Les fabricants et les détaillants se chamaillent : pas seulement pour l’augmentation des prix, mais aussi pour savoir qui détient réellement le pouvoir. Qui fait chanter qui ? Toucherait-on le fond ?
Buziness is buziness.
« Pas d’argent, pas de spéculoos » : tel était cette semaine le message simple, clair et sans équivoque de Jan Boone, le grand patron des biscuits spéculoos. En termes plus spécifiques et plus concrets : « Si un client n’accepte pas les tarifs plus élevés, nous ne libérons aucune capacité de production pour lui. » Un avertissement lancé aux détaillants qui lisent parfois un journal économique.
Pour les autres, il y avait RetailDetail. Dire qu’il s’agissait d’un « ton menaçant » était peut-être un peu exagéré : ce n’était ni plus ni moins qu’une communication commerciale. « Buziness is buziness. » , comme le répète un fabricant de saucisses renommé depuis des décennies. Si les coûts augmentent, le prix augmente. Point. Et ceux qui ne sont pas prêts à payer le prix fort n’ont qu’à acheter ailleurs leurs biscuits zébrés et leurs frangipanes. Ils reviendront vite.
Doigt d’honneur
Lotus Bakeries fait donc preuve d’une impressionnant confiance en soi dans ses relations clients. Un peu à l’instar de L’Oréal: « Parce que je le vaux bien ». Pas difficile, après une si belle année. Le fabricant de biscuits est d’ailleurs loin d’être le seul. Unilever continue également à faire allusion à des augmentations de prix. Le groupe a gagné beaucoup d’argent l’année dernière, mais ne le dépensera pas pour de nouvelles acquisitions pour l’instant. Les marges sont sous pression, de nouvelles augmentations de tarifs sont donc à prévoir.
Où est passé le temps où les fabricants pleuraient parce qu’un détaillant venait de supprimer quelques références des rayons ? Désormais, ils cessent tout simplement de les livrer et leur font un doigt d’honneur. Comme Jacobs Douwe Egberts, qui a refusé de continuer à servir les magasins Intermarché français tant qu’il n’y avait pas d’accord sur les hausses de prix demandées. Un juge a dû intervenir. Ce qui se passe entre Tesco et Colgate Palmolive reste flou pour l’instant, mais il est fort probable que le boycott vienne du fabricant : toute la gamme a tout simplement disparu. Très fort ! Et, en Allemagne, les fabricants en ont assez des pratiques d’achat d’Edeka et de Picnic.
Pas forte impression
Le pouvoir de la tarification est l’essence du secteur. Car oui, c’est frappant : la perception semble avoir changé. C’est ce qui arrive en période de pénurie. Les détaillants ont peu d’options, maintenant que littéralement tous les fabricants avancent les mêmes demandes tarifaires. Et, après les batailles de consolidation ces dernières décennies, il ne reste plus beaucoup de fabricants. Les acheteurs en sont donc là : la menace ne fait pas forte impression si vous n’avez pas de « BATNA » dans votre manche, ou Best Alternative to Negotiated Agreement… On en apprend des choses avec Filet Pur. Et c’est donc le cas aujourd’hui : « Les acheteurs ont en fait beaucoup moins d’options qu’ils ne le prétendent », comme l’a dit un expert.
Les grandes chaînes de supermarchés vont devoir s’y faire. Toutefois, les nouveaux rapports de force pourraient ne s’appliquer qu’aux acteurs vraiment forts. En effet, selon une récente enquête de la Fédération de l’industrie alimentaire, pas moins de 80 % des entreprises sont confrontées à l’une ou l’autre forme de chantage de la part des grands méchants détaillants. On connait la chanson.
Estomac vide
À peine l’article était-il en ligne que Comeos et Fevia ont commencé à se disputer à son sujet. Ouvertement. Sur Twitter. Où tout le monde se dispute constamment avec tout le monde, certes. Mais quand même. « Du chantage ? C’est l’inverse », affirment aujourd’hui les détaillants, trop heureux de se présenter comme le « syndicat des consommateurs ». Si même les fédérations professionnelles qui négocient habituellement calmement s’échauffent, c’est la fin des haricots.
Heureusement, dans notre pays, nous avons un leader du marché qui garde son sang-froid en toutes circonstances. Colruyt ne serait pas Colruyt s’il n’avait pas une solution toute prête pour le consommateur au budget serré : « Ne faites pas vos courses l’estomac vide », conseille notamment une publicité. Littéralement. Un peu maladroit : comment faire si on ne peut pas payer l’addition ? Le groupe ne voulait probablement pas être aussi cynique.
Bataille d’arrière-garde, bis
Alors qu’on pensait cette folle discussion terminée, après le verdict du Parlement européen, nous y revoilà : notre cher gouvernement fédéral, qui n’a apparemment rien de mieux à faire ces jours-ci, travaille sur une interdiction des appellations de viande pour les substituts de viande. Les consommateurs confus pensent qu’ils achètent de la viande, et rentrent chez eux avec du super hâché de chez Le Boucher Végétarien. Dans un emballage sur lequel il est écrit Le Boucher végétarien en grosses lettres, en effet.
Encore un autre combat d’arrière-garde de l’industrie de la viande. Ça devient fatigant. Dans son Green Deal, l’Europe montre la voie vers un mode de vie plus végétal, mais les États membres peuvent lui mettre des bâtons dans les roues. Parce que seuls les substituts de viande peuvent induire en erreur, bien sûr : « Il n’y a pas de viande d’oiseau dans l’oiseau sans tête », déclare Hugo Verkuil, PDG du Boucher végétarien. Exact. Le jour où je trouverai de vrais morceaux de reine dans mes bouchée à la reine, nous en reparlerons.
Le futur Japon
Toutes ces bêtes anecdotes détourneraient presque notre attention de l’information peut-être la plus importante de la semaine : l’âge moyen des Belges sera de 45,5 ans en 2070. L’espérance de vie sera alors de 90 ans pour les femmes et de 88 ans pour les hommes. Le nombre de personnes de plus de 80 ans aura doublé. Bref : La Belgique est le futur Japon. Une société grise, sclérosée, qui peine à bouger.
Ça ne changera pas grand chose, me direz-vous, mais quand même. Faites de la place pour un rayon pour personnes âgées à côté de l’alimentation pour bébés. Si cela existe pour les chats, pourquoi pas pour les humains ? Des repas enrichis en nutriments essentiels qui ne doivent pas être mâchés : belle perspective. Il faut s’y habituer. Et commandez des robots pour remplir les étagères, car il n’y aura plus de jeunes pour le faire. Vous êtes prêts ? C’est ce que je craignais ! À la semaine prochaine !
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