La commodité est bonne pour l’économie : après tout, la paresse est la poule aux œufs d’or de la numérisation. Le blurring, en revanche, est un non-sens marketing : l’horeca est un secteur à part. Quel est le point commun entre les boissons gazeuses et le dentifrice ? Filet Pur a encore appris des choses.
À sens unique
Il fut un temps où La Place avait une succursale prospère dans le Shopping Stadsfeestzaal, qui abrite aujourd’hui RetailDetail. Malheureusement, le restaurant a dû fermer ses portes en 2016 en raison de la faillite du propriétaire de l’époque, V&D. Les autres points de vente sont passés entre les mains de Jumbo. Et l’entreprise compte à nouveau d’autres actionnaires, car le Danger Jaune affine de plus en plus son orientation stratégique. Le groupe ne se retire pas complètement afin de continuer à vendre exclusivement les produits de la marque dans ses supermarchés, mais ne veut pas y consacrer trop de temps et d’énergie. Encore une migraine dont Ton van Veen voulait se débarrasser.
En effet, selon les initiés, la plupart de ces restaurants étaient déficitaires depuis des années, peinant à se remettre des vagues de confinement. En outre, la synergie avec la chaîne de supermarchés était principalement à sens unique : si Jumbo pouvait tirer parti de l’expertise de La Place en matière de services alimentaires, qui a permis de créer la formule Foodmarkt et les stands de pizzas dans les supermarchés, la chaîne de restaurants avait quant à elle peu à apprendre de son propriétaire à Veghel. Au contraire, l’entreprise était gérée avec la frugalité typique des supermarchés, ce qui n’a pas contribué à améliorer l’expérience ou l’offre. Le « blurring » est tentant, mais l’horeca n’est pas le commerce de détail. Je précise, je ne fais que citer les experts.
Assez désastreux
Il y a quelques années, j’avais poussé le vice jusqu’à qualifier La Place d’« un genre de Lunch Garden, mais pour les moins de quatre-vingts ans ». Pas très gentil de ma part, mais c’était bien avant que la CEO Ann Biebuyck n’entame son nécessaire exercice de restructuration et de rajeunissement de la chaîne de restaurants belge. Aujourd’hui, elle quitte le navire. Le chiffre d’affaires a retrouvé son niveau pré-Covid, mais le bilan est toujours assez désastreux, selon les initiés. Il n’empêche que sur LinkedIn, l’entreprise et la directrice se sont jeté des fleurs. Le successeur, Stephan Brouwers, pourrait commencer à assainir les finances. Peut-être pour préparer la chaîne à la vente, car l’actionnaire ICG avait annoncé depuis longtemps que cela ne devait pas durer trop longtemps.
Un changement au sommet se prépare également chez Aldi Nord à Essen, qui s’apprête à accueillir un nouveau directeur des achats internationaux. À noter : cette nouvelle recrue a travaillé chez Ferrero et chez son grand rival Lidl et ne cache pas son intention de centraliser encore davantage les achats, en particulier pour les marques de distributeur, qui ont déjà été fortement rationalisées ces deux dernières années. De meilleures conditions d’achat sont nécessaires garder des prix compétitifs, surtout dans les petits pays pesant moins dans la balance. Comme la Belgique, donc. Reste à voir si nous verrons moins d’assortiment d’origine locale.
Superlatif
Avide de commodité, laxiste, assisté, paresseux, mou… le consommateur est tout cela à la fois. Le superlatif de paresseux est commerce électronique. Crise du pouvoir d’achat ou pas, nous sommes de plus en plus nombreux à opter pour la livraison à domicile, moyennant un léger surcoût. Certes, ce n’est pas très cher, bien que les tarifs varient beaucoup. Si on trouve les meilleurs prix chez Colruyt, les frais de livraison y sont les plus élevés. Chez Crisp, c’est l’inverse, malgré l’ajout récent et plutôt sournois d’un supplément de service obligatoire.
