Où allons-nous, si une enseigne de supermarchés loue les services d’une fausse blonde, si un brasseur soudoie des experts brassicoles et si les boulangers font honte à leur profession ? Voici la joyeuse rubrique du vendredi de RetailDetail Food !
Une brunette en manque d’argent
Dire que Lidl est sur la bonne voie est un ‘understatement’. La semaine prochaine l’enseigne ouvrira ses premiers magasins aux Etats-Unis et parallèlement le retailer lance une nouvelle collection de mode créée en exclusivité par le top-modèle allemand Heidi Klum qui apparemment est en manque d’argent. Sinon comment expliquer qu’elle signe un contrat avec un discounter ?
Cette prestigieuse collaboration doit permettre à Lidl d’attirer un nouveau groupe-cible de blondes élégantes qui habituellement font leur shopping à l’avenue Louise. Oui, je sais, Heidi est une brunette de nature. Mais comme affirmait très justement l’auteur américain Norman Mailer (dans ‘Tough Guys Don’t Dance’, que nous vous recommandons vivement) : ‘Any lady who chooses to become a blonde is truly blonde’. Nous aurions volontiers voulu approfondir le sujet, mais le service presse de Lidl nous a laissé entendre qu’une interview en face-à-face avec madame Klum n’était malheureusement pas possible.
Chez Carrefour Express aussi ils ont le vent en poupe. Ces cinq dernières années l’enseigne de proximité a ouvert 31 nouveaux magasins à Bruxelles, ce qui porte le nombre total d’Express dans la capitale à 70, dont deux à l’avenue Louise. Le concept Express tire profit du nombre croissant de célibataires citadins, qui achètent impulsivement sans trop se soucier du prix, qu’il s’agisse d’élégantes fausses blondes ou non.
Pas à une calorie près
Envie d’un morceau de ‘bakkemoezevlaai’ ? Pardon ? Oui, il s’agit d’une tarte limbourgeoise à base de poires séchées, qui depuis cette semaine a été officiellement reconnue comme produit régional, tout comme le geuteling (une sorte de grosse crêpe provenant des Ardennes flamandes) et la tarte au maton de Grammont. Bonjour les calories, mais après tout les produits régionaux datent d’une époque où les gens travaillaient dur pour subvenir à leurs besoins au lieu de s’installer tranquillement devant un laptop. Donc autrefois ils n’en étaient pas à une calorie près.
Aujourd’hui les mentalités ont changé. Endoctrinés par des divas culinaires filiformes qui bannissent pâtes et pommes de terre, les consommateurs évitent les féculents comme la peste. C’est pourquoi nous mangeons de moins en moins de pain, que nous achetons de plus en plus au supermarché plutôt que chez le boulanger, qui souvent vend du pain semi-industriel à base de mélanges de farine prêts à l’emploi de grands fournisseurs. Et certains boulangers n’hésitent pas à vendre les mêmes produits ‘bake-off’ que ceux que vous trouvez dans votre supérette. Tout cela peut avoir de fâcheuses conséquences. Suivez mon raisonnement.
Un parcours glissant
Si nous mangeons moins de pain, nous utilisons moins de pâte à tartiner. Rien d’étonnant donc à ce que chez Nutella ils n’aient pas apprécié qu’un nouveau concurrent, Delhaize en l’occurrence, lance une recette de choco sans huile de palme : soi-disant meilleur pour la santé et pour la planète. Une allégation que le tribunal a jugé mensongère. A partir de maintenant l’huile de palme est à nouveau officiellement respectueuse de l’environnement et bénéfique pour votre cholestérol. Du moins, c’est ce que nous en avons conclu. Pour fêter sa victoire au tribunal, Ferrero a mis au point un algorithme permettant de créer une étiquette unique pour chaque pot de Nutella. Pour l’instant l’action se limite à l’Italie, mais vu son succès elle pourrait débarquer chez nous. On se réjouit déjà.
Si nous mangeons moins de pain, nous utilisons également moins de margarine. Rien d’étonnant donc à ce qu’Unilever veuille céder sa division margarines. Du moins, ce sont les actionnaires et le management qui veulent s’en débarrasser. Par contre les employés et les syndicats ne sont pas de cet avis, car c’est très agréable de travailler dans une usine de margarines, malgré les glissades inévitables. Enfin, paraît-il.
