Une tendance étonnante se dessine dans le food retail : des points de retrait sans parking, des restaurants sans tables, des magasins sans enseigne … Le point sur ce phénomène et bien plus dans le résumé hebdomadaire de RetailDetail Food.
Citadins
Tout a commencé avec Carrefour Belgium, lundi passé. Le distributeur a donné le ton sous la devise ‘Just walk in’. Quel contraste avec le ‘Just walk out’ des magasins sans caisse Amazon Go ! Pourtant pas besoin non plus de passer par la caisse dans ce fameux drive pour piétons, puisqu’en en principe le paiement a déjà été effectué en ligne. Mais difficile de trouver un nom approprié pour ce point de retrait pour citadins. Les Français eux-mêmes ont déjà du mal à s’accorder sur le pluriel de l’expression ‘drive piéton’. Mais quelles sont les alternatives ? Drive citadin ? Point de retrait urbain ? Bon, alors pourquoi pas ‘Walk-in Drive’ ? Un terme utilisable en français, en néerlandais et dans la langue qui bientôt dominera dans notre splendide capitale : l’anglais approximatif. Signalons toutefois qu’il ne s’agit pas ici d’une vraie primeur, puisque l’an dernier Fresh Atelier, le magasin de proximité de Delhaize, avait déjà lancé le concept dans la galerie Ravenstein. Rendons à César, ce qui est à César.
Le même jour nous avons découvert le phénomène du ‘restaurant virtuel’ : il s’agit d’un lieu de restauration qui en fait n’en est pas un. Un espace qui dispose d’une cuisine, mais pas de tables, ni de chaises. On peut y commander des repas, mais pas en consommer. Les fameuses ‘cloud kitchens’ cuisinent uniquement pour des services de livraison comme Deliveroo et Uber Eats. Vous pensez passer commande auprès d’un authentique bar à sushis ou une pizzéria typique, mais en fait ces plats proviennent de la même cuisine semi-industrielle, qui les a conçus spécialement pour qu’ils restent mangeables même après un quart d’heure de vélo. Un concept prometteur, sachant que le leader du marché européen Keatz est parvenu a lever pas moins de 12 millions d’euros auprès d’investisseurs.
Shoppers de luxe
Toujours dans le domaine du virtuel : Colruyt ouvrira le mois prochain un supermarché virtuel en Campine, à Bouwel. Sérieusement : un magasin ‘meilleurs prix’ qui n’en est pas un. Etrange ! Le discounter a racheté un magasin Alvo flambant neuf à des entrepreneurs qui ont décidé de jeter l’éponge. Mais ce superbe supermarché est bien trop beau pour porter le nom Colruyt. De fait, un ‘vrai’ Colruyt est gris, terne et rudimentaire. Les carrelages design et les rayons branchés ne collent pas avec le positionnement prix. De plus, ce magasin ne dispose pas d’une triste cellule de réfrigération pour les légumes et les produits laitiers, mais de meubles réfrigérants pratiques et confortables. Avec des portes, en plus. Vous imaginez?
Les habitants de Bouwel ne se rendent pas compte de la chance qu’ils auront de pouvoir faire des courses bon marché dans un magasin hyper luxueux. Avec du chauffage au sol, de surcroît ! Et un système durable de récupération de chaleur ! Mais Jef s’est montré intransigeant lors de la réunion hebdomadaire du management : le nom Colruyt n’apparaîtra pas sur la façade. Résultat : le magasin s’appellera CoMarkt. Eh oui, il leur restait encore quelques panneaux de 2003, à l’époque où ils avaient temporairement rebaptisé les magasins rachetés au groupe Laurus en faillite. Du recyclage, en parfait accord avec les ambitions vertes du groupe.
Sabotage
Restons en Campine, où les rumeurs les plus folles circulent. A Rijkevorsel plus précisément (ou Veussel dans le langage populaire). Comme nous vous l’avons déjà signalé depuis longtemps, Jumbo devrait y ouvrir un magasin. Mais apparemment ils ne seront pas les seuls. Albert Heijn aussi envisagerait de s’installer sur le site aux côtés de Hubo, Aldi, Action, Bel&Bo, Zeeman et Kruidvat. Tout ça dans un village de 7.800 habitants. Incroyable ! Mais la stratégie est claire : dans les mois et les années à venir ces Hollandais continueront de se saboter mutuellement, sans relâche. Pour les autres enseignes le message est limpide : restez hors de la ligne de tir et contemplez ce combat sans merci. Tout s’arrangera !
Et nous n’en avons pas fini avec Jumbo : cette semaine le péril jaune a encore fait parler de lui, cette fois à Veghel, où s’est ouvert un ‘Jumbo Food College powered by La Place’, un nom à rallonge, en effet. Il s’agit d’un centre de connaissance et de formation de la chaîne de supermarchés et de sa société sœur, la chaîne de restauration La Place. Ensemble, ils vont innover à une vitesse fulgurante, de quoi surpasser Dylan Groenewegen. « Nous croyons dur comme fer à la pollinisation croisée entre l’horeca et le retail », souligne le CEO Frits van Eerd. « Nous pensons que l’ajout d’aspects toujours plus culinaires à l’expérience en magasin offre un énorme potentiel. » Et il a plus que raison, évidemment. Van Eerd a-t-il placé ici un démarrage décisif ? Pas très rassurant pour les concurrents, à mon avis.
Emotion
Maintenant passons à la France, où depuis la semaine dernière je compte, à mon grand étonnement, une masse de nouveaux fans parmi mes suiveurs (bienvenue, chers voisins du sud). En ce moment les amateurs de publicité y vivent un vrai délire. Intermarché vient en effet d’y diffuser un nouveau spot télé. Il faut dire que les Mousquetaires jouissent d’une sérieuse réputation dans ce domaine, avec leurs spots remarquables aux qualités cinématographiques, qui vous font sourire tendrement et vous font monter les larmes aux yeux. Le genre de spot que les retailers réservent pour la période de Noël. Chez Intermarché, c’est toujours Noël. Même quand le printemps arrive. Jugez par vous-mêmes, ça vaut la peine.
Admettez : un vrai travail de pro, non ? Oh la la la, c’est magnifique ! Mais c’est avec des sentiments mitigés que j’écris ceci. Ces mêmes Mousquetaires se présentent comme de généreux protecteurs du pouvoir d’achat, au moyen de promotions choc impitoyables et tout sauf durables. Nous ne les connaissons que trop bien ces entrepreneurs belliqueux, champion de la viande gratuite : il suffit d’ouvrir un folder pour qu’on vous jette des kilos de haché, de côtelettes et de carbonnades à la figure pour moins que rien. Et autrement ils bradent la pâte à tartiner aux noisettes. Ce qui leur a d’ailleurs valu une sérieuse amende de 375.000 euros. Mieux manger ? Mouais, je vois quand même une sérieuse divergence entre le monde idéalisé de la pub et la dure réalité du retail.
Et pour terminer LA nouvelle de la semaine, qui nous vient d’Amazon. Une étude approfondie a permis de dévoiler la recette secrète du succès de Jeff Bezos. Je m’explique. En général les gens font du shopping online le soir, avec un petit verre de vin en accompagnement. Sachez que les e-shoppers ivres représentent un chiffre d’affaires de plusieurs milliards ! Et le lendemain ils ne se souviennent même plus de ce qu’ils ont commandé, mais sont trop honteux pour renvoyer le colis non désiré. Sur ce, pour bien commencer le weekend, moi aussi je vais me servir un bon petit verre de vin, mais sans laptop à portée de main. Et vous ? A la semaine prochaine ?
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