Des magasins au bord du gouffre, des portes qui resteront closes, des combattants des prix qui jettent l’éponge, des patrons privés de leur liberté : la semaine a été riche en rebondissements. Filet Pur vous emmène au travers des ruines de la distribution alimentaire. Ça vous dit ?
Nostalgie
Les magasins Makro ont fort à faire, avons-nous appris. Plus à faire que ce à quoi on pourrait s’attendre dans une ruine aux rayons vides et aux unités de réfrigération défectueuses. Oui, maintenant qu’il est trop tard, voilà que les clients font leur grand retour. Qui sont-ils, quelles sont leurs motivations ? Des adeptes du tourisme noir, qui parient sur le fait que l’ultime liquidation a déjà commencé et espèrent faire de bonnes affaires (ce qui n’est pas le cas, malheureusement).
Des nostalgiques, aussi, désireux de se perdre une dernière fois entre les rayons usés avant que le rideau ne tombe définitivement. Pour finir avec des moules-frites à la brasserie Makro. Au vu du nombre impressionnant d’articles consacrés à Makro consultés sur notre cher site web, force est de constater que c’est le pays tout entier qui compatit. Les Britanniques pleurent leur Reine, les Belges pleurent un grand magasin emblématique sur le point de s’effondrer. Eh bien, ils n’avaient qu’à continuer à dépenser leur argent là-bas.
Soldes anticipées
Non, les vraies bonnes affaires, elles sont pour les investisseurs opportunistes qui espèrent obtenir une part des quelques composantes viables. Maintenant que le tribunal a donné son accord, le démantèlement peut commencer. Le PDG, Vincent Nolf, espère pouvoir se garder le meilleur morceau. « Les soldes ont commencé », d’après les syndicats. Et elles dureront au maximum quatre mois. Ce qui n’est pas vendu disparaîtra dans la poubelle de la faillite.
Quatre mois : cela nous amène sans transition à Mere, le combattant des prix sibérien qui est venu chez nous pour donner du fil à retordre à Aldi, pour ainsi dire. Après seulement quatre mois, le discounter abandonne. Ou du moins pour le moment : Opwijk n’était pas le bon endroit, déclare le champion du low-cost. L’entreprise vise toujours dix succursales belges, mais dans les grandes villes. Oui, vous avez bien lu : dans les villes, où les locaux de 750 m² sont rares et les loyers élevés. D’accord. Les touristes macabres qui veulent assister en direct à la liquidation peuvent s’épargner le déplacement : les fournisseurs sont censés venir récupérer eux-mêmes leur stock.
Passe-temps problématiques
Les touristes macabres se régalent aussi des dernières nouvelles de cette tête brûlée de Frits van Eerd, qui, à l’heure où j’écris ces lignes, n’a pas encore été autorisé à quitter la prison. Les médias ne s’en lassent pas : sous le couvert d’informations générales, ils se livrent à un véritable acharnement sur le personnage à coup de de portraits grossièrement brossés qui donnent l’impression que les choses ne pouvaient que mal finir pour cet entrepreneur trop ambitieux. Ça sonne bien.
Mais c’est un peu prématuré, quand même. Pour l’instant, aucune accusation n’a été formulée et il est loin d’être condamné. Chez Jumbo, ils ne peuvent que souligner que les soupçons portent sur les passe-temps personnels du fana de course automobile et non sur la chaîne de supermarchés. Néanmoins, des questions se posent déjà ici et là quant au maintien du PDG à son poste. Cela donne en effet une image des plus négatives de l’entreprise. Problème : Frits est Jumbo… Pendant ce temps, les mèmes jubilatoires se multiplient, cependant.
Malhaize
Les touristes macabres qui voulaient voir des actions de grève spontanée pouvaient se rendre à Bruxelles cette semaine, où une dizaine de supermarchés Delhaize ont fermé leurs portes pour protester contre l’organisation boiteuse dans les magasins et un manque flagrant de collègues sur le terrain. « Pressés comme des citrons », ont-ils soupiré. Ce malaise persistant depuis plusieurs années n’avait jamais causé trop de dégâts jusqu’à présent, mais la marmite semble désormais pleine. Et quel meilleur moment pour brandir la menace des grèves que la période automnale cruciale ?
L’herbe n’est d’ailleurs pas beaucoup plus verte du côté de leurs concollègues : le nombre de postes vacants dans le commerce de détail alimentaire est tout simplement trop élevé, la charge de travail est insoutenable. D’ailleurs, la boutique bio en ligne eFarmz recherche aussi quelques idéalistes. Des néerlandophones, plus exactement. Parce que le marché des produits agricoles en ligne livre désormais aussi en Flandre. À première vue, la boutique en ligne semble bien traduite, ce qui est déjà un bon début. La confrontation frontale avec la formule hollandaise Crisp, qui opère quasiment sur le même segment de marché, promet d’être intéressante.
À méditer
Curieux de nous plonger dans la peau de touristes macabres cette semaine, c’est sans hésitation que nous avons accepté l’invitation de Carrefour à la foire de fin d’année annuelle. Résultat ? Nous sommes arrivés trop tard, alors que nous étions parfaitement à l’heure pour le briefing de presse du jeudi. Mercredi, il y avait apparemment eu une altercation avec des franchisés mécontents mais, le lendemain, la tension était retombée. Un beau taux de participation, une ambiance positive, un PDG de bonne humeur et un message limpide à tous les participants : it’s the pouvoir d’achat, stupid ! Bien sûr.
Toute l’attention s’est donc portée sur les actions pour soutenir le pouvoir d’achat et les marques de distributeur, avec la marque discount Simpl sous le feu des projecteurs, tout à fait dans l’air du temps. L’absence de véritables nouvelles était peut-être la plus grande nouvelle de la journée : le détaillant semble progressivement réaliser qu’il vaut mieux faire trois choses bien que des centaines de choses à moitié. À méditer lors du week-end pluvieux qui s’annonce, j’imagine. Un bon livre, un verre de vin, un bol d’olives, que demander de plus ? À moins que… À la semaine prochaine !