En termes d’ambiance et de convivialité, les foodretailers ont collectionné les mauvais points cette semaine : quand ils ne se font pas la guerre, ils détruisent l’agriculture, alors que les fabricants de produits de marques se lancent dans une cure d’amaigrissement : ils n’ont pas le choix, leurs clients font pareil. Ce Filet Pur était-il vraiment nécessaire ?
De mauvaises nouvelles, mais pour qui ?
Les gens de chez Jumbo se sont fendus d’une déclaration rare et inhabituellement tranchante vendredi dernier, quelques heures après la publication de votre Filet Pur bien-aimé : ils en ont plus que marre de voir leurs concurrents multiplier les manœuvres sournoises pour remettre leurs autorisations en cause au lieu de lutter à visière découverte. La raison : prêt à ouvrir, le magasin de Lommel doit reporter son inauguration en grande pompe. « Une mauvaise nouvelle pour le consommateur belge. » Mais aussi pour le groupe, qui voit de plus en plus ses ambitions contrariées par des clauses légales et autres procédures diverses et variées.
Le coupable : Alma, un franchisé Carrefour qui espère aussi arrêter le projet d’Albert Heijn à Bilzen à la force de ses petits bras. C’est donc la nouvelle technique : officiellement, les sièges font très collégialement profil bas, mais en secret, ils encouragent leurs entrepreneurs à s’engager dans la résistance locale. Il devient ainsi presque impossible d’encore ouvrir un magasin en Flandre affirme un Jan Peeters exaspéré – et qui en a pourtant ouvert une quinzaine en quelques années.
Manque d’envie
Les Hollandais ne sont pas les seuls visés : Colruyt Group constate également qu’une ouverture sur trois est désormais contestée par des concurrents. Le foodretail, c’est la guerre, et c’est peut-être pour cela que Test-Achats nous conseille d’investir dans l’industrie de l’armement. Mais le blocage actuel est-il vraiment si mauvais ? N’y a-t-il pas déjà trop de supermarchés dans ce petit pays ?
D’autant que ceux qui veulent vraiment jouer au petit commerçant peuvent simplement sonner à la porte de Delhaize ou d’Intermarché. Sept supermarchés des Lions sont déjà passés, presque sans bruit, entre des mains indépendantes. Dont un premier magasin bruxellois, à Laeken. On notera aussi que si Delhaize publie de brefs communiqués de presse à chaque réouverture dans sa newsroom, avec des déclarations conciliantes du repreneur et du personnel, mais rien, pas même une petite photo de groupe tout sourire, n’a paru à propos de Delhaize Nivelles – un magasin où les protestations syndicales ont été assez intenses. Manque d’envie ? Aucun incident n’est cependant à déplorer, tout se déroule sans accroc. Comme pour les Mousquetaires, où les premiers magasins sont en train de changer de propriétaire.
Ils devront mettre les bouchées doubles, ces courageux repreneurs. Plus d’un supermarché indépendant sur quatre était dans le rouge l’année dernière – ou près d’un sur trois selon la manière dont le rédacteur en chef de service applique les règles d’arrondi pour sortir un titre-choc (et à L’Echo, ils ont, après quelques hésitations, décidé d’opter pour la nuance honnête). Sommes-nous étonnés ? L’année a été marquée par une augmentation exceptionnelle des coûts. Et les deux années précédentes étaient assez fastes : rien à redire. Je ne voudrais pas vous priver de l’opinion impopulaire de l’Unizo : les salaires ne peuvent pas augmenter, mais les prix, sans problème. Formidable !
Jamais entendu parler
Mais est-ce plus facile en ligne ? « Jamais entendu parler » : telle a été la première réaction d’un lecteur peu après que nous ayons publié sur notre page Facebook l’information selon laquelle Rayon, le supermarché en ligne de Smartmat, jetait l’éponge. Voilà qui résume bien la situation. Alors que Crisp, son bruyant rival néerlandais, dilapidait son capital-risque en spots télévisés en prime time, Rayon a opté pour la modestie flamande.
