C’est enfin officiel : les fabricants de marques sont bel et bien des escrocs sans scrupules. Ils paieront pour leur cupidité débridée ! Qui sortira la masse pour démolir les murs d’achat européens ? Découvrez-le dans ce Filet Pur !
Au ralenti
La semaine du secteur alimentaire, ou plutôt, le week-end, a commencé par l’ouverture festive du deuxième Albert Heijn de l’année, un plancher notable dans l’histoire du détaillant en Belgique. Par souci de clarté : je ne fais pas référence à la qualité de ce magasin, mais à l’expansion au ralenti de cette année. À ce rythme, ce n’est pas demain la vieille que le groupe franchira la barre des 100 magasins. Le supermarché d’Anvers est devenu le premier magasin en Flandre équipé d’une Dopper Water Tap, avions-nous écrit. Nous n’aurions pas dû : elle ne fonctionnait pas. La loi de Murphy est inéluctable. Shit happens.
L’année aurait aussi pu mieux se terminer pour Lidl : une nouvelle grève vient se glisser dans les chaussons de Noël. La charge de travail excessive a été un fil conducteur cette année. Le fait que le discounter soit la seule chaîne de supermarchés à ne pas ouvrir le dimanche avant Noël et Nouvel An ne traduit pas une situation confortable. Les syndicats n’ont aucune envie de payer le coût élevé des prix bas. L’action soi-disant « nationale » n’affecterait qu’une poignée de magasins, espérait la direction, et surtout en Wallonie.
Guerre des prix garantie
Pendant ce temps, le redécoupage du paysage français de la distribution alimentaire devient de plus en plus concret : les magasins Casino passent aux mains de Auchan et Intermarché, a confirmé le détaillant endetté. Surtout parce que tous deux souhaitent conserver la quasi-totalité des employés. Toutefois, l’opération n’aidera pas les Mousquetaires à ravir la deuxième place tant convoitée à Carrefour, ce dernier s’étant déjà emparé des succursales françaises de Cora et de Match en début d’année. Et il s’intéresse maintenant aussi aux magasins de proximité de Casino. Pour passer du rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas… ou deux. Premièrement, ces magasins ne sont pas (encore) à vendre. Deuxièmement, l’autorité de la concurrence commencerait vraisemblablement à grincer des dents.
Rien n’est plus comme avant au Luxembourg non plus, grâce aux envies expansionnistes de E.Leclerc. Le leader du marché français veut prendre son temps pour convertir les magasins rachetés au groupe Louis Delhaize et voit le Grand-Duché comme un laboratoire d’essai pour les magasins de proximité, un segment en dehors de la zone de confort du détaillant. Mais les premiers hypermarchés Cora rebaptisés E.Leclerc rouvriront avant l’été. Guerre des prix garantie !
Faits conflictuels
Ce qui nous amène à la seule actualité du secteur alimentaire qui ait vraiment compté cette semaine. Parce que, voyez-vous, c’est finalement vrai ! Officiellement vrai, même : les fabricants de marques sont de sombres picsous, qui gonflent artificiellement leurs marges en empêchant nos supermarchés d’acheter des produits européens. Les restrictions territoriales d’approvisionnement sont le dopant des produits de grande consommation. Ce n’est pas moi qui le dis, mais notre ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne, en se basant sur une étude de l’Observatoire des prix, où travaillent exclusivement des fonctionnaires sanguinaires et très instruits, dont les rapports sont validés par un comité scientifique.
En bref, il ne s’agit pas ici d’opinions sans engagement, mais de faits conflictuels. Attention, les magasins belges sont moins chers que dans les pays voisins pour à peu près tout : marques de distributeurs, légumes, poissons, etc. Les consommateurs qui se plaignent ne réalisent pas la chance qu’ils ont. Certes, la viande est un peu moins chère aux Pays-Bas, mais là-bas, ils mangent des bizarreries dont nous ne voudrions pas, comme la succade au lieu du filet pur.
