à faire comme si de rien n’était. Ce qui n’amuse pas le CEO, qui n’abandonne pourtant pas ses ambitions : à partir de 2026, tous poulets morts qui peupleront les rayons Colruyt auront eu une vie heureuse.
Un beau message qu’il a adressé à la veille de la Journée mondiale du véganisme, car tout est une question de timing. Mais sérieusement : qui suivra ? Pour l’instant, personne. Oui, Lidl est également seul avec son porc Meilleur Vie dans notre pays. Le contraste avec nos voisins du nord est saisissant. Leur réputation d’avares patentés n’empêche manifestement pas les Néerlandais de mettre le prix pour le bien-être des animaux, au contraire des Belges. Étrange constat.
1.654 lions
Fait entre-temps la chasse aux bonnes affaires : Ahold Delhaize, qui a racheté les magasins roumains Profi au nez et à la barbe des Polonais de Biedronka pour la modique somme de 1,3 milliard d’euros. Certains actionnaires estiment qu’ils auraient mieux fait de consacrer cet argent au rachat d’actions propres, mais Frans Muller est un homme de principes : il ne veut opérer que sur les marchés où il est numéro un ou deux. Et voilà : il ne lui reste plus qu’à devancer Lidl. Carrefour – qui a finalisé cette semaine l’acquisition des hypermarchés Cora dans le même pays – suit à bonne distance.
Le fait que ces quelque 20 millions de Roumains soient de fervents carnivores n’a pas arrêté le pescétarien notoire qu’est Muller. Une région viticole intéressante d’ailleurs, même si on le sait peu. Un pouvoir d’achat limité, mais une économie qui renoue peu à peu avec la croissance. La concurrence internationale y est féroce, mais où ne l’est-elle pas ? Ainsi, le fier lion de Delhaize ornera bientôt 1 654 façades de supermarchés supplémentaires, puisque le logo de Mega Image en est la copie conforme.
Drogue du zombie
Fait : le chocolat crée une dépendance plus forte que l’alcool. C’est ce que démontrent les résultats publiés cette semaine par plusieurs multinationales. Les ventes de bière ont en effet beaucoup déçu. Surtout chez AB InBev, qui souffre toujours du boycott des rednecks anti-woke même si elle sponsorise désormais l’UFC aux États-Unis – le sport favori des partisans de Trump. Mais aussi chez Carlsberg, qui met avant tout en cause le mauvais temps cet été. Les deux brasseurs ont fortement augmenté leurs prix, comme tout producteur de marques qui se respecte, et l’ont payé par une baisse des volumes.
Tout va bien en revanche chez Mondelez, qui a pourtant augmenté ses tarifs de 12 %. Mais on le sait tous : risquez-vous à croquer dans un Oreo et c’est tout le paquet qui y passe. Les consommateurs n’ont aucun moyen de défense contre cet irrépressible besoin de sucre. Un peu comme une variante jusqu’ici légale du Tranq, la célèbre drogue du zombie, alors qu’aucun avertissement ne figure sur l’emballage. Où est Frank Vandenbroucke quand on a besoin de lui ? Non, l’avenir est radieux pour cet authentique baron de la drogue de Dirk Van de Put. En revanche, le ketchup est loin de contenir suffisamment de sucre pour provoquer de graves symptômes de sevrage quand les consommateurs entreprennent de décrocher, remarque-t-on chez Kraft Heinz.
Consternant
Pour leur part, les food-retailers en ont assez de ces augmentations de prix constantes de leurs fournisseurs de marque. Trop, c’est vraiment trop. Car oui, c’est désormais une tradition annuelle : le grand jeu du j’augmente-tu baisses, également connu sous le nom de négociations annuelles, est à nouveau d’actualité. Les prix des matières premières ayant de nouveau reculé, les prix de vente doivent suivre. Mais que constatent les directeurs des achats consternés ? Aucun producteur ne propose de baisser ses prix. Incompréhensible, n’est-ce pas ? Ils trouvent un allié déterminé en Test Achats.
Mais qu’espéraient-ils ? Les arguments des marques sont connus : certes, plusieurs matières premières ont vu leur prix baisser, mais le sucre, le cacao et l’huile d’olive, entre autres, coûtent désormais leur poids en or, les salaires sont impayables et on ne peut renégocier les contrats d’énergie toutes les semaines. Il n’est en tout cas plus question de compréhension mutuelle : oubliez l’Ukraine, la seule guerre qui compte est désormais celles des prix contre Albert Heijn et Jumbo, avec leurs promotions importées. On peut donc s’attendre à de nouveaux boycotts. Ils commençaient déjà à nous manquer.
Du jamais vu
Bien sûr, c’est encore une fois la faute des Hollandais. Mais ces derniers se retrouvent pris à leur propre piège. Comment ? Une petite explication s’impose. Il y a un fabricant de marques qui entend les aspirations des food-retailers. Les prix doivent baisser ? OK, les prix vont baisser. Pour quelques références du moins. Et pour que cela soit parfaitement compris, ces prix plus bas seront affichés de manière bien visible sur les emballages – histoire que personne ne puisse l’ignorer. C’est dit.
Car oui, c’est bien ce que fait Danone avec trois références d’Alpro végétal : ne payez pas plus de deux euros, trouve-t-on désormais en rouge teinté de fuchsia (ou inversement, c’est aussi possible) sur les cartons. Impossible de passer à côté. Du jamais vu. Et tous les acheteurs belges ont marqué leur accord. Ben oui, quand vous exigez des prix plus bas et qu’on vous suit, vous ne dites pas non, n’est-ce pas ? Deux chaînes ne participent cependant pas à l’action, pour la simple raison qu’elles s’approvisionnent à l’étranger. Pas de chance… Devinez qui… Curieux de connaître leur réaction. À la semaine prochaine !