Être en retard c’est être à l’heure, une opportunité manquée reste une opportunité, une grève est une invitation amicale à la consultation : voilà comment pourrait se résumer la semaine très agitée de la distribution alimentaire. C’est l’heure d’un Filet Pur bien grillé.
Pas sur TikTok
Une curieuse tendance est apparue ces derniers jours. De beaux exemples de remise en question aussi. Les paresseux se sont proclamés champions. Les détaillants désespérément à la traine se disent être largement en avance. Oui, les retardataires sont les nouveaux précurseurs. Les perdants sont les nouveaux gagnants.
Du moins si l’on en croit Aldi. Cette semaine, le discounter a annoncé une grande nouvelle : il débarque sur les réseaux sociaux. Vous ne rêvez pas : en 2020, Aldi ouvre un compte Facebook et un compte Instagram. D’une pierre deux coups ! Chapeau bas ! Le tout dernier détaillant à sauter le pas, donc. « Enfin », ont-ils reconnu loyalement. Nous l’avons publié. Note de bas de page : Facebook existe depuis 2004. La moitié de la population mondiale l’utilise. Surtout la moitié la plus âgée : votre grand-mère, votre oncle ivre, et bien sûr beaucoup de Karens. Et que dit Aldi ? « Avec les réseaux sociaux, nous sommes convaincus que nous pouvons atteindre notre public cible plus jeune encore plus efficacement et plus rapidement. » Les jeunes ? Ils les évitent à tout prix. Ils sont sur TikTok. Pour autant que Jacques Vermeire ne les fasse pas fuir avec ses pas de danse effrayants.
La seule bonne voie
Autre adepte de ce raisonnement : Colruyt Group. Si le détaillant décide enfin d’abandonner Collishop à l’agonie, ce n’est pas parce qu’il a réalisé beaucoup trop tard que le commerce électronique avait du potentiel. Ce n’est pas non plus parce qu’il n’est absolument pas en mesure de faire le poids face à Amazon (lancé en 1994) ou à Bol.com (lancé en 1999). Qu’on ne dise pas que Collishop est une opportunité manquée. Loin de là : c’est justement pour devenir bien plus pertinent que ces gigantesques plateformes web leaders que Colruyt choisit la seule bonne voie, celle de la spécialisation. C’est là que se trouve l’avenir, pas à Seattle, et encore moins à Utrecht. Voilà. Vous savez tout. (Soit dit en passant, si vous voulez lire une critique assassine sur cette décision, vous devriez aller voir sur De Tijd. Conseil d’ami.)
C’était déjà le troisième communiqué de presse après clôture de la bourse en trois semaines pour Colruyt Group. Ils ne tiennent décidemment pas en place à Halle. Jef les fait cravacher. Mais donner une explication sur le différend commercial long de sept mois avec la plus grande entreprise de boissons au monde, désormais enfin résolu: il ne l’a pas jugé utile. Une brève communication à Belga, tout au plus. Deux phrases, et emballé s’est pesé.
Prochaine victime
Chez Coca-Cola, c’était motus et bouche cousue. C’est vrai, qu’y a-t-il à dire ? Ils ne vont pas rien révéler de leur accord. Ne pouvons-nous pas savoir qui a gagné cette partie de bras de fer ? C’est simple : selon la science, ils sont tous perdants. Et selon les intéressés, c’est une situation gagnant-gagnant, pour encore mieux servir le consommateur. Nous devrons nous en contenter. Un pronostic sur la prochaine victime d’ Agecore?
En tout cas, le fabricant de sodas se lance dans une opération de réduction : il a spontanément choisi de retirer de sa gamme la marque de thé glacé bio Honest. Ce coronavirus oblige les entreprises à se concentrer sur leur principale activité et à renoncer à tous les chouettes extras. Honnête était peut-être juste et durable, mais elle était surtout trop petite. Et elle s’est même mise en travers du chemin du fer de lance Fuze Tea. Rayée de la liste, donc.
Accrochés à la bouteille
Cependant, ce même coronavirus ne nuit pas au commerce alimentaire : les ventes de vin dans nos supermarchés ont augmenté d’un bon 9%, et même d’un peu plus chez Carrefour. Le grand perdant de ces dernières années peut donc se déclarer vainqueur du confinement, en particulier grâce aux magasins de proximité: les gens étaient tellement accrochés à leur bouteille pour noyer leur malheur qu’ils pouvaient à peine prendre la voiture pour se rendre à l’hypermarché.
Chez Delhaize aussi, l’alcool s’est vendu comme des petits pains. Bien qu’il n’y ait pas grand-chose à fêter, les gens continuent à acheter du champagne, semble-t-il. Et la croissance des vins belges est spectaculaire. Ils ne représentent pourtant pas grand-chose en termes de volume : le détaillant prévoit une vente de 50.000 bouteilles belges cette année. Alors qu’il a vendu un demi-million de vins en bag-in-box depuis le mois de mars seulement, qui ont certainement tous été sifflés. En bref : Les vins belges sont les triomphants retardataires du secteur.
Pas à vendre
Dans le fond, heureusement que nous avons du vin puisque l’approvisionnement en bière pourrait être mis à mal dans les prochains jours, en raison de contaminations par le coronavirus et de blocages chez AB InBev. La querelle atteint des sommets vertigineux. Pour couronner le tout, le géant brasseur cherche un nouveau patron.
Avec Carlos Brito, un futur leader est déchu : il a transformé le brasseur en une gigantesque banque qui se retrouve par hasard à vendre des pintes mais, dans le monde de la bière, ce qui est petit est grand. Les brasseries artisanales grignotent des parts de marché et leur âme n’est pas à vendre. Ironiquement, le gestionnaire, connu pour sa politique rigoureuse de réduction des coûts, n’a eu aucun problème à sortir l’épais portefeuille pour des acquisitions bien trop coûteuses, laissant le groupe avec une montagne de dettes et un gros mal de tête.
Tout de même gagnant
Tout comme les employés de magasin de Makro. Vous avez vu le dépliant ? Une grande opération de destockage est en cours cette semaine. Vu l’opération de destockage parmi le personnel, ils devaient s’attendre aux remarques sarcastiques. Les grèves de la semaine dernière se sont poursuivies, mais une consultation est prévue. Pas trop tôt, selon notre experte juridique, qui publiera désormais des conseils hebdomadaires en lien avec l’actualité du commerce de détail : une meilleure communication de la part de la direction aurait pu éviter bien des déconvenues. Elle souligne subtilement que 2020 est une année d’élections sociales, ce qui alimente parfois la propension au profilage.
J’y pense : chaque année aux alentours du Nouvel An, la rédaction demande à un groupe d’experts en commerce de détail de prédire comment sera la nouvelle année pour le secteur. Inutile de dire que, pour cette année, ils se sont tous trompés : aucun d’entre eux n’a prédit la flambée de ce virus, actif depuis la fin de l’année 2019. Quelle bande de looseurs. Mais à tout seigneur tout honneur : un expert pourrait bien avoir raison en prédisant que 2020 sera « l’année des grèves ». Devinez qui. Nous avons donc bien un gagnant : donnez-lui une Duvel. À la semaine prochaine !
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