Un dangereux virus circule dans le monde de la distribution alimentaire, mais il n’a vraiment rien à voir avec la Chine. De quoi s’agit-il alors ? Vous pouvez le lire dans le Filet Pur, la chronique qui clôture fébrilement une autre semaine enflammée du secteur des FMCG.
Concurrence : pas d’objection
Parfois on gagne, parfois on perd : le nouveau Jumbo de Gand-Nord se fera encore attendre un certain temps. En cause : des problèmes liés à la demande de permis. La ville trouve le projet trop volumineux en termes d’espace et demande au retailer de construire en hauteur. Il devra donc s’agir d’un supermarché à plusieurs étages : ce qui pourrait bien déboucher sur un concept original.
En revanche, à Heusden-Zolder (à ne pas confondre avec Heusden près de Gand), le conseil municipal n’a pas émis la moindre objection : comme les environs immédiats ne comptent que les magasins Aldi, Lidl, Carrefour Market et Erpa (un magasin de spécialités turques), la population pourrait avoir besoin d’une option supplémentaire. Évidemment ! Mais le Danger jaune voit également du potentiel à Roulers : Colruyt, Delhaize, Lidl, Aldi, Albert Heijn et Carrefour Market, entre autres, y prospèrent déjà, il doit donc certainement rester de la place pour un discounter de luxe néerlandais. De plus, Colette Van Eerd promet que le webshop belge arrivera bientôt. Holà ! Jumbo se propage-t-il en Belgique à la vitesse de ce fameux Coronavirus ? Pourra-t-on bientôt parler de Fièvre Jaune ?
Une illusion vide de sens
Du calme ! : tous ces projets doivent encore être construits, par souci de clarté, et même démolis, dans certains cas. À Roulers, les habitants ont récolté de nombreuses signatures pour s’opposer à la construction d’une nouvelle enseigne. Pour parler franchement : cette centaine de succursales attendues en cinq ans, ça va être un sacré boulot. Qu’ils puissent en inaugurer douze cette année, ou même quinze : je ne parierais pas mon argent là-dessus. Un vendeur m’a récemment confié que la prochaine devrait ouvrir en avril. Il pourrait s’agit d’une fake news, mais quand même.
Regardez : les collègues de chez Albert Heijn, tout aussi confiants et ambitieux à la manière hollandaise, ont réussi à ouvrir exactement 49 magasins depuis 2011. Même en ajoutant les huit enseignes qu’ils ont dû vendre pour fusionner avec Delhaize, on est encore loin de la centaine, et ce en presque neuf ans de temps. Les retailers se laissent parfois tenter par la politique d’annonce. Mais les procédures d’octroi de permis exigent beaucoup de patience dans ce pays sans gouvernement, et les franchisés ne sont pas pressés de franchir le pas, bien qu’ils pourraient déjà le faire de manière contractuelle. En bref : dix grands supermarchés par an sont un exploit, vingt semble être une illusion.
« 90 % du travail est fait »
Et tout cela dans un marché plus que sursaturé. C’est ainsi que les médias voient les choses : le week-end dernier, le Financieele Dagblad — avec la complicité de RetailDetail — est allé prendre la température en Campine à la suite de l’offensive belge de AH et de Jumbo : « Cette invasion va faire mal », a-t-on entendu dire là-bas. Mais aussi : « le Jumbo de Rijkevorsel est terriblement vide. » Lundi, le journal De Morgen en a remis une couche : « Albert Heijn et Jumbo bouleversent le monde des supermarchés en Belgique ». Les grands mots tels que « guerre des supermarchés », « marché d’éviction » et « bain de sang » ne manquent pas. Et à chaque fois la question : qui va perdre ? Eh bien, tout le monde. Il y a tout simplement trop de mètres carrés de supermarchés dans le pays. Les coûts augmentent, les marges diminuent, le commerce électronique et les entreprises de livraison de repas rongent le chiffre d’affaires… Alors : il faut changer de cap. Et ça fait mal.
Pour tout le monde. Il suffit de demander aux employés de Cora France, chez qui plus d’un millier d’emplois sont menacés. Que faire des grands hypermarchés ? Ce n’est pas un petit problème, vous attraperiez de la fièvre pour moins. Au sein du franchisé Carrefour Groupe Mestdagh, nous apprenons que le plan de redressement nécessaire porte ses premiers fruits. À tel point que son CEO Guillaume Beuscart considère qu’il est grand temps de relever un nouveau défi : « 90 % du travail est fait », aurait-il déclaré.
Infection bactérienne
Ce dernier point n’est nullement vrai pour Sainsbury’s : cette semaine, la chaîne britannique a annoncé fièrement avoir l’ambition de devenir climatiquement neutre d’ici 2040. Ils vont investir 1 milliard de livres à cet effet. La recette ? Plus d’énergie renouvelable, moins d’eau et de plastique, plus de recyclage, moins de gaspillage de nourriture. Mais attendez un peu : 2040 : N’est-ce pas beaucoup trop tard ? Delhaize y arrivera d’ici fin 2021, non ? Avec un peu d’aide de Greenyard, également : la coopération entre les deux partenaires se concrétise réellement maintenant et doit se traduire par une plus grande efficacité ainsi que par la présence de fruits et légumes plus frais dans les magasins. Nous sommes curieux.
Des prix malades : nous ne savons pas s’ils sont affectés par une infection virale ou bactérienne, mais ils existent, si se fie à la nouvelle campagne de Carrefour. Après tout, cette dernière se concentre sur le contraire, à savoir des « prix sains ». Qu’est-ce que sont les prix sains exactement ? « Des petits prix avec de grands principes », apparemment. On peut se demander si cette campagne va devenir virale, mais il ne faut pas avoir besoin de lunettes pour déceler la critique à peine voilée de la surenchère de prix conduite aveuglément par les nouveaux arrivants hollandais. Ou bien sommes-nous trop réducteurs ?
Bouleversant
Les observateurs ont parfois pitié de Carrefour, appelé « l’homme malade » du commerce de détail alimentaire, mais il faut leur accorder une chose : depuis qu’Alexandre Bompard a présenté au monde son ambitieux programme « Act for Food » (quoiqu’à la française, c’est-à-dire avec une grandiloquence bouleversante), tout le monde regarde plus ou moins dans la même direction. Cela a été différent autrefois. Ne les achevez pas tout de suite.
C’est pourtant ce que certains font avec AB InBev, le plus grand brasseur du monde : les investisseurs nerveux se débarrassent de leurs actions par crainte que ce mystérieux virus chinois ne condamne la bière du même nom. Dans le même genre : dans le Chinatown d’Anvers et ailleurs, les propriétaires de restaurants chinois se plaignent que les clients restent à l’écart, par peur. Et on n’invente rien. Eh oui, la peur et la stupidité sont encore plus contagieuses que l’épidémie du coronavirus. Voici un petit détail intéressant pour conclure : il existe des bactéries utiles, mais l’existence de virus utiles n’a jamais été prouvée. Pensez à ce que l’humoriste incomparable et décalé Bill Hicks, a dit de l’humanité : « We’re just a virus with shoes » (Nous ne sommes que des virus portant des chaussures). Alors mieux vaut nous éviter. À la semaine prochaine !
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