Seuls les idiots baissent les prix. Ils doivent être plus élevés. Encore plus élevés ! Irrésistiblement élevés, même. Ou était-ce intolérablement ? Filet Pur vous dit tout. Profitez-en : c’est le dernier avant les vacances d’été.
La soupe coûte chère
Crise du pouvoir d’achat ? Quelle crise du pouvoir d’achat ? Pour Procter & Gamble, la multinationale des multinationales, il n’y a pas vraiment de problème, finalement. C’est simple : il suffit de mettre des produits de qualité supérieure sur le marché, et le consommateur paiera pour les avoir, selon le responsable pays Olivier Lemay. Laissez ces détaillants se livrer à leur guerre des prix, ils ne savent pas vraiment ce qu’ils font. On gagne de l’argent avec des produits plus chers, pas avec des produits moins chers. The only way is up.
Peut-on le lui reprocher ? Avec toutes ces discussions sur les prix… De l’autre côté de la Manche, il y a de nouveau du grabuge, cette fois-ci entre Heinz et Tesco. Le premier veut augmenter les prix, le second veut les baisser. Et cela crée des conflits. Surtout quand la soupe à la tomate devient 40 % plus chère. Résultat : boycott. Pas par le détaillant, mais par le fabricant, qui refuse de livrer à des prix déjà trop bas. Comme nous l’avions écrit précédemment : l’équilibre des forces est légèrement différent dans un marché en pénurie. Les rôles sont inversés. Où Tesco pense-t-il trouver du ketchup moins cher ? L’Italie, désormais complètement à sec, ne livrera pas beaucoup de tomates dans les prochains mois.
Pas un centime
Vu sous cet angle, on peut encore s’estimer heureux en Belgique, avec une inflation des prix alimentaires de 8,4 %. C’est loin d’être suffisant pour couvrir les augmentations réelles des coûts, mais c’est un début. Car c’est bien là tout le problème : en fin de compte, les fabricants ne sont pas les seuls à vouloir des prix plus élevés, les détaillants aussi. Pour payer les factures d’énergie exorbitantes et les salaires en hausse, et se garder encore un peu de marge, bien sûr. Seulement voilà, ils ne l’admettent pas ouvertement.
Le problème est le suivant : ils veulent, mais ils ne peuvent pas. La concurrence par les prix, bien sûr. Ils sont coincés. Ceci est d’autant plus vrai sur un marché où le leader ne sera jamais le premier à donner l’exemple en augmentant les prix. Si les détaillants alimentaires ont un certain pouvoir d’achat, ils n’ont pas de pouvoir de distinction et donc pas de pouvoir de fixation des prix. Vous pouvez séduire les clients avec des P’tits lions, ou avec « petits prix, grands principes », mais vous n’êtes que le prisonnier de votre propre modèle commercial. Et vous ne gagnez pas un centime. Contrairement à P&G, donc.
Sauter de joie
Imaginez : vous êtes un porte-parole chevronné ayant de nombreuses années d’expérience dans des multinationales renommées. Vous vivez pour votre profession, vous avez même publié un livre passionné sur le sujet. « Travailler dans la communication d’entreprise est un emploi extraordinaire, mais ce n’est pas pour tout le monde. C’est très intense. 24/7 et 360° », y écrivez-vous. Mais, en pratique, vos temps forts se limitent à la publication d’un énième rapport de durabilité ou d’un communiqué de presse sur l’ouverture du plus grand entrepôt de chocolat au monde. Vous avez l’impression de vous endormir.
Et vous sautez de joie lorsque le directeur qualité vous appelle et vous dit « Je crois que nous avons un petit problème » ? Hallelujah ! Enfin, du vrai travail. En bref, on soupçonnerait presque Korneel Warlop, directeur de la communication d’entreprise de Barry Callebaut, d’avoir mélangé un peu de salmonelle dans la lécithine pour montrer au monde comment gérer une telle crise de manière professionnelle. Le contraste avec ces amateurs de Ferrero ne pourrait pas être plus grand.
Changements au sommet
Mais, en attendant, la moitié de l’industrie du chocolat belge est au plus mal. La production de chocolat tournera au ralenti ces prochaines semaines. Une raison de paniquer ? Pas vraiment, heureusement : c’est l’été, et le seul chocolat que nous mangeons est celui qui se trouve dans ou autour d’une crème glacée. Et les glaces Magnum et Ben & Jerry’s ne sont pas concernées, nous rassure Unilever. On note. Le groupe change de patron, d’ailleurs. Un spécialiste du marketing, capable de vendre aux prix plus élevés. Voilà.
Cela nous amène sans transition à Carrefour : la chaîne fête le retour du comeback de Geoffroy Gersdorff, qui fait depuis des décennies la navette entre le siège du groupe à Massy et celui de Carrefour Belgique à Evere. Rares sont ceux qui connaissent l’organisation mieux que lui. Et c’est valable pour lui aussi : the only way is up. Il est le premier Belge en 22 ans à prendre la tête de l’entreprise. Chapeau. Alexandre Bompard se dit très confiant. Que pourrait-il dire d’autre ?
Se casser les dents
Quoique. Cette promotion n’est-elle pas un peu un cadeau empoisonné ? De nombreux managers de détail expérimentés se sont cassé les dents sur ce marché belge délicat, à peine plus grand qu’un grand département français. Du moins du point de vue parisien. Bonne chance ! Mais le moment est bien choisi : la base de comparaison sera nettement plus favorable au cours des prochains trimestres, de sorte que les chiffres trimestriels iront presque d’eux-mêmes dans la bonne direction : vers le haut, naturellement. Impossible de se rater, n’est-ce pas ? Affaire à suivre.
Mais pas maintenant. Les soldes ont commencé, tout comme le Tour de France, et la saison des festivals bat son plein, c’est donc le moment d’une longue pause estivale chez Filet Pur. Profitez pleinement des vacances, car elles ne dureront pas : l’automne s’annonce plus chaud que jamais. Be ready. Rendez-vous en septembre !