Les détaillants alimentaires sont stupides, et les discounters encore plus : les augmentations de prix sont bonnes, c’est tout. Les consommateurs les adorent. Les faillites sont un problème purement wallon. Et méditer rend malade. Le rapport entre ce dernier point et la semaine FMCG ? Filet Pur vous dit tout !
Modèle gratuit ravageur
On peut dire beaucoup de choses des médias mainstream, mais ils lisent fidèlement RetailDetail. Eux aussi ont découvert, non sans un léger retard, notre analyse sur les campagnes plutôt agressives des marques de distributeur de Carrefour et Lidl. Nous avons donc dû l’expliquer à nouveau : dans Het Nieuwsblad d’abord, puis un peu plus en profondeur dans Het Laatste Nieuws et enfin avec le son et l’image de notre femme forte dans VTM Nieuws. Il n’y a bel et bien qu’une seule adresse pour toutes vos questions sur l’actualité du commerce de détail.
En tant que discounter, vous pouvez vous en prendre à Finish, Nutella, Iglo ou Philadelphia pour leurs prix outrageusement élevés, mais vous devez vous assurer que vous gagnez encore quelque chose lorsque vous commercialisez vos marques de distributeur. Plus facile à dire qu’à faire : Lidl a enregistré une perte sans précédent en Belgique au cours de son dernier exercice. Baisse du chiffre d’affaires, hausse des coûts, la couleur est annoncée : rouge sang. À en juger par les promotions XXL, les fresh deals, les deals de marques, les week-end deals et autres alarmes promotionnelles, le détaillant ne compte pas renoncer au modèle gratuit de sitôt.
Chips avec le coca
En principe, les clients sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les discounters, mais cela sera-t-il suffisant ? Une constatation qui reste d’ailleurs encore à prouver. Lorsqu’Aldi nous annonce dans un communiqué de presse qu’il ressort d’une petite enquête interne que les consommateurs vont à nouveau plus souvent chez Aldi, nous fronçons les sourcils. Montrez-nous donc les chiffres de Nielsen, pensons-nous. Mais il s’agit du secret le mieux gardé de l’univers des produits de grande consommation en Belgique. Nous n’avons donc pas publié ce communiqué, mais ceux qui achètent un billet pourront poser la question à la responsable de la gestion des catégories la semaine prochaine lors du très intéressant Trade & Shopper Marketing Congress de RetailDetail et LD&Co. Vous venez aussi, n’est-ce pas ?
Laissons donc ces détaillants s’inquiéter du pouvoir d’achat de leurs malheureux clients. Qui ne s’en soucie pas le moins du monde ? Roulements de tambour : PepsiCo, la multinationale qui donne traditionnellement le coup d’envoi de la saison des résultats trimestriels. Et cette fois-ci avec un tir imparable, en pleine lucarne : une augmentation de 9 % du chiffre d’affaires malgré une baisse de 1 % du volume. Vous savez ce que ça veut dire : les consommateurs avalent ces augmentations de prix comme des chips avec leur coca. No problemo. Même si les prix sont multipliés par trois, les consommateurs ne vont pas troquer leurs Lays Max croustillants contre des chips Pirato Ribble, n’est-ce pas ?
Un luxe
En temps de guerre, le pouvoir de tarification est un luxe, comme nous le constaterons prochainement lorsque les autres multinationales présenteront fièrement leurs chiffres solides. Cela n’apaisera peut-être pas l’ambiance lors des négociations de fin d’année, mais who cares ? Certainement pas les fabricants de marques : crying all the way to the bank.
Mais la situation actuelle en Allemagne est réellement sans précédent : Mars a tout bonnement retiré l’intégralité de sa gamme d’Edeka et de Rewe, les deux plus grandes chaînes de supermarchés du pays. Environ 400 références. Ça, c’est faire la guerre. Pour sa part, Rewe a également mis Kellogg’s, et d’autres, à la porte. Il n’y a pratiquement plus de marques A dans les rayons. Continuer à tirer jusqu’à épuisement des munitions : comme en Ukraine, donc.
