Au programme de Filet Pur cette semaine : la révélation des vraies intentions de Jumbo, l’interprétation sans pitié des résultats de quelques multinationales, une analyse des tendances dans le food service et une sélection ultra-personnelle parmi l’offre de formations de Colruyt Group.
Le meilleur job au monde
A quoi bon entamer la rédaction de ce Filet Pur ? En ce Vendredi saint la moitié de la Belgique a pris une journée de congé. Vous êtes sans doute nombreux à être confortablement installés à la terrasse d’un café, un verre de cava à la main, vous réjouissant de ce long weekend de Pâques ensoleillé en perspective. Vous vous moquez complètement de cette rubrique et avec raison. Je me console en me disant qu’aujourd’hui et demain des milliers d’employés de magasin trimeront sans relâche. On prévoit en effet des ventes records de gigot d’agneau, de rosé, de bière et de glace. Et pourtant les employés de magasin n’ont pas à se plaindre : ils exercent le meilleur job au monde. Du moins aux dires d’un responsable de Colruyt Group sur le site Vacature.com.
Vous pensiez qu’il s’agissait d’un job mal payé et ingrat, avec des horaires impossibles, physiquement éprouvant pour le dos, favorisant l’apparition de varices et ultra stressant vu la présence constante de clients difficiles ? Eh bien non, pas du tout, bien au contraire. Ce job ne présente que des avantages. « En tant que gérant de magasin vous n’avez pas à vous inquiéter des conséquences négatives d’un mode de vie sédentaire, puisque vous vous baladerez sans cesse dans le magasin », nous dit-on sur le site. Exact. Plus besoin d’un abonnement de fitness. Monotone ? Non, puisque de temps à autre vous aurez l’occasion de déménager vers une autre succursale. Dans le cas de Colruyt ce nouveau magasin ne se distinguera en rien du précédent, mais c’est l’idée qui compte. Oui, cet homme a été très attentif durant ses cours de ‘Communication bienveillante’, ‘Un coaching qui inspire’, ‘Evoluer vers la maîtrise’, ‘A la quête du Graal’ et le ‘Storytelling’. Ce programme de formations pour employés vaut vraiment la peine.
Faire impression
D’accord, c’était les vacances, mais c’était également la semaine de publication des résultats trimestriels. Petit résumé. Nestlé réalise un solide trimestre, en grande partie grâce aux hausses de prix. Unilever démarre l’année en force, notamment grâce aux hausses de prix. PepsiCo signe sa plus forte croissance depuis plus de trois ans, en partie grâce aux prix plus élevés. Swinkels Family Brewers enregistre un chiffre d’affaires record, grâce aux ventes en hausse et aux bières plus chères. Enfin, bref : chaque année ces fabricants de marques rajoutent quelques pourcents en plus pour faire impression sur les investisseurs.
Et ils persistent, bien que les retailers continuent de crier haut et fort qu’ils ne toléreront pas de hausses de prix. Eh oui, trois des quatre ont été victimes il y a quelque temps d’actions de boycottage par des alliances d’achat européennes. Mais visiblement tout cela n’a eu aucun effet. Et les consommateurs alors, ne se plaignent-ils pas ? Bah, pourquoi se soucier de ces gilets jaunes marginaux, puisque de toute manière ils ne jurent que par l’Aldi. Voilà donc le modèle de croissance de nos coryphées du secteur FMCG.
Populaire sur Instagram
Quant aux volumes, ils sont en baisse, mais rien d’étonnant à cela. Le food service est le nouveau retail, au cas où vous ne seriez pas encore au courant. Les consommateurs s’adonnent à l’art de la cuisine, uniquement s’ils sont applaudis : à l’occasion d’une fête entre amis, par exemple. Et même là il leur arrive de tricher. Le reste du temps ils se font servir par des esclaves à vélos issus de l’économie du partage ou alors ils vont manger au restaurant.
