Café, chips, chocolat ou biscuits : pourquoi les marques se plantent-elles sans cesse ? Que fait ce vilain petit canard dans le rayon des légumes ? Et quelles sont les intentions du leader du marché après cette surprenante opération immobilière ? Tant de questions pour un seul Filet Pur !
Jus de chaussette
Douwe Egberts est-elle toujours une intouchable marque A ? On peut se poser la question : après tout, un tel statut se mérite tous les jours. Si la multinationale quelque peu sur les charbons ardents n’a pas tort de se plaindre du zèle parfois excessif des acheteurs des supermarchés, le véritable problème réside sans doute dans le manque de renouvellement au sein des marques. À quand remonte la dernière véritable innovation ? Senseo a vu le jour en 2001, juste pour préciser. Et dans ce cas, c’est ce qu’on obtient : du jus de chaussette.
Les chaînes de supermarchés de l’Europe entière n’ont aucune envie d’accepter les yeux fermés des hausses de prix qu’elles jugent « excessives » de la part de la marque, quitte à laisser des espaces vides dans les rayons. Delhaize est le dernier nom à s’ajouter à une liste désormais assez longue. Les consommateurs achèteront la marque de distributeur. Non que le grand rival Nestlé, le plus grand vendeur de café au monde, n’ait pas de problèmes, mais les marges y sont d’un tout autre ordre. C’est la différence entre vendre des capsules d’une marque de luxe branchée à des prix au kilo défiant la raison et mettre des paquets de grains moulus dans les rayons des supermarchés où ils doivent croiser le fer avec les marques de distributeurs. Une bataille dans laquelle JDE Peet’s semble perdre du terrain. La guerre n’est pas encore perdue, mais les perspectives restent incertaines.
Pas une balle
Idem pour PepsiCo : les pauvres consommateurs commencent à rogner sur les chips et les sodas. Une bonne nouvelle pour la santé publique, une moins bonne pour le business. Des emballages plus petits – et donc moins chers à l’unité – doivent inverser la tendance, de même que des multipacks bon marché et de nouveaux arômes encore plus alléchants. Vous avez raison, c’est bien de l’innovation. Mais cela ne résout pas tout non plus : on ne peut pas certainement pas reprocher à Mondelez d’en manquer, mais l’augmentation sans précédent des cours du cacao pèse lourdement sur les bénéfices. Il est à craindre que le chocolat devienne bientôt un produit de luxe sous l’effet de l’inflation climatique.
Préférez alors un produit de luxe honnête, hurle Tony’s Chocolonely. Leur usine américaine s’est avérée un coup de maître dans le contexte de hausse imminente des droits d’importation, et avec de nouveaux clients comme Colruyt et Waitrose en Europe, le pionnier du commerce équitable a enregistré un chiffre d’affaires record. Mais gagner de l’argent ? Holà. Gagner de l’argent, on ne le fait pas (plus) chez Droste non plus : la marque de niche pourtant emblématique ne trouve pas de repreneur et risque de disparaître définitivement. Ben oui, tout a une fin, et une tablette de chocolat en a même deux. Droste a pourtant écrit l’histoire du design avec « l’effet Droste », un effet visuel sur les emballages consistant à reproduire indéfiniment une image à l’intérieur d’elle-même. Eh oui, on en apprend tous les jours avec Filet Pur. Vous me remercierez plus tard.
Phénoménal
Mais il faut dire les choses telles qu’elles sont : les entreprises susmentionnées ressemblent toutes à de pitoyables amateurs. Du moins si l’on compare leurs piètres performances à celles d’une modeste biscuiterie est-flandrienne qui a encore enregistré une croissance à deux chiffres l’an dernier – et pas grâce à de fourbes hausses des prix, mais en raison d’une explosion phénoménale des volumes. Le directeur Jan Boone l’a souvent dit : le spéculoos étant aussi irrésistible que le coca pour la quasi-totalité de la population mondiale, the sky is the limit.
