Il ne manquera pas de gentils voleurs et de méchantes multinationales dans ce numéro, où votre chroniqueur favori divulguera également le nom du Georges-Louis Bouchez du food-retail et révélera pourquoi les agriculteurs sont autant en colère contre un feuilleton populaire.
Gentil voleur
Ce n’était qu’un bref entrefilet en marge de l’actualité internationale du food-retail, mais ce changement de personnel pourrait être lourd de conséquences, y compris dans notre petit pays. De quoi s’agit-il ? Gianluigi Ferrari démissionne d’Agecore, l’alliance de la grande distribution qui s’est spécialisée ces dernières années dans des frondes audacieuses contre les plus grandes marques au monde. Au point que les rayons de Colruyt sont parfois restés vides.
L’industrie des FMCG pousse-t-elle un grand soupir de soulagement ? Nous ne le connaissons pas personnellement, mais nous avons vu une vidéo dans laquelle ce personnage assez flamboyant selon la rumeur n’hésitait pas à se comparer à Robin des Bois, le gentil brigand qui volait les riches (c’est-à-dire les méchantes multinationales) pour donner aux pauvres (le consommateur démuni). Selon les fournisseurs, il se comportait plutôt comme le Georges-Louis Bouchez de la grande distribution. Vous voyez le tableau.
Une autre personnalité de l’industrie mériterait sans doute la même comparaison. Un milliardaire qui s’invite spontanément dans les salles de direction d’un nombre croissant de retailers : après plusieurs vaines tentatives de prendre le contrôle de Metro et une participation croissante dans Casino, le Tchèque Daniel Kretinsky est récemment devenu le quatrième actionnaire de Sainsbury’s, avec une part certes modeste de 3,05 %. « Une opportunité d’investissement attrayante à long terme », s’est-il contenté de déclarer. Rien d’interdit, bien sûr.
Explosif
« Les ventes de Jumbo explosent : augmentation de 586% ! », titrait un communiqué de presse arrivé dans ma boîte de messagerie cette semaine. Holà ! En quête d’une explication, nous nous sommes précipités à Deurne où le cinquième magasin belge du Péril jaune était inauguré mercredi matin. La présence de la gamme Hema a-t-elle eu un impact aussi spectaculaire ? Bien sûr que non. Le communiqué provenait du fabricant de jouets du même nom, qui profite sans doute du fait que nous sommes nombreux à nous ennuyer à la maison.
Rien à dire sur le nouveau magasin : le rayon Hema remplace bien le stand de sushis, mais on ne peut pas tout avoir, surtout dans un supermarché de quartier compact. C’est aussi le premier Jumbo muni d’un selfscanning dans notre pays. La population locale semble satisfaite et aucune grenade n’a encore été lancée sur la façade : jusqu’ici, tout va bien.
Sprint numérique
D’autant que les clients de Deurne qui n’ont pas envie de faire la queue devant un supermarché jaune banane peuvent se faire livrer leurs courses à domicile. Pas par Jumbo, dont le webshop se fait toujours attendre, mais par le grand rival Albert Heijn, qui double la zone de livraison autour d’Anvers et prépare déjà le lancement de sa boutique en ligne dans d’autres régions. « Le numérique d’abord » est manifestement la nouvelle devise de Bebert : même quand ils n’ont pas encore de magasins physiques, ils veulent déjà occuper le terrain avec une offre de livraisons à domicile. À cette vitesse, ils pourraient bien faire subir le même sort que Wout Van Aert à leurs concurrents, si vous voyez ce que je veux dire. Futé.
Bonne idée également d’Albert Heijn aux Pays-Bas : ils veulent inciter davantage de ménages d’une ou deux personnes à faire leurs courses en ligne. Ces derniers pensant souvent que le montant minimum est trop élevé pour leurs modestes besoins, il fallait donc faire un geste. Logiquement, ils ne pourront pas commander de maxipacks à prix réduit, mais la livraison sera gratuite. Reste une question : comment AH va-t-il également vérifier qu’il n’y a pas plus de deux personnes sous le même toit ?
Brainstorming
Ce ne sont pas les nobles initiatives qui ont manqué cette semaine. Dix-sept méchantes multinationales – retailers ET fabricants de marques – se sont montrées sous leur meilleur jour en unissant leurs forces dans la lutte contre la déforestation. Un problème dont ils sont largement à l’origine en achetant d’énormes quantités d’huile de palme, de soja et de pâte de bois (pour leurs emballages). Mais maintenant ils regrettent. Bon, ils ne vont quand même pas cesser d’utiliser de l’huile de palme, du soja et des emballages en carton, ce serait un peu facile. Non, ils vont faire la leçon à leurs fournisseurs (et aux fournisseurs de ces fournisseurs). Soit.
Autre prise de conscience aussi subite qu’émouvante : celle de Mars, propriétaire de la marque de riz raciste Uncle Ben’s, qui sera bientôt proposée sous le nom Ben’s Original et n’affichera plus un brave monsieur noir sur l’emballage. Sans doute le fruit un brainstorming éreintant. Finalement, les responsables du marketing ont décidé de ne rien changer aux couleurs et à la police de caractères. Sans doute le choc sera-t-il déjà assez dur à encaisser comme cela : nous prévoyons des réactions furieuses de la part des fanatiques du Père Fouettard (ces gens en mal d’attention dont la plupart se profilent également comme négationnistes du virus et du changement climatique sur les médias sociaux), mais ça passera. Affaire classée.
Querelle familiale
C’est la guerre chez Aldi Nord. Le discounter – toujours une entreprise familiale – n’emploie que des gens sérieux, on le sait. À une exception près : une tante Babette qui organise des fêtes Covid illégales et dépense des sommes vertigineuses en hectolitres de Veuve Durand, apparemment. De loin la plus cool de la bande donc, reste que ce n’est pas permis : elle a maintenant un nouveau procès sur les bras. Sur dénonciation de son propre fils, rien de moins. Nous n’inventons rien, la réalité dépasse chaque jour nos fantasmes les plus fous. Qui a encore besoin de feuilletons ? Aldi, c’est mieux que Dallas – ou Familie, le grand soap flamand toujours diffusé par la VTM.
Où l’on a d’ailleurs aussi dépassé les bornes cette semaine. C’est du moins l’avis du Boerenbond. L’organisation est en colère. Pas parce que l’intrigue est encore moins crédible que celle de la formation du gouvernement. Pas parce que les personnages ne cessent de se mentir et se tromper. Pas même parce que le feuilleton regorge de meurtres, de suicides et de viols. Mais simplement parce qu’il semble qu’un personnage a osé servir un sandwich végan, avec un message fondateur sur le bien-être des animaux. Parrainé par Gaia, comme vous pouviez vous en douter.
Un sandwich sain que la guilde des agriculteurs n’a pas digéré : « Ils sont anti-viande ! C’est à sens unique ! » Comme si presque tous les personnages de presque tous les feuilletons du monde ne mangeaient pas de sandwiches au jambon et de steaks frites chaque semaine sans que personne n’émette d’objection. Bienvenue au XXIe siècle, Boerenbond. Au fait, chers éleveurs de porcs, qui représente les producteurs de légumes dans ce pays ? Nous vous entendons rarement les défendre, pas vrai ? À la semaine prochaine !
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