Les experts qui avaient prédit que l’alimentation en ligne ne percerait jamais semblent donc s’être trompés. Au cours des prochaines années, les livraisons devraient à nouveau plus que doubler. Et la tendance se poursuivra certainement. Cela soulève donc des questions légitimes sur l’avenir des supermarchés physiques : ils peuvent en partie se transformer en centres de distribution locaux, mais cela ne suffira pas à rentabiliser tous les établissements. Attention : après la course à l’espace, qui bat son plein en Belgique grâce aux Hollandais, une vague de fermetures suivra bientôt, pour laisser la place à autre chose dans un processus de destruction créatrice. La disparition de Makro et d’une poignée de magasins Match n’était qu’un signe avant-coureur.
Clichés tenaces
Cette perspective n’empêche pas Colruyt Group de poursuivre ses manœuvres de rattrapage en ligne. La nouvelle hebdomadaire de Collect&Go arrivée hier était plutôt inattendue : le service de courses fait le lien avec la pharmacie en ligne Newpharma et la chaîne de fitness Jims. De quoi faire taire les analystes qui se sont plaints pendant des années du manque de synergie entre les différentes activités du groupe. D’ici quelques semaines, nous pourrons peut-être aussi commander des vélos chez Bike Republic via Collect&Go.
Enfin, encore ceci. Même la plus grande marque du monde n’atteint pas la moitié de la population mondiale, avons-nous appris cette semaine. En réalité, plus de gens se brossent les dents avec Colgate que leurs dents ne sont affectées par les acides du Coca-Cola. Il n’y a pas toujours un lien de cause à effet. À noter également : en Belgique, on mange plus de chips qu’on ne boit de sodas, parce que Lays est la plus grande marque ici. L’accord parfait avec la bière, n’est-ce pas ? Et pour rester dans les clichés : dans le pays du lait que sont les Pays-Bas, Campina est la marque numéro un. Je n’invente rien : il s’agit de données concrètes, tirées du rapport annuel Brand Footprint de Kantar. Disponible sur l’application RetailDetail.
El Sympatico
Cette étude rappelle chaque année aux spécialistes du marketing de relire l’ouvrage de référence des ouvrages de référence. En 2010, dans le livre How Brands Grow, l’expert en marketing Byron Sharp a démontré que la pénétration est la clé de la croissance d’une marque : atteindre plus d’acheteurs, opérer sur plus de marchés, offrir plus de catégories, cibler plus d’occasions de consommation. Cela explique pourquoi Coca-Cola continue obstinément à faire de la publicité malgré sa grande notoriété, ou pourquoi Maggi, troisième marque mondiale, cible maintenant la catégorie des cuisines asiatiques dans les supermarchés européens. Une lecture pour les vacances, pour ceux qui trouveront un moment de libre pendant l’été sportif qui s’annonce.
Entretemps, dans leur zèle opportuniste pour obtenir une part du gâteau de tous ces événements sportifs, les détaillants alimentaires se mettent mutuellement des bâtons dans les roues. En France, Carrefour revendique avec autorité les Jeux olympiques, tandis qu’en Belgique, c’est Delhaize qui tente de les accaparer, avec une nouvelle action d’épargne avec des peluches et un concours pour remporter des billets. À Zaventem, Carrefour tente de susciter l’enthousiasme autour de nos Diables Rouges éteints, tout comme Albert Heijn, qui a même fait appel à nul autre que Jean-Marie Pfaff, El Sympatico, aujourd’hui retraité, tandis qu’aux Pays-Bas, il se contente bien sûr de crier « Zet ‘m op Oranje ». Et ce télégénique supporter de football habillé en vieux Gaulois surnommé Obelgix s’avère être le copropriétaire du Delhaize de Wezembeek-Oppem.
Tout cela est confus, mais heureusement bien plus inoffensif que les querelles politiques lors des débats électoraux quelque peu déconcertants. Nous en sommes débarrassés. Du moins pendant un moment. Allez, n’oubliez pas d’aller voter dimanche et à la semaine prochaine !