Même si ce n’est pas tout à fait vrai : malgré une popularité au zénith, Lotus Bakeries table pour cette année sur une croissance en volume de « seulement » 10% pour son Biscoff. La raison ? Les lignes de production de Lebbeke ne peuvent plus répondre à la demande et la nouvelle usine en Thaïlande n’est pas encore achevée. Aïe. C’est donc aussi une bande d’amateurs, finalement. C’est du moins ce qu’en ont pensé les investisseurs : la publication des résultats a été suivie de la pire séance boursière depuis longtemps pour l’action.
Sur papier
Alexandre Bompard en personne a posé en vendeur au porte-à-porte amateur pour annoncer que Carrefour abandonnait totalement le dépliant papier sur son marché domestique. 15.000 tonnes de papier par an : c’est néfaste non seulement pour l’environnement, mais aussi pour la comptabilité. Et tout le monde a quand même WhatsApp, non ? Donc. On sait que quand il pleut à Paris, il bruine à Bruxelles, mais nos supermarchés ne sont pas encore prêts à se débarrasser complètement du prospectus papier, nous l’avons vérifié. Ils ont quand même divisé par deux leur consommation de papier. Un phase-out, comme on dit. Ou la peur de l’inconnu ?
« Je ne pense pas qu’ils puissent encore m’avoir. C’est à peu près le seul avantage de vieillir », avait déclaré l’année dernière la toujours aussi brillante Annick Van Overstraeten lors d’un événement Captains of Retail organisé par RetailDetail. On ne peut en tout cas pas l’accuser d’amateurisme. Et voilà qu’elle réapparaît chez Lunch Garden, dont elle avait claqué la porte il y a cinq ans. « Un non-événement », commente-t-elle, mais ce n’est évidemment pas le cas : son retour est plus que symbolique. Des applaudissements retentissent à Edegem, où les clients poussent un soupir de soulagement maintenant que les franchisés ont réussi à convaincre le nouveau propriétaire avec un business plan concluant. Mais cela n’a pas fonctionné à Hasselt.
Bouillie verte
N’avez-vous pas envie vous aussi d’en savoir plus après cette méga-opération immobilière dont nous ne pouvons pas connaître la portée financière ? Que compte faire Colruyt de ces anciens sites Makro ? L’entreprise reste très discrète sur ses intentions, même Willy Naessens se perd en conjectures, mais les vagues allusions à un « possible nouveau concept de magasin » n’ont pas échappé à notre attention. Mon petit pronostic : compte tenu de leur passé B2B, ces installations parfaitement situées ne pourraient-elles pas offrir des perspectives intéressantes pour une sorte de Colruyt Professionnels XXL ? Une sorte de Makro tel que Makro était censé être ? Retour vers le futur ou voie de la moindre résistance : la concurrence dans le secteur du food-retail ne fait que s’intensifier, mais dans l’univers bien plus fragmenté du food-service, il existe encore de nombreux amateurs remplis de bonnes intentions avec lesquels il est plus facile de rivaliser.
Sans transition, encore ceci. Cela ressemble à de la bouillie verte et c’est plutôt insipide, mais si c’est assez bon pour les canards, ça l’est aussi pour nous : les lentilles d’eau deviennent le nouveau filet pur. Car oui : riches en protéines, bourrées de vitamines et de minéraux, se reproduisent à la vitesse de l’éclair, culture durable – de quoi oublier qu’il s’agit au fond de nourriture pour oiseaux nageurs. À en juger par les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui l’attendent avec autant d’impatience que des vacances à la plage sur la Riviera de Gaza. Du calme, les amis. Ce n’est qu’un légume. Cela ne vous fera pas cancaner et vous n’attraperez pas une duckface. Seule l’association avec Donald risque d’être un peu difficile sur le plan marketing. À la semaine prochaine !