Tromper le bon peuple : est-ce en train de devenir la norme dans l’univers par ailleurs merveilleux de la grande distribution ? On peut le craindre. Heureusement, le secteur peut compter sur son plus ardent défenseur de la vérité vraie, ce Filet Pur salé à point, pour dissiper certains mythes persistants.
Sérieux
La semaine dernière encore, les médias ont encore proclamé un certain nombre de fake news et autres faits alternatifs concernant nos chers food-retailers. Et c’est évidemment à Filet Pur qu’il revient de voler au secours de cette belle industrie. Qui d’autre s’en chargera ? That’s What Friends Are For, pas vrai ? Vous aurez bien entendu saisi l’hommage à cet auteur-compositeur récemment décédé, lui aussi.
Prenez De Tijd, un journal qui aime se considérer comme sérieux. Mais qu’avons-nous lu dans le numéro du week-end ? « Les retailers sont de rudes négociateurs aux pratiques parfois douteuses. Vous avez un rendez-vous pour négocier et ils vous abandonnent dans une salle de réunion pendant deux heures, sans eau ni café. Ils vous font juste attendre. » Des propos de Guy Paternoster, le CEO Sucre de Tirlemont, que le journaliste de service a pris pour argent comptant et publiés dans le journal sans une once de fact-checking. Oui, Paternoster dit aussi qu’il est en conflit avec un grand retailer. Ce qui n’est pas surprenant quand on répand de telles affabulations.
Je peux l’affirmer de première main : je n’ai jamais vécu une telle expérience en plusieurs décennies de fréquentation assidue des retailers. Vraiment jamais. Des gens éminemment ponctuels. Sympas et corrects. Souvent cordiaux, même. Et j’ai toujours eu droit à une tasse de café. Ou de thé. Avec un biscuit. Parfois un chocolat (note : je préfère le chocolat, si possible fondant, mais je ne suis pas difficile). Et donc ?
Impayable
Autre mensonge : « Les clients paient un prix suffisamment élevé, mais les supermarchés s’en réservent une trop grande part. » Dixit la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir, dont les compétences s’étendent manifestement aux pommes et aux poires. Les producteurs de fruits se plaignent : les grands méchants supermarchés ne leur donnent pas assez d’argent pour couvrir leurs coûts croissants. What’s New Pussycat? Les supermarchés non plus n’y gagnent rien… C’est tout simplement le fonctionnement de l’économie de marché tel que nous l’avons appris en secondaire : en cas de suroffre, les prix baissent. En particulier pour un produit générique qui ne laisse aucune possibilité de différentiation, et donc aucun pouvoir de tarification.
Wishin’ et Hopin’ ne suffira pas. Ils peuvent prendre exemple sur Jan Boone, qui exige chaque année plus d’argent pour ses biscuits et obtient systématiquement gain de cause. Oui, c’est du marketing. Un peu aidé par la conjoncture, aussi. Car que font les consommateurs pour oublier leur misère ? Pas boire des pintes : c’est la Tournée Minérale et la bière devient d’ailleurs tout simplement impayable – ce n’est pas nous qui le disons : si Carlsberg le reconnaît, qui sommes-nous pour remettre en cause leurs affirmations ? Non, les gens cherchent du réconfort dans un spéculoos, pour le plus grand plaisir des actionnaires de Lotus Bakeries. Le sucre est le nouvel alcool. Tout aussi mauvais pour la santé, mais juste un peu plus accessibles malgré ces fortes augmentations de prix. L’action, en revanche…
Salé
Tout le monde accourt à la moindre mention de « restrictions territoriales d’approvisionnement ». Et si l’action Mondelez se porte encore assez bien jusqu’à présent, on peut se demander pour combien de temps, car cette enquête européenne de plusieurs années sur d’éventuels abus de pouvoir et pratiques commerciales déloyales chez le fabricant de biscuits et de chocolat s’approche tranquillement de son dénouement, qui promet d’être salé – un comble.
Faut-il craindre une augmentation des prix des Oreos ? La multinationale a déjà mis 300 millions de côté dans l’espoir de parvenir à un accord raisonnable avec les acolytes de Mme Vestager, mais celle-ci est connue pour être intraitable. Et dans le pire des cas, l’amende s’élèvera à 10% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise, ce qui représente la somme astronomique de 30 milliards d’euros. Oups, cela fait beaucoup de Leo à vendre. Maintenant, ils font des milliards de bénéfices et AB InBev s’en était sorti avec 200 millions à l’époque. Money.
Demi-vérité
L’absence de Nutri-Score bien visible sur les Lotus et Milka ressemble toutefois à une erreur stratégique de taille. En effet, un grand E rouge sur l’emballage s’avère être un argument de vente étonnamment puissant. Le fait que l’alimentation saine soit une tendance fondamentale dans la grande consommation est ainsi une autre demi-vérité : selon une nouvelle étude universitaire, un tiers des consommateurs choisissent systématiquement l’option la moins bonne pour la santé. Le raisonnement ? Si c’est bon pour la santé, ce n’est pas bon tout court. Voilà. Ferrero & Co peuvent oublier leur obscure alliance No-Nutriscore : ils se tirent une balle dans le pied.
À en juger par les premières photos, ce ne sont pas non plus les biscuits, les chips et le chocolat qui manqueront dans les nouveaux kiosques Spar For You avec lesquels le groupe Colruyt, après ses concurrents Delhaize, Foodmaker et Exki, veut damer le pion aux grands groupes de restauration en entreprises. Le magasin autonome intelligent remplace le restaurant d’entreprise idiot, et les distributeurs automatiques les plus intelligents sont évidemment ceux des nerds de Smart Technics, précisément parce qu’ils ne prétendent pas être les plus sains. Futé !
Pas plus de Tears at the Birthay Party chez Rayon, le supermarché en ligne qui fête son premier anniversaire aux frais des Colruyt. Stéphane Ronse, son CEO, n’hésite même pas à prononcer le mot « rentabilité ». Imaginez… Mais il faudra d’abord mettre les gaz au sein du département marketing.
Philanthropie
Pour continuer à financer tous ces investissements, Jef nous tend maintenant sa main vide : une petite pièce s’il-vous-plaît… Puisque les banques ne distribuent plus d’argent gratuit, c’est à nous, pauvres consommateurs, de le faire. Comme nous échappions à la crise… Say a Little Prayer, Jef ! Qu’il demande aux grandes marques, qui constatent – enfin – que les consommateurs décrochaient face aux augmentations des prix. Quelle surprise…
D’ailleurs, cette obligation « verte » est plutôt une action caritative déguisée en investissement, si l’on en croit les experts financiers : après déduction de la commission et du précompte mobilier, le rendement de l’émission permettra tout au plus de payer les cubes de gouda Boni qui accompagneront l’apéritif sans alcool de tout à l’heure. D’autant qu’ils sont 10% plus chers qu’il y a un an. Bref, il y a toujours un truc… Le week-end, par exemple, qui commence incessamment sous peu. Profitez-en et n’oubliez pas : What the World Needs Now Is Love. À moins que… À la semaine prochaine !