Pas de biscuits ni de chocolat dans les rayons : à priori une bonne nouvelle pour la santé publique. Mais il n’empêche qu’une telle guerre de perception des prix donne des maux d’estomac, des maux de tête et des crampes. Tous les détails gore dans un Filet Pur qui ne sort pas d’un laboratoire.
Assez
Une marge dérisoire d’à peine 2,8 % en Europe : Frans Muller en a des maux d’estomac. Il peut remercier les syndicats qui refusent tout simplement de comprendre l’ingéniosité et la générosité de ce fameux plan pour l’avenir de Delhaize. Mais aussi les fabricants de marques, qui malgré des marges atteignant 20 % en veulent toujours plus, mus par la devise « greed is good », comme un retour dans les années 1980. Non, ces prix baisseront à nouveau, a déclaré le PDG. Il ne s’agissait pas d’une prédiction, mais d’un ordre.
Et il n’était d’ailleurs pas le seul, la semaine dernière. Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie et auteur de romans érotiques à ses heures, pense également que c’en est assez : « Nous allons demander un effort à ceux qui font les marges aujourd’hui : les grands industriels de l’agroalimentaire. Les prix doivent baisser. Et s’ils refusent de rentrer dans cette négociation, nous emploierons tous les instruments à notre disposition, y compris l’instrument fiscal », a-t-il menacé. Après tout, les détaillants alimentaires français ont déjà suffisamment contribué au pouvoir d’achat avec leurs paniers anti-inflation.
Attrapés !
Dans la guerre de la perception des prix, les supermarchés n’ont pas l’intention de sortir des tranchées. Au contraire, la bataille vient à peine de commencer. Aldi et Lidl ont déjà montré le bon exemple ces dernières semaines, et Carrefour n’a pas été en reste cette semaine. Cent produits baissent de prix. Cent, oui. Sur les quelque trente mille proposés aux clients dans un hypermarché type. « Nous renégocions les prix à la baisse », indique la chaîne de supermarchés sur un ton déterminé. McCain et Barilla ont déjà cédé (un peu), c’est maintenant aux autres. Bravo, Carrefour !
Mais les prix baissent-ils vraiment ? Mesurer, c’est savoir. Résultats ? Les supermarchés augmentent leurs prix trois fois plus qu’ils ne les réduisent, selon Daltix. Attrapés ! Les chiffres ne mentent pas. Mais là encore, les détaillants alimentaires sont pris en étau entre la bataille pour obtenir les faveurs des consommateurs d’une part, et la nécessité de dégager des marges viables d’autre part. Les promotions sont une question de PR. Jusqu’à présent, en tout cas. Sauf peut-être chez Albert Heijn, qui pratique des prix en moyenne 7,5 % plus bas qu’aux Pays-Bas, où il n’y a guère de concurrence digne de ce nom.
Faim
Ces prix élevés dans les supermarchés donnent également des maux d’estomac aux consommateurs. Provoqués par la faim, plus précisément, parce que les courses sont devenues impayables. Même notre fier leader du marché en est conscient. C’est pourquoi les supermarchés Colruyt ne vendent plus de barres Milka, et encore moins de paquets de Pim’s ou de boîtes de Bouchées. L’air salé et frit de Tuc avait déjà été assaini. Trop chers, et de surcroît malsains. À Halle, on n’aime pas les demi-mesures.
Qu’ont-ils donc dans la tête, chez ce fabricant de biscuits ? Relever une nouvelle fois les prix alors que les prix des céréales et de l’énergie sont en baisse dans le monde entier ? Il doit forcément s’agir d’une erreur. Il ne s’en tirera d’ailleurs pas comme ça : assez, c’est assez, et trop, c’est trop. Cela a même fait un gros titre du journal télévisé de VTM. Les médias sont toujours friands de ce genre de différends commerciaux. Le responsable des achats est venu pour donner des explications en personne, ce qui n’arrive pas tous les jours. Certains clients déconcertés se sont montrés compréhensifs. Et votre serviteur avait également pu participer.
Yoga
Et la question revient : est-ce que ça fonctionne vraiment, le delisting ? C’est tout de même la trente et unième fois que le détaillant y a recours. Si toutes les tentatives précédentes avaient échoué, il aurait changé son fusil d’épaule, pourriez-vous penser. On peut dire beaucoup de choses sur Colruyt, mais la chaîne n’emploie pas des fous. Il n’y a que des gens équilibrés et intelligents sur le site de Wilgenveld. Résilients, optimistes, attentifs et résistants au stress, aussi. Il n’y a donc rien à négocier. Grâce à ces cours de hatha yoga, peut-être. Nous le réalisons aujourd’hui, il ne s’agit pas de frivolités de la part de Jef, mais de hard business. Voilà.
Mais si Frans Muller a des maux d’estomac, Dirk Van de Put a-t-il des maux de tête ? Ce n’est que la Belgique… Pour Mondelez, une multinationale pesant plus de 30 milliards et dont la marge d’exploitation n’est que de 16 %, un conflit avec un nain de la distribution alimentaire européenne est au mieux ennuyeux, rien de plus. Nous découvrirons très bientôt le pouvoir des « love brands » Côte d’Or et Milka. Ils vont encore se plaindre, chez le discounter. Car que se passera-t-il lorsque les clients de Colruyt, accros au chocolat, se rendront chez Delhaize pour y découvrir un rayon de chocolats varié et généreux ? Aïe.
Gratuit
Car tous ces supermarchés sont de nouveau ouverts, les rayons y sont bien ordonnés et les employés y sont sympathiques et serviables, du moins tant qu’ils ne sont pas victimes d’une maladie ou d’une fatigue excessive, car ces longs jours de grève ont été éreintants. La situation semble parfaitement apaisée dans la plupart de ces supermarchés. Nous constatons que le détaillant a également rouvert le robinet du marketing. Conflit social ou pas, du champagne gratuit ça ne se refuse pas, n’est-ce pas ? On est partant pour une cuite. Business as usual, en somme.
Pas encore dans les rayons Delhaize pour l’instant : des burgers de viande de culture respectueux des animaux, tout droit sortis d’un laboratoire. « Pour l’instant », en effet : le pionnier Mosa Meat vient d’ouvrir une nouvelle usine et se dit presque prêt. Enfin. Le prix ne serait plus un problème. Il lui faut maintenant passer par la délicate procédure d’autorisation des nouveaux aliments. Puis convaincre le consommateur sceptique. Après tout, on n’est jamais à l’abri de crampes d’estomac. Ceux qui veulent déjà y goûter doivent se rendre à Singapour : là-bas, pas de pâturages, pas de vaches et, donc, pas le choix. Je me demande si le pescétarien Frans Muller en mangerait une fois ses maux d’estomac passés. Et vous ?
Petite communication de service pour terminer : Filet Pur fera le pont la semaine prochaine. Tout comme vous, probablement. Rendez-vous dans deux semaines !