Mais pas trop chic : des boulettes de haché, par exemple, version végane ou non. Pour l’instant le fils de boucher Wim Ballieu se montre meilleur vendeur qu’entrepreneur, mais grâce au capital injecté par quelques fans généreux le cap des dix établissements de son concept Balls & Glory semble être en vue. Expansion également pour la chaîne de restaurants Bavet, spécialisée dans les pâtes, qui ouvre de nouveaux établissements à Bruges, Gand et Ixelles. Le ‘Fast casual’ et le nouveau fast food : pas nécessairement meilleur, ni plus sain, mais nettement plus populaire sur Instragram. Une question de priorités.
Isolement chic
Et comme à l’accoutumée, des nouvelles de Jumbo. Que l’entreprise croule sous les dettes depuis la reprise de plusieurs supermarchés déficitaires Emté, n’est qu’accessoire. Une info bien plus importante nous est parvenue concernant le péril jaune : c’est chose faite, le contrat de location du siège social belge a été signé. Et le choix du retailer s’est porté sur … la commune très mondaine de Brasschaat (Province d’Anvers). Eh oui, ils y seront les nouveaux voisins de la sandwicherie Het Wachthuisje et le webshop De Gele Flamingo. Officiellement pour sa ‘situation centrale’ (vraiment) et la ‘liaison fluide’ (sic) entre la Belgique et les Pays-Bas.
C’est une plaisanterie ? Tout automobiliste qui traverse Brasschaat à l’heure de pointe sait qu’il n’en est rien : embouteillage depuis Loenhout dans un sens, et pareil dans l’autre sens, et ce tous les matins et tous les soirs. C’est la commune où Jan Jambon a été élu bourgmestre avec sa promesse électorale comme quoi on y installerait jamais une ligne de tram direction Anvers. Non, Brasschaat est une enclave inaccessible pour migrants fiscaux hollandais, qui préfèrent un isolement chic. L’immobilité y est synonyme d’action (comme ailleurs d’ailleurs).
Anéantissement complet
Bref, il doit y avoir une autre raison qui explique cette étrange décision. Et il n’y en a qu’une : le choix pour Brasschaat est une provocation, un coup de semonce, puisque Jumbo s’installe à l’endroit même où son éternel rival Albert Heijn a ouvert son premier magasin belge en 2011. Jumbo ne traverse pas la frontière pour conquérir la Belgique. Ils n’ont que faire de la Belgique, là-bas à Veghel. Non, Jumbo se rend dans notre pays uniquement pour anéantir Albert Heijn. Une véritable déclaration de guerre. La chute finale d’Appie est la seule chose qui compte pour Frits van Eerd. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Restez à l’abris, car les dommages collatéraux seront inévitables.
Parlant de Frits van Eerd : en voilà un manager, il faut bien l’avouer. Quelqu’un qui sait déléguer, en d’autres termes. Quelqu’un qui laisse avec plaisir les tâches rébarbatives à son équipe bien rodée, pendant que lui se dévoue pour les choses réellement importantes. Notamment par sa présence indispensable aux ‘Jumbo Racedagen’, événement incontournable. Précisons que le CEO est pilote à ses heures et a conclu un gros contrat de sponsoring avec son idole, la star de la Formule 1 Max Verstappen. Malgré son agenda chargé, le CEO s’est néanmoins libéré pour une longue interview de pas moins d’une heure avec Verstappen, où il a été question de sport automobile évidemment, mais également de Jumbo de temps à autre. Pour la petite histoire : le CEO est un ancien Prince carnaval qui parfois monte sur scène avec son groupe Factor 12 pour y jouer un petit air de fanfare. Cet homme n’a vraiment pas besoin d’une formation ‘Inner Force, Outside World’.
Non, on imagine mal Jef Colruyt faire de même. A tous ces soi-disant experts en retail qui voyaient une possible union entre les deux entreprises familiales : think again, les différences culturelles sont insurmontables. Voilà tout est dit. Puis-je disposer maintenant ? Un verre rempli d’un liquide ambré avec un épais col de mousse m’attend. Question de ne pas négliger mon ‘Sensory awareness’. A la semaine prochaine !
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