Mais une chose est sûre : la margarine est l’un des deux piliers sur lesquels Unilever a bâti son empire, il y a longtemps, lorsque les fondateurs Jurgens et Van den Bergh ont créé leur ‘Margarine Unie’. L’autre pilier étant l’usine de savon de William Lever, autre business glissant. Vous comprendrez donc pourquoi Unilever suit un parcours glissant.
Une stratégie géniale
Mais poursuivons notre raisonnement. Si nous mangeons moins de pain, mangeons-nous davantage de fruits et légumes pour compenser ? Oui, à en croire le chiffre d’affaires de Greenyard qui pour la première fois a dépassé le cap des 4 milliards d’euros ! Combien de pommes et carottes cela représente-t-il ? Faites le calcul.
Et qu’en est-il de la bière, qui elle aussi est fabriquée avec des céréales comme le pain ? Eh bien, en effet le marché mondial de la bière est en recul. Mauvaise nouvelle pour le plus grand brasseur au monde et son patron Carlos Brito qui risque de ne pas toucher son bonus. Mais pas de soucis, chez AB InBev ils ont imaginé un stratagème afin de garantir leur place de leader mondial : ils ont pris une participation dans ratebeer.com, site web très populaire qui dresse le hit-parade des meilleures bières.
Vous devinez la suite : bientôt la Westvleteren 12 sera détrônée par la Jupiler 0,0%, certes meilleure pour la santé, mais pas au goût des brasseries artisanales qui dans le monde entier s’insurgent. Et vous ?
Un phénomène marginal
Il nous arrive souvent dans cette rubrique de nous moquer quelque peu des gens convaincus que l’e-commerce ne constitue en rien une menace pour le retail alimentaire traditionnel. Ainsi cette semaine nous avons lu dans la revue ‘Foodmagazine’ une interview avec l’expert en retail Hans van Tellingen qui prétend que l’online reste un phénomène marginal, excepté dans le secteur de l’érotisme et des voyages. Il estime qu’en ouvrant un webshop les supermarchés jettent leur argent par les fenêtres. Mais bon, il faut savoir que monsieur est dans l’immobilier. Chacun prêche pour sa propre chapelle, n’est-ce pas ?
Pour se faire une idée, il est souvent utile de se pencher sur les chiffres. Selon les calculs de Kantar Worldpanel, l’e-commerce représente aujourd’hui 4,6% du marché FMCG mondial, ce qui n’est pas énorme. Mais d’autre part l’online contribue pour 35% à la croissance du secteur. A noter toutefois que géographiquement la part de l’online diverge fortement : allant de 5,5% en France, 7,3% au Royaume-Uni jusqu’à 19,7% en Corée du Sud. La Belgique ne figure pas sur la liste. Notre pays aurait-il franchi le cap de 1% ? Nous vous tenons au courant.
Dans les nuages
Personne n’y a prêté attention, mais la semaine dernière nous fêtions un événement important : le 80ème anniversaire du caddie, inventé par Sylvan Goldman de la chaîne de supermarchés américaine Humpty Dumpty, qui a eu l’idée géniale de faire acheter plus à ses clients qu’ils ne pouvaient porter. Aujourd’hui l’industrie alimentaire est parvenue à nous faire acheter plus que nous ne pouvions manger, ce qui a donné lieu à des problématiques comme l’obésité et le gaspillage alimentaire.
Et le consommateur dans tout cela ? Il s’essaye à la préparation des œufs nuage. La plupart des sites web ont publié la recette, bien qu’incomplète, nous semble-t-il. Ils ont oublié la dernière étape, pourtant essentielle : poster une photo du résultat sur Instagram. Si le monde n’a pas vu votre œuf nuage, il n’existe pas et vous auriez donc pu vous épargner tous ces efforts. Rien ne vaut un bon œuf sur le plat ! Et maintenant, si vous voulez bien m’excuser, il faut que je passe à l’Aldi pour m’approvisionner en vin rosé. A la semaine prochaine !
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