Si les offres d’emploi étaient réellement honnêtes, les en-cas sains, les œufs originaires de poules élevées dans le respect de leur bien-être, les caisses automatiques attirantes et les prix plus rouges que rouges, où irait le food-retail ? Filet Pur ouvre une boîte de commentaires.
Il est interdit d’interdire
Je ne sais pas comment vous avez vécu ces sept derniers jours, mais la semaine n’a pas été très bonne pour le pourtant très puissant lobby de la viande. Le timing est parfait : juste à la veille de la Semaine sans viande (qui commence lundi), la Cour de justice des Communautés européennes a statué qu’il était interdit d’interdire. Le gouvernement français n’aurait jamais dû décréter cette interdiction populiste de dénominations comme hamburger végétal, steak de soja ou saucisse végétarienne. De son côté, le secteur végétal compte sur cette décision pour faire changer d’avis des pays qui ont des projets similaires (hallo Deutschland, ciao Italia). Mais rien n’est gagné.
L’ambiance n’est pas non plus à la fête chez PepsiCo après la publication de leurs résultats trimestriels : la Gen Z grignote de moins en moins – pas seulement par souci pour sa santé, mais aussi en raison de l’augmentation draconienne des prix de ces dernières années. Un modèle commercial lucratif – vendre de malbouffe addictive à des tarifs prohibitifs – se retrouve ainsi sous pression. Même si la situation n’est pas si mauvaise en Europe. La faillite inattendue du fournisseur de bombes à sucre Dunkin’ Donuts aux Pays-Bas pourrait-elle être liée à la même tendance ? Le coïncidence est en tout cas assez étrange.
Confiance infinie
L’information était subtilement dissimulée dans une interview par ailleurs pauvre en révélations fracassantes dans la presse financière, mais il y a toujours quelqu’un quelque part qui est un peu plus attentif que les autres. C’est ainsi que Colruyt a de nouveau fait la Une en début de semaine. Et si la mise en place du self-scanning chez Okay avait été annoncée il y a quelque temps, mais depuis lundi, c’est la dure réalité. Bon, si dure que ça ? Pas vraiment, puisque le retailer confirme ainsi sa confiance apparemment infinie en la bonté de l’homme en n’installant aucun portique – et en la montrant avec emphase, qui plus est. Les mauvaises langues pourraient y voir une invitation, mais ce n’est absolument pas notre genre, vous nous connaissez.
Le contraste est en tout cas frappant avec le panneau rempli de menaces et de points d’exclamation que les franchisés de mon Delhaize local ont placé à côté du self-scanner pour dissuader les voleurs occasionnels. Ils n’y font pas dans la demi-mesure : trois erreurs, c’est une interdiction à vie. Observation : si les sièges sociaux tendent généralement à minimiser le risque de vol aux caisses en libre-service, les franchisés font plutôt dans la dramatisation. Mais encore une fois, qui paie la facture ? Ben oui…
Offre d’emploi honnête
Chez Delhaize, le schisme entre le siège et le terrain est d’ailleurs tout aussi patent dans le débat sur les licenciements. Un bain de sang social selon les syndicats wallons, qui prétendent que les employés les plus coûteux sont systématiquement poussés vers la sortie afin de les remplacer par des étudiants jobistes et des flexijobs bon marché sans débourser un euro d’indemnité de départ. Rien à voir selon Kobbegem : les résultats vertigineux des magasins franchisés ne peuvent être que le fruit des efforts de salariés comblés.
Sans blague… Et ceux qui ne seraient toujours pas satisfaits peuvent toujours postuler chez Colruyt Group, qui recherche 900 nouveaux collaborateurs. Ou chez Lidl, où l’on veut en recruter trois cents : le discounter fait appel non seulement à ses propres employés, mais aussi à l’IA pour rédiger des offres d’emploi « honnêtes » dans lesquelles il est effectivement question de remplir les rayons, d’astiquer les allées et de faire la caisse, mais avec le message que « ici, même les chefs ne restent pas assis sur leur cul ». Et vous n’êtes pas obligé de progresser si vous n’en avez pas envie : ils sont déjà bien contents que vous veniez faire votre travail. Voilà.
Gros soupir
Mais revenons un peu à Halle, car le comeback tant attendu des prix rouges méritait aussi toute votre – et toute notre – attention. Bon, ranger soigneusement son arme la plus tranchante au tiroir au plus fort de l’inflation et de la guerre des promotions n’a peut-être pas été la meilleure idée jamais émise dans la salle de direction de la Chaussee d’Enghien. Mais voyez : ils n’hésitent pas à reconnaître humblement leurs erreurs et faire marche arrière. « Il n’y a point de gens qui aient plus souvent tort que ceux qui ne peuvent souffrir d’en avoir », disait déjà l’illustre moraliste François de La Rochefoucauld.
Ne vous attendez cependant pas à beaucoup de changements. Le fait que chez le leader du marché, un couple ou une personne seule soit souvent obligé d’acheter de quoi nourrir un camp scout pour bénéficier d’une promotion n’est pas un problème pour le CEO : « C’est tout simplement notre concept. » Lisez : si vous n’êtes pas content, allez faire vos courses ailleurs. Ok. Tout récemment, j’ai entendu une employée de magasin soupirer bien fort alors que j’essayais désespérément d’extraire une boîte de pois chiches d’un paquet de quatre solidement emballés. C’est vrai, elle venait ranger et nettoyer le rayon (selon les critères de Colruyt), je le comprends, mais mes armoires de cuisine sont déjà pleines à craquer. Hé, il y a aussi un Carrefour pas loin…
Poules
Mais pas encore de Jumbo. Toutefois, une nouvelle étude révèle que le Péril Jaune menace principalement les enseignes à bas prix. Manifestement, leurs clients des discounters se dirigeraient le plus facilement vers le nouveau venu que ceux des autres supermarchés. Cela ne signifie pas encore qu’ils y dépensent énormément, mais c’est un début. Nous n’avons en revanche pas été autorisés à connaître l’identité de la principale victime. Pari : ce ne sera pas Albert Heijn. Du moins à en croire Albert lui-même. Quoi qu’il en soit, l’analyse confirme ce que Ton van Veen a déjà souligné à plusieurs reprises : Jumbo a vraiment besoin de temps pour convaincre ce client flamand à la fidélité canine. La patience est une vertu, mais il faut avoir le temps. Reste à savoir si Jumbo en a.
Enfin, la Cour européenne de justice n’est pas seule : l’Académie suédoise aussi a fait preuve d’un remarquable sens du timing en décernant juste avant le début de la Semaine sans Viande le prix Nobel de Littérature à la Sud-Coréenne Han Kang, surtout connue pour son livre percutant « La végétarienne » – pas vraiment un roman de gare. Le titre aurait d’ailleurs dû être « La végétalienne », puisque le personnage principal ne mange pas non plus d’œuf, même ceux qui proviennent d’élevages neutres pour le climat et respectueux du bien-être animal – comme les œufs Kipster disponibles dès aujourd’hui chez Lidl. Dimanche matin sur les pistolets, avant de se rendre aux urnes ? Pas impossible. À la semaine prochaine !