Un problème francophone
Attention : « The end is nigh ». Ce n’est pas moi qui le dis mais Aplsia, rejoint par les défenseurs des boulangers, bouchers et établissements horeca au sud de la frontière linguistique. Les détaillants alimentaires ne peuvent plus payer leurs factures énergétiques et ne voient pas d’issue : un supermarché qui débranche le réfrigérateur met en péril la santé de ses clients et un boulanger sans four n’est tout simplement plus un boulanger… Ils se dirigent en masse vers une faillite inévitable ce qui, dans le pire des cas, coûtera 300 000 emplois.
Des emplois francophones, pour couper court à toute ambiguïté. Parce qu’il n’y a pas eu un seul Flamand en vue pendant toute la conférence de presse. C’est fou, non ? Certes, ces fédérations ne s’adressent déjà plus la parole. Ou peut-être se disent-elles que la Flandre est suffisamment riche pour surmonter cette crise énergétique sans encombre ? C’est ce que quelqu’un semblait suggérer dans L’Echo. Je crains que le son de cloche soit tout autre dans les mois à venir. Ce remaniement tant attendu arrive, mais reste à savoir si nous devons nous en réjouir.
Deux fois rien
Nettement moins touchés par cette crise énergétique : les acteurs du commerce électronique. En effet, ils n’ont pas des centaines de magasins à refroidir et à chauffer. La boutique en ligne finlandaise Foodello tente donc sa chance : après des débuts soi-disant « réussis » aux Pays-Bas (les chiffres ne nous ont bien sûr pas été communiqués), elle débarque en Flandre. Son modèle commercial : vendre les stocks excédentaires presque périmés à un prix fortement réduit. Dans l’assortiment, des lettres en chocolat de l’année dernière, par exemple. Mais, en toute honnêteté, tous les prix ne me semblent pas incroyablement bas. Et on est évidemment loin du guichet unique : une destination pour les chasseurs de bonnes affaires qui n’ont pas assez d’argent et trop de temps à perdre.
Le succès est également au rendez-vous pour Crisp, le marché en ligne de produits frais qui est sur toutes les chaînes de télévision flamandes ces jours-ci. Non pas qu’il donne des chiffres très concrets. Le nombre de clients a doublé, certes, mais que commandent-ils et à quelle fréquence ? Le double de trois fois rien, cela reste deux fois rien. Nous avons néanmoins obtenu un chiffre : 75 millions. Le capital de croissance. Aucune information sur les bénéfices ou les pertes, bien sûr : il s’agit d’une start-up, brûler de l’argent est une composante essentielle du modèle économique. Posez la question à Getir et à la chaîne en voie de disparition Gorillas : les limites de votre croissance finissent toujours par vous rattraper. Et ensuite, un perdant doit sauver l’autre. Mais comment se sortir de deux puits profonds ? Pas avec un modèle économique douteux, évoluant dans un vaste océan de magasins de proximité et de nuit qui servent déjà les clients presque 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à chaque coin de rue dans tous les centres-villes, il me semble. C’est sans espoir.
Diarrhée
Et ce n’est pas tout. Le week-end dernier, ce n’est pas un mais deux PDG du secteur de la distribution alimentaire qui ont accordé de longues interviews à la presse, l’un à De Standaard et l’autre à De Morgen. Tous deux ont envoyé le même message clair aux fabricants de marques : « Grâce à nos marques de distributeur, nous sommes également producteurs et avons une bonne visibilité de l’évolution des coûts. Si notre calcul indique qu’un produit est 8 % plus cher et que le fabricant de marque demande 15 %, nous le confrontons », a déclaré Frans Muller d’Ahold Delhaize. Voilà qui est clair. Le PDG entrevoit de nouvelles opportunités d’acquisition alors que les concurrents menacent de s’effondrer. Mais pas avec Albertsons.
C’est un Jef Colruyt soupirant qui a pu s’exprimer librement dans De Morgen. Pas de questions critiques, plutôt une conversation amicale qui a habilement évité des termes comme « marge », « cours de l’action » et « garantie du meilleur prix ». Selon le PDG qui n’est pas près de prendre sa retraite, il n’y a pas de guerre de supermarché, tout au plus quelques discussions animées. « En général, nous trouvons des solutions. » Un véritable soulagement. Il a ensuite pu aborder en long et en large sa quête spirituelle. On s’en serait passé : la méditation donne la diarrhée, paraît-t-il. Merci pour l’info, Jef ! Cette action a été sauvée ! À la semaine prochaine !