Sympathique, mais rarement une bonne idée. Faire connaître une marque coûte de l’argent, et l’échelle est un élément crucial d’un modèle e-commerce rentable. La vitesse aussi. Il y a quelques mois, le CEO Stéphane Ronse se faisait encore fort de rendre la boutique en ligne rentable : c’est l’échec. La synergie espérée avec Foodbag, la société sœur de box repas, ne s’est pas concrétisée. Dommage, j’en étais un client (certes occasionnel) parfaitement satisfait. Mais je le suis aussi de Crisp. Le marché est impitoyable. Et la concurrence est aussi mortelle en ligne qu’ailleurs.
Le souhait du comptable
C’est peut-être la raison pour laquelle Carrefour est si heureux de sous-traiter une partie de ses opérations de courses rapides aux cyclistes de Takeaway.com : après un test réussi à Bruxelles, cinq autres villes vont s’ajouter. Tout le monde y gagne. La société mère Just Eat Takeaway ne s’en plaint pas : le nombre de commandes est toujours en baisse par rapport aux années glorieuses de la pandémie, alors que les dépenses repartent à la hausse. Pas étonnant avec l’explosion des prix dans l’horeca.
Tout est question de timing : alors qu’une étude commandée par BD Media montre que les Belges aiment vraiment les prospectus, surtout en format papier, Carrefour affirme le contraire, chiffres à l’appui : à Bruxelles ou à Anvers, une famille sur deux ne veut plus recevoir de publicité dans sa boîte aux lettres. Le détaillant va-t-il donc proposer davantage plus de promotions via ses plateformes numériques que sur papier. Officiellement : parce que le souhait du client est central. Mon avis : celui du comptable l’est tout autant.
Perte d’appétit
Arvesta, la branche commerciale du Boerenbond détestée par certains, a eu la langue au moins aussi acérée que Jumbo à l’occasion du lancement d’une nouvelle marque d’aliments durables pour le bétail. Les supermarchés doivent-ils se lancer dans des promotions « 1+1 » sur la viande et les légumes ? Des myrtilles du Pérou, est-ce bien raisonnable ? Et pourquoi y a-t-il encore du poulet Mal-Être dans les rayons ? Si l’agriculture belge venait à disparaitre, les coupables sont connus. Si ce n’est pas mettre le doigt sur la plaie… Aïe.
Mais ces produits agricoles si bon marché ne sont au moins pas trop mauvais pour la santé. Car désormais, les personnes dotées d’un certain embonpoint s’avèrent être un danger pour l’industrie alimentaire, alors qu’elles étaient jusqu’à présent ses grasses poules aux œufs d’or. Pourquoi ? Les médicaments amaigrissants de nouvelle génération qui s’écoulent comme des petits pains dans les pharmacies privent les patients obèses de tout appétit, ce qui pourrait sérieusement peser sur les ventes de biscuits, chips et autres friandises hypercaloriques.
Cure d’amaigrissement aussi en Bourse
Le modèle économique selon lequel des multinationales rouées nous rendent désespérément accros à une combinaison irrésistiblement onctueuse de sucre, de graisse et de sel dans une enveloppe croustillante touche à ses limites, et cela commence même à se traduire dans le cours de certaines actions : la cure d’amaigrissement atteint la Bourse.
Eh bien voilà d’où vient ce phénomène. La tentation est évidemment grande d’ajouter ici un lien vers cette scène hilarante du chocolat fourré à la menthe dans le Sens de la Vie des Monty Python, mais ce serait un peu too much dans ce contexte, n’est-ce pas ? Bon appétit !. N’oubliez pas : la Semaine sans Viande arrive à grands pas. On n’a pas fini de s’amuser. Sauf au Standaard, qui n’est apparemment pas très enthousiaste à l’égard de cette rubrique. Amen. À la semaine prochaine !