Une nouvelle guéguerre cette semaine. Mais cette fois une guéguerre végétale. Et si l’on sait que les consommateurs ne savent pas compter, certaines marques et enseignes du foodretail ont vraiment la bosse des maths, comme l’a découvert Filet Pur, calculatrice à l’appui.
Assez ennuyeux
Les Doomsday Preppers, ce sont ces gens qui se préparent à l’apocalypse, à la fin du monde tel que nous le connaissons. À ne pas confondre avec les Mealpreppers, terme qui désigne celles et ceux qui se préparent à avoir faim le jeudi soir en cuisinant pour toute la semaine le dimanche. Et constituent ainsi un stock de repas frais à l’avance. Histoire de ne pas succomber à la tentation d’un truc bien gras livré devant la porte — vous ne voulez pas être complice de l’exploitation des coursiers à vélo, quand même ?
Manger sain n’a rien de difficile à condition de s’en donner les moyens. Par exemple en utilisant l’application Mealprep.co.uk, disponibles désormais en Flandre, qui propose des centaines de plats sportifs et de remise en forme pour les consommateurs qui ont des besoins alimentaires spécifiques. Si HelloFresh peut gagner de l’argent avec le prêt-à-manger, ils peuvent en faire autant. L’arrivée de cette start-up n’a rien d’un événement, mais est une bonne illustration d’une tendance de plus en plus nette : une myriade de petits acteurs de niche se lancent aujourd’hui dans la bataille pour les parts d’estomac. Et ravissent ainsi d’infimes pourcentages les ventes aux supermarchés traditionnels, bien trop occupés à rationaliser leur assortiment que pour détecter de nouvelles opportunités. Comme de petits parasites. Ce qui peut être assez ennuyeux, nous le savons tous.
Délicieusement clair
À peine 1,35 euro pour 500 grammes de yaourt au soja, 79 centimes pour un carton de crème de soja et 1,43 euro pour un paquet de faux fromage végane en tranches : c’est imbattable. Après être venu semer le trouble dans le rayon des fruits et légumes il y a quelques semaines, Lidl se lance dans une grande offensive végétale. Les produits végétariens ne doivent plus être plus chers que ceux qui s’accompagnent de souffrance animale. Ils doivent être plus accessibles pour doubler les ventes. Et ce, uniquement dans l’intérêt de notre santé et de la planète, bien sûr. Il s’agit en effet de modifier durablement l’origine de nos protéines.
Pas mal. Mais pour remettre les choses en perspective, le discounter parle de 23 références. Vingt-trois, je l’écris en toutes lettres pour plus de clarté. Parfaitement clair, certes, mais très insuffisant pour faire sortir du bois les comparateurs de prix de Colruyt. Du moins pour l’instant. Parce que l’offre sera élargie. Je veux bien le croire : chez Albert Heijn par exemple, on recense facilement 400 alternatives végétales dans les rayons. Une autre dimension.
Consommateur schizophrène
Baisser les prix pour augmenter les ventes, c’est une recette qui a fait ses preuves, mais qui est aussi totalement dépassée. Une tactique de vente old school, dont les marques fortes n’ont que faire. Demandez à Coca-Cola : plus leurs produits sont chers, plus ils se vendent. C’est le pouvoir du marketing. Un peu de shrinkflation est également utile. Tout comme la schizophrénie des consommateurs, qui se rendent dans un autre supermarché pour gagner trois centimes, pour ensuite commander un café au lait à près de cinq euros en terrasse, ou un verre de coca d’à peine 20 cl au prix d’une bouteille de deux litres chez Colruyt. Santé !
Les consommateurs ne font pas non plus d’économies sur leurs animaux de compagnie, si l’on en juge par la croissance de la marque la plus chère du rayon des aliments qui leur sont destinés. Elle ne fait aucun bénéfice, mais donne suffisamment le ton dans sa niche pour être dans le collimateur de la grande multinationale General Mills. C’est donc banco pour les trois fondateurs d’Edgard & Cooper. Ils continueront cependant à travailler, même s’ils n’en ont plus vraiment besoin. Ils sont quand même bizarres, ces entrepreneurs.
La plus maligne
Quelque 84 euros par an — soit un peu plus d’un euro et demi par course hebdomadaire. C’est le montant que les fidèles clients d’Albert Heijn peuvent prétendument économiser sur leurs courses s’ils souscrivent à l’un de ces abonnements premium à 12 euros. Plus d’un million de Néerlandais sont déjà tombés dans le piège. Ils renoncent ainsi à enfourcher leur bicyclette pour se rendre chez Dirk, Nettorama ou Vomar, bien moins chers, convaincus qu’ils sont mieux lotis avec leurs offres Bonus Box, leurs timbres et leurs remises sur les produits végétaux. Cette Marit van Egmond est bien plus maligne que je ne l’aurais soupçonné. Chapeau ! Les consommateurs ne savent pas compter, nous le savions déjà. Mais elle, oui, et de quelle manière.
À peu près aussi bien que le regretté Henri Renmans, fondateur de la chaîne de boucherie du même nom, qui a cassé sa pipe mardi dernier à l’âge de 86 ans. Ce bon Henri a d’abord appris le métier chez Colruyt avant, dans les merveilleuses années 1980, d’accrocher astucieusement son wagon à la locomotive du nouveau venu Aldi, qui connaissait alors une croissance soutenue et était, selon lui, la seule chaîne organisée à peu près convenablement à l’époque. Respect, attention : c’est devenu une success-story dont il n’aura pas à vivre la suite incertaine. Car oui, avec la reprise du contrôle de la vente de viande par le discounter, le boucher doit se réinventer.
Casse-tête
Enfin, encore ceci. Diriger un supermarché, c’est très amusant. Rien de plus relaxant que de passer des commandes. Le réassort, c’est du fun à l’état pur. Fixer les prix et choisir les promos est même addictif. Sans parler de faire la caisse. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le succès inattendu d’un jeu vidéo qui permet de faire exactement cela : dans Supermarket Simulator, vous ne pilotez pas une voiture de course, vous ne tirez pas sur des zombies, vous effectuez simplement le casse-tête d’un simple épicier. Et c’est un bonheur, à en croire la critique dithyrambique sur Steam.
Attention : il faut de la patience et beaucoup de travail pour maîtriser les ficelles du métier, apprend-on. Heureusement, une foule de conseils circulent déjà en ligne. Par exemple : il faut absolument avoir du lait en stock. Les marges sont certes faibles, mais la rotation est élevée. Le fromage est un autre produit intéressant, mais il faut investir dans une armoire réfrigérée. Café : belle rotation, marge intéressante. Et la mine d’or, c’est l’huile : très cher, mais marges maximales. Et comment ! La vraie vie, quoi. Les boycotts ne sont pas une option pour l’instant — une regrettable occasion manquée — mais une mise à jour n’est pas à exclure. Un divertissement idéal par temps de pluie en tout cas. Et ce, pour le prix d’un abonnement chez Bébert. En tout cas, mon choix est fait. Pas le vôtre ?
Annonce de service : comme beaucoup d’entre vous, Filet Pur fera le pont la semaine prochaine. Rendez-vous dans quinze jours !