L’automne n’a pas encore commencé que le cliquetis des armes résonne déjà dans les rayons des magasins. Hulahoop-gate, escarmouches sur les prix, permis annulés et tapage autour du Nutri-Score : l’ambiance est à l’orage.
Question pressante
La guerre, c’est du business. Je ne parle pas de Gaza ou de l’Ukraine, mais des récentes escarmouches dans le rayon chips. Que Roger&Roger continue à croiser le fer avec Intersnack : les retailers vont juste y gagner des commissions de référencement et des contributions promotionnelles supplémentaires. Et du chiffre d’affaires, ces rondelles saveur barbecue étant constamment en rupture de stock : vous entendez tinter les tiroirs-caisses ? Ce, notamment parce que l’empoignade leur apporte aussi une pub gratuite dans les médias. Même votre correspondant de guerre (des prix) a pu venir expliquer le cœur du problème devant les caméras. Hé, cela reste un grave problème de société que nous ne pouvons éluder !
Combien de temps durera cette petite fête promotionnelle ? Cela pourrait dépendre de la Justice. Ou des consommateurs ? Des acheteurs ? D’un point de vue marketing, on peut se demander s’il est utile de conserver deux références quasi identiques côte à côte dans les rayons, indépendamment des offres 1+1 gratuit qui prendront bien fin un jour. Où se situe la valeur ajoutée pour le client ? Mais peut-être ne devrions-nous même pas nous poser toutes ces questions… Car finalement, d’innombrables variétés de chips au sel d’une foule de marques différentes se côtoient déjà sans problème dans les rayons.
Le bateau tangue
Je devrais peut-être en discuter avec mon ami Luc Desmedt, qui présidera aussi superbement qu’à l’habitude le FMCG & Category Management Congress d’octobre prochain et verra peut-être dans le hulahoop-gate un exemple édifiant des dernières évolutions en matière de gestion des catégories. En partageant un petit paquet de chips, pourquoi pas… Ou soumettre la question à Monsieur Carrefour Belgique lui-même, le Belgétarien autoproclamé Geoffroy Gersdorff, qui refuse désormais d’accorder le moindre centimètre de rayon aux Allemands. Ne paient-ils pas assez ?
En parlant de guerre : Jumbo aussi en a déclaré une. Une petite guerre des prix, avec des comparaisons cash dans les espaces publicitaires et les rayons des magasins. S’attaquer de front à Albert Heijn, c’est osé : alors que le bateau tangue à Veghel – d’où, notamment, ce grand ménage au siège –, le leader sur le marché néerlandais a les moyens de lancer une contre-attaque massive.
D’ailleurs, Jumbo ne lance ces escarmouches qu’aux Pays-Bas : impossible d’ouvrir un nouveau front chez nous, à en croire une autre comparaison de prix, cette fois publiée dans Het Nieuwsblad. La fabrique à promotions bleue est jusqu’à 14 % moins chère en Belgique. Tout dépend de la méthode de mesure : en mai de cette année, les journaux titraient encore que Appie était moins cher aux Pays-Bas. Mais évidemment, quand la comparaison se limite à 31 des 20.000 références que compte un supermarché normal, on peut prouver ce qu’on veut.
Une simple formalité
Ah, les concollègues… Plusieurs supermarchés locaux, dont le Carrefour Market de Moorslede, mettent à nouveau des bâtons dans les roues de la succursale du péril jaune à Roulers. Jumbo l’a un peu cherché, d’ailleurs : il n’est jamais judicieux d’entamer des travaux alors qu’un recours est toujours pendant. Dans notre belle Belgique, un permis est toujours accordé sous réserve. Demandez donc à Uplace, désormais Broeklin, qui a enfin été autorisé à lancer ses travaux après dix-huit (18 !) ans de litige.
Mais ce supermarché restera ouvert, clame haut et fort le retailer. Une simple formalité… « Le magasin de Roulers a été construit et ouvert avec un permis valable et exécutoire. » Oui, pas si sûr… J’ai vérifié en off auprès de personnes compétentes en la matière : juridiquement, un permis qui est annulé est réputé n’avoir jamais existé. Pour certains spécialistes, cela pourrait mal se terminer. Le suspense est à son comble. Croisons également les doigts pour que le premier Foodmarkt, permis également en poche, ouvre ses portes sans problème la semaine prochaine à Gand. J’y serai.
Tout ou rien
Pour beaucoup, l’événement food le plus marquant de la semaine était sans aucun doute le lancement d’un Nutella 100% végétal en Belgique, en France et en Italie. Il contient autant de sucre et d’huile de palme que l’original, mais pas de lait en poudre : celui-ci a été remplacé par des pois chiches et du sirop de riz. Je me demande combien de temps il faudra avant que quelqu’un vienne casser les prix. Mais les Néerlandais ne l’ont pas encore, ça va aider. Ce sera assurément un blockbuster, malgré un Nutri-Score E rouge foncé que vous ne trouverez jamais sur l’emballage. Ils ne sont pas fous.
D’ailleurs, le Nutri-Score va également disparaître des emballages d’Actimel & co. Car chez Danone, on ne décolère pas depuis que l’algorithme sur lequel est basé le label assimile ses boissons lactées si saines à du vulgaire Fanta. Le yaourt à boire Danonino affublé d’un D bien gras, imaginez. Et donc, c’est fini : ceux qui étaient jadis les plus grands défenseurs du code couleur ont dit « non ». Ce qui a provoqué la fureur du professeur à l’origine de l’algorithme Nutri-Score. Car à la Sorbonne, on n’est pas à vendre, c’est la science avant tout. Détail croustillant : Danone voudrait garder le Nutri-Score pour ses produits à consommer à la cuillère, mais selon l’AR qui en régit l’utilisation, c’est tout ou rien. Affaire à suivre !
Sans problème
Enfin, encore ceci. Imaginer des solutions à des problèmes qui n’existent pas est un modèle d’affaires qui marche. Et même Delhaize se laisse parfois prendre au piège. À l’instigation de leur fournisseur de frais Bakker (du groupe Greenyard), les Lions vont tester un rabat à chicons dans cinq magasins. Je vous entends déjà : un rabat à chicons ? Qu’est-ce que c’est encore que ce truc ? Et bien, je suis tombé par hasard sur un exemplaire en vacances, dans un magnifique Edeka (si l’entrepreneur est bon, ce sont vraiment les plus beaux supermarchés d’Europe – et oui, je ne peux pas m’en empêcher, même en vacances…).
Un tel rabat a pour but de protéger le chicon de la lumière et ainsi de lui permettre de conserver une blancheur immaculée. Il y a donc une photo du chicon dessus, pour monter aux clients qu’il y a bien de vrais chicons en dessous. J’imagine que la rotation des chicons est légèrement moins élevée dans le sud-ouest de l’Allemagne que chez nous, mais quand même… Les chicons légèrement décolorés posent-ils un problème dans nos (super)marchés ? En tant qu’acheteur expérimenté de chicons depuis des décennies, j’ose l’affirmer : pas du tout. A-t-on par conséquent besoin d’un rabat à chicons ? Un poisson a-t-il besoin d’une bicyclette ? Enfin, c’est mon avis ! À la semaine prochaine !