Ridiculement cher
Pourquoi les acheteurs continuent-ils à largement préférer les achats transfrontaliers ? Le vrai problème se situe au niveau des marques internationales, qui sont nettement plus chères chez nous que chez nos voisins. Ce n’est quand même pas la faute de nos supermarchés, n’est-ce pas ? Non, ce sont les multinationales qui plongent délibérément nos concitoyens dans la pauvreté, en abusant de leur position dominante dans ce petit pays. En effet, nos détaillants alimentaires ne peuvent plus s’approvisionner à moindre coût de l’autre côté de la frontière. Où est ce marché unique européen quand on en a besoin ?
Car, soyons clairs, ces différences de prix ne s’expliquent évidemment pas du tout par les accises, les taxes sur les sodas, les redevances sur les emballages et (bientôt) les taxes sur les déchets sauvages imposées aux fabricants dans notre pays. L’idée même qu’un gouvernement veuille appauvrir son propre peuple au profit de la caisse de l’État sans fond est trop absurde pour être vraie, c’est évident. Non, nous avons un bouc émissaire et nous ne le laisserons pas filer.
Le sale boulot
Les renforts arrivent ! Laissez les démolisseurs de Démolitions Dermagne SA faire le sale boulot : les murs d’achat vont tomber, pas de doute là-dessus. Les restrictions territoriales d’approvisionnement seront à l’ordre du jour sous la présidence belge de l’UE, promet Pierre-Yves. Ainsi, il s’aligne sur son homologue néerlandais et répond notamment aux desiderata des frères Frans et Michiel Muller, qui militent depuis longtemps pour la légalisation des importations parallèles au nom de leurs entreprises Ahold Delhaize et Picnic.
Nous sommes curieux de voir si et comment le Conseil de l’Union européenne prendra des mesures. Car ce n’est pas aux politiques qu’il faut apprendre à vendre des discours populistes. Mais alors que 14 milliards d’euros sont en jeu chaque année selon la Commission européenne, ils n’ont réussi jusqu’à présent à attraper qu’un seul fabricant pour abus de position dominante : AB InBev, et c’était il y a quatre ans. Parce qu’ils empêchent Albert Heijn de vendre dans ses magasins flamands de la Jupiler achetée bon marché en Hollande. Mais un jugement dans l’enquête antitrust en cours à l’encontre de Mondelez se fait toujours attendre.
Mafia des produits alimentaires et de la drogue
Même si c’est vrai, c’est difficile à prouver. Et tout comme la mafia de la drogue, ces multinationales, avec leurs grosses marges, peuvent simplement s’offrir les avocats les plus chers. Mais qu’elles ne se fassent pas d’illusions : la lutte contre les restrictions d’approvisionnement sera l’un des fils rouges de l’année à venir dans le secteur de la distribution alimentaire. C’est également l’une des conclusions que nous tirons dans notre rapport annuel sur la grande distribution alimentaire 2023. Nous y dressons un récapitulatif des faillites, des modèles d’entreprise chancelants et des conflits des douze derniers mois. Une rétrospective, comme on dit.
2024 ne sera pas non plus une année facile, mais elle promet d’être passionnante. Combien de rayons vides allons-nous retrouver en janvier ? Dans quelle mesure la récupération à Colruyt est-elle durable ? Delhaize rebondit-il plus fort que jamais ? La famille Bouriez prendra-t-elle encore des décisions difficiles ? Jumbo persistera-t-il dans la colère ? Y aura-t-il un accord sectoriel ? L’IA résoudra-t-elle tous nos problèmes ou la fin de l’humanité est-elle inévitable ? Pour l’instant, ChatGTP est incapable de nous donner les réponses. Il ne nous reste donc plus qu’à continuer à faire du Filet Pur artisanal chaque semaine. Après une trêve de Noël de deux semaines, certes. Passez de bonnes fêtes et à l’année prochaine !