Faire des courses ne sera plus jamais comme avant : ce virus change réellement tout. Filet Pur signale l’apparition de deux nouveaux concepts et lance, d’environ un mètre et demi, quelques commentaires moqueurs dans un puits sans fond.
Avilissement
Avouez-le : vous êtes de nouveau assis derrière votre ordinateur portable, en pyjama et avec les cheveux sales. Toute la semaine. De la fenêtre de mon bureau à la maison, j’aperçois des personnes en sous-vêtements se trainer jusqu’à leur boîte aux lettres avant de faire le chemin inverse. Cette petite couche de savoir-vivre ? Elle est devenue bien mince. De plus en plus de personnes en ressortent totalement décomplexées. Vous pas ? L’avilissement est complet.
Les statistiques ne laissent d’ailleurs aucun doute : à l’exception du savon pour les mains, les chiffres des ventes des produits de soins sont en chute libre dans toute l’Europe. Pourquoi acheter de la crème solaire, du maquillage ou du déodorant s’il faut de toute façon rester chez soi toute la journée ? C’est une évolution inquiétante. Le fait qu’avec ce revenu de remplacement on ne puisse plus s’offrir du champagne, passe encore. Mais un peu d’hygiène personnelle et de respect de soi c’est le strict minimum, n’est-ce pas ? Comment arrive-t-on à passer en mode travail en étant encore en pyjama ?
Fini pour de bon
Regardez, les grandes entreprises avaient introduit le « Casual Friday », un jour par semaine, les employés ne devaient pas nécessairement venir au bureau, tirés à quatre épingles, mais étaient autorisés à porter un jeans à condition, bien sûr, de ne pas faire preuve de trop d’extravagances. Mais la situation est devenue incontrôlable : très vite, tout le comité exécutif s’est mis, tous les jours, à trainer en baskets usées dans les couloirs. La cravate est aujourd’hui une espèce menacée. Il est temps de lancer un contre-mouvement : télétravail ou non, enfilons (m/f/x) chaque matin notre power suit, sans oublier les chaussures en cuir, parfaitement cirées. Et oui, de nos jours, le #FormalFriday est devenu une tendance sur les réseaux sociaux. Cela ne peut que profiter à la productivité et à l’éthique du travail. Et au niveau, pour faire court.
Après tout, on n’est jamais assez propre, surtout quand on veut aller faire des courses. Une tendance claire semble en effet se dessiner : l’époque où l’on pouvait entrer et sortir librement d’un supermarché (ou d’un autre commerce) est révolue. À votre arrivée au magasin, on prend tout d’abord votre température, avant de vous obliger à vous nettoyer les mains au gel désinfectant pendant vingt secondes, sous l’œil attentif d’un vigile. Il vous faut ensuite à traverser, avec votre caddie, un tunnel qui pulvérise un produit désinfectant. Et ce n’est qu’après que l’entrée dans le magasin vous est permise. L’étape suivante est d’équiper chaque acheteur d’une combinaison de protection. Et de devoir réserver sa visite l’avance. Comme pour obtenir une place sur la plage cet été. Le supermarché est une zone à haut risque. Cela crée de nouvelles opportunités commerciales, aussi.
Petite tasse de café
Il est bien sûr important de garder une distance de sécurité. Un nouveau concept est d’ailleurs apparu dans notre vocabulaire : « l’économie du mètre et demi ». Voici la nouvelle norme. Le masque buccal fait désormais partie de l’équipement standard pour quinconce ose encore sortir. Se serrer la main est devenu interdit. Faire des achats est un comportement à risque. Vous préférez commander en ligne ? Bonne chance alors : attendre un créneau horaire disponible pour retirer une commande chez Collect&Go est devenu aussi éprouvant que d’essayer d’obtenir un ticket pour Tomorrowland. S’ils le disent eux-mêmes, ça ne peut qu’être vrai. Mais soit, le ticket de festival que vous aviez, malgré tout, réussi à obtenir après des heures passées sur l’ordinateur est maintenant devenu inutile du jour au lendemain. Quel dommage. Et ce créneau chez Collect&Go ? Eh bien, vous avez de la chance si votre commande n’est pas annulée in extremis.
Un autre concept récent est celui du : « protectionnisme lié au coronavirus ». Les pays européens ferment leurs frontières non seulement à ce virus, mais aussi aux produits agricoles de chacun d’entre eux. Le marché intérieur est à l’agonie, car les slogans populistes sont pour l’instant très prisés quand les choses se compliquent. Dommage pour les pays qui avaient justement besoin des exportations, comme l’Italie. Et la Belgique, effectivement. L’approvisionnement alimentaire est-il désormais compromis ? Dans la pratique, tout semble encore se dérouler sans accroc. Un camion venu d’Espagne nous parvient même de temps en temps. L’approvisionnement en grains de café devient, quant à lui, de plus en plus problématique : bientôt, nous pourrions même devoir renoncer à cette petite tasse de café si les choses tournent mal. Nous sommes prévenus.
Un puits sans fond
Nous aurions pourtant bien besoin d’un doppio bien serré : le coronavirus change tout. Faire des courses ne sera plus jamais comme avant, confirment-ils chez Nielsen. Les consommateurs y réfléchissent à deux fois avant de retourner au supermarché. Et depuis quelques semaines, ils réapprennent à cuisiner. Et cette nouvelle habitude restera. Alan Jope, le dirigeant d’Unilever, est clair sur ce point : nous entrons en récession, pour trois ans minimum, et le prix fait son grand retour au premier plan. Il sait de quoi il parle : il y a assisté, il y a quelques années, lors de l’épidémie de SRAS en Chine. Ce dont il est sûr également : « Les crises ramènent toujours les gens vers les grandes marques. Les marques inspirent confiance. » Il est planqué.
Ils l’ont bien compris chez Delhaize : ils ont visé dans le mil ces dernières semaines avec le hashtag #CestBonDeCuisinerEnsemble, et la réduction de 5 % est prolongée à la suite du succès qu’elle a remporté. Restera-t-elle aussi après la crise ? Reste encore à voir si cette récession est une bonne nouvelle pour la marque en devenir CRU. Dix millions d’euros supplémentaires viennent d’être investis dans le puits sans fond de Colruyt Group. Jef était d’humeur généreuse. Si nous avons bien compté, il s’agit bien de la troisième augmentation de capital pour les marchés frais premium. Ou comment une stratégie de prix élevés n’est pas non plus idéale.
Tourmenter
Au Royaume-Uni, Aldi se lance pour la première fois dans l’aventure du commerce électronique : le discounter fournira des box contenant des produits « essentiels » aux groupes à risque. En Belgique, le discounter adopte une approche différente : à savoir, tourmenter un peu ses collègues. Avez-vous vu cette brochure ? « Le Jardin d’Aldi » : un dépliant rempli de barbecues, de nettoyeurs à haute pression, de plantes et de tondeuses à gazon. Une gifle pour tous les détaillants de produits jugés non essentiels, qui ont dû serrer les dents ces dernières semaines en voyant leurs concurrents hors secteur prospérer avec la vente de leurs produits. C’est du joli. Une situation problématique à laquelle nos nombreux gouvernements, soutenus par ce vague groupe d’experts, ont maintenant mis fin : demain, les files ne se formeront pas à l’entrée des supermarchés, mais bien devant les magasins de jardinage et de bricolage.
Et enfin : nul ne sera surpris d’apprendre que Dettol sort grand vainqueur de la frénésie du stockage. Mais quelle marque occupe la onzième place avec une augmentation des ventes de 127 % au cours des cinq dernières semaines ? Et oui : « Il n’y a pas de mauvaise publicité », propos attribués au directeur de cirque, Phineas Taylor Barnum, qui est aussi l’inventeur de la publicité mensongère. Sans oublier d’autres célèbres mots du showman, « There’s a sucker born every minute » (« un pigeon naît chaque minute »). Ce qui est tout à fait applicable aux niais qui trouvaient amusant de s’afficher fièrement avec une bouteille de cette bibine sur leur page Facebook en pleine quarantaine. Carlos Brito les remercie chaleureusement. Soyez prudent et à la semaine